Bernard De Commer

Faut-il réformer les centres PMS? (carte blanche)

En juin dernier, des travailleurs de centres PMS (psycho-médico-sociaux) manifestaient, réclamant un refinancement. Le Pacte pour un enseignement d’excellence met-il leur survie à mal ? L’opinion de Bernard De Commer, ancien permanent syndical retraité.

Ils étaient quelque 400 travailleurs des PMS, le 2 juin dernier, à manifester leur inquiétude devant les bâtiments du gouvernement de la Fédération Wallonie- Bruxelles, quant à la fin probable des renforts mis à leur disposition durant la crise sanitaire. Ils demandaient aussi un refinancement structurel du secteur des CPMS, dont les missions se sont étoffées au fil des décennies sans que les moyens soient augmentés pour autant.

La ministre Caroline Désir (PS) se déclarait bien consciente des difficultés exprimées par le secteur, mais ne pouvait y donner suite pour des raisons budgétaires. Elle affirmait, par ailleurs, que les réformes envisagées du secteur ne seraient pas concrétisées sous cette législature.

Des inquiétudes pour les centres PMS

En novembre 2017, relativement à ces réformes en lien avec le Pacte pour un enseignement d’excellence, réformes émises par le Groupe central dans son avis n°3, le Conseil supérieur des PMS exprimait ses inquiétudes comme suit :

« …Le Centre P.M.S. et l’Etablissement Scolaire s’inscrivent dans un partenariat au sein duquel ils collaborent. Ce partenariat centre/école est soutenu par la contractualisation qui rend visibles les spécificités de chacun des partenaires. De plus, la contractualisation clarifie une responsabilisation conjointe, au bénéfice des élèves et dans un souci de co-construction des pistes d’action. 

[…] le conseil recommande de clarifier et préciser davantage la nécessaire collaboration des deux partenaires (école – centre PMS) dans l’élaboration des stratégies qui permettront de rencontrer les objectifs spécifiques inscrits par l’établissement scolaire dans son plan de pilotage… »

Et le conseil de conclure ainsi :

« Le Conseil recommande la prise en compte de la complémentarité des ressources des différents partenaires lors de l’élaboration du cadre des pratiques collaboratives entre les Centres P.M.S. et leurs différents partenaires, dont l’école. L’approche globale et longitudinale de l’élève, de première ligne, est un apport essentiel pour le suivi des élèves. L’école ne peut à elle seule déterminer les domaines de compétences des Centres P.M.S. en matière de pratiques collaboratives, qui résultent, non seulement de cette approche longitudinale, mais également du caractère pluridisciplinaire des professionnels des Centres et de leurs missions spécifiques.

A ce niveau, le Conseil recommande que les concertations entre le Centre P.M.S. et l’école soient spécifiques, centrées sur l’évolution des besoins des élèves et les moyens/ressources disponibles pour y répondre. » (avis 41)

La crainte des PMS était (et est sans doute toujours) que ceux-ci ne soient en quelques sorte pieds et mains liés par les établissements scolaires auxquels ils sont déjà liés par une convention.

 Cette anxiété des CPMS a eu des échos dans les médias. Ainsi, par exemple, avais-je été interviewé, le 18 septembre 2018, par le magazine Moustique. « Avec le Pacte, les CPMS n’ont-ils pas l’impression de devoir disparaître? », m’avait demandé la journaliste. Non, avais-je répondu. Et, d’ailleurs, le Pacte ne dit rien de tel. Les PMS comme les écoles se trouvent face à une véritable révolution dans l’enseignement francophone : tronc commun de la maternelle à 15 ans, école orientante, double contractualisation pour les PMS, plan de pilotage… Et donc les uns et les autres s’interrogent sur la manière de s’adapter et d’adapter leurs pratiques à ce contexte. Les PMS, par contre, constatent que le nombre de leurs missions croît sans cesse alors que les moyens humains à leur disposition restent sensiblement les mêmes.  Dès lors, les Centres devront dégager leurs objectifs prioritaires en fonction des objectifs liés à l’enseignement et des objectifs spécifiques des écoles avec lesquelles ils travaillent.

Cette anxiété n’était toujours pas atténuée  en 2020 :  perte d’indépendance d’action, secret professionnel non garanti (les enseignants comme tels ne sont pas soumis au secret professionnel).

Cette possible réforme angoisse, en effet, de nombreux acteurs, inquiets pour le futur de leur profession.

Ainsi, par exemple,  peut-on lire, dans le guide social du 12 février 2020 : « Les nombreuses mesures prévues par la Communauté française ne sont pas accueillies avec enthousiasme par le secteur, il faut bien le dire. Cette possible réforme angoisse, en effet, de nombreux acteurs, inquiets pour le futur de leur profession. Et si les centres PMS étaient seulement mis au service des résultats imposés, et non plus des familles ? Et si leur secret professionnel était bafoué ? Et si le rôle des CPMS devenait contraignant, et non plus consultatif ? Et quid de l’emploi ? Des postes seront-ils menacés ? Bref, une série de questions taraudent les travailleurs. »

Perte d’indépendance, mise  à mal du secret professionnel, perte d’emploi ?

Le Pacte ne dit pas cela. Certes, ce dernier place les écoles et les CPMS dans le contexte d« amélioration des résultats de notre système scolaire, que ce soit en termes d’efficacité ou d’équité nécessite un renforcement de la responsabilisation des acteurs de l’enseignement par rapport à ces résultats ».

Mais, « concrètement, déclare le Pacte,  le pilotage de l’action des CPMS s’opérera au travers d’une double contractualisation qui à la fois doit permettre de garantir la prise en compte par les CPMS des objectifs et des besoins des écoles et l’indépendance des CPMS par rapport à celles-ci »

Ce sera, il me semble, une petite, voire une grande révolution et pour les établissements et pour les CPMS que cette triangularisation  écoles/ CPMS/ autorité. C’est un mode de fonctionnement largement inédit chez nous.

Il devra faire ses preuves et sans doute souffrir de l’une ou l’autre maladie de jeunesse, mais, et pour autant que chacun y contribue loyalement, la qualité de l’enseignement ne devrait que  s’en porter que mieux.

Cependant,  qui dit co-construction de pistes d’action dit avoir du temps et du personnel pour ce faire. Or si les missions des PMS ne cessent de croître au fil du temps, les moyens, eux,  mis à disposition, ne suivent pas cette courbe ascendante. Tant s’en faut. Une vilaine habitude en Fédération Wallonie-Bruxelles : faire plus, faire mieux, avec moins le plus souvent.

Et pour conclure

Ici comme ailleurs, la vigilance reste de mise : cette profonde réforme de fonctionnement – une petite révolution en soi comme dit ci-dessus  – mais aussi les objectifs qui la sous-tendent  doivent s’inscrire dans le fil rouge  de l’avis 40 du Conseil supérieur des PMS :

« Savoir anticiper, savoir agir, savoir faire des projets mais aussi savoir les remettre en cause sont devenus des modes d’adaptation privilégiés dans notre société. Il en est de même de l’orientation qui ne relève pas d’un choix à un moment donné mais d’une construction progressive faite par un individu, relié au monde qui l’entoure, à travers des décisions et des actions successives. Le problème n’est peut-être pas d’abord « que choisir ? » Mais plutôt « pourquoi choisir » et « comment choisir ?». Quelle démarche l’élève a-t-il à sa disposition ? Quelle réflexion, quelle compréhension de l’environnement a-t-il qui lui permettent de prendre au fur et à mesure de son parcours scolaire toutes les petites et les grandes décisions de la vie quotidienne ? »

Et surtout et avant tout garder en mémoire que « le projet des Centres PMS ne consiste pas à orienter l’élève mais à aider celui-ci à s’orienter… et à soutenir l’école dans la mise en place de dispositifs (éducatifs) d’accompagnement de ce processus. » (avis n°40, juin 2016, sous le titre Contribution des Centres PMS au Pacte d’excellence. Le centre PMS acteur-clé de l’orientation scolaire dans le temps et l’espace scolaire). 

Donc pas de réforme pour la réforme ou pour la forme ou pour que tel ou telle ministre, comme cela s’est trop souvent vu par le passé, puisse mettre cette dernière comme on met une fleur à son chapeau.

Et, enfin, et surtout, ne pas se réformer au détriment des enfants et des personnels concernés, qu’ils soient issus des écoles ou des centres.

Pour cela, il s’impose que l’Autorité accorde aux PMS des moyens supplémentaires, non pas temporaires suite, par exemple, comme ce fut le cas avec la crise sanitaire, mais de manière pérenne.

Mais cela, pour reprendre l’expression populaire, c’est une autre paire de manches.

Bernard De Commer, ancien permanent syndical retraité, ancien membre du Conseil supérieur des CPMS

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