Caroline Désir (PS), ministre de l'Education © Belga

Evaluation des enseignants: les syndicats ne veulent pas décaler le volet le plus controversé

Opposés au projet de décret sur l’évaluation des enseignants, les syndicats socialistes et libéraux ont rejeté jeudi l’idée de la ministre Désir de voter l’ensemble du décret, mais de décaler de plusieurs années la mise en oeuvre de son second volet, celui qui permet de licencier un enseignant insatisfaisant.

Post-poser ce second volet ne va changer strictement rien! », balaie Joseph Thonon, le président de la CGSP-Enseignement. « Ce serait reculer pour mieux sauter. Je ne vois pas l’intérêt, sinon que la ministre Désir ne sera peut-être plus en fonction quand la mesure arriverait », ajoute le syndicaliste.

Dans un geste d’apaisement envers les syndicats, la ministre Désir propose jeudi dans le Soir de voter dans son ensemble le décret sur l’accompagnement et l’évaluation des profs, mais de reporter de plusieurs années l’entrée en vigueur du second volet (celui sur l’évaluation) par rapport au premier (sur l’accompagnement et la formation continue). La ministre se dit prête à négocier ce délai avec les acteurs de l’école, précisant déjà qu’il pourrait être « conséquent ».

Lors d’une conférence de presse commune jeudi, les syndicats socialistes (CGSP et Setca-SEL) et libéraux (CGSLB et Appel) ont toutefois rejeté cette idée. A leurs yeux, la seule chose acceptable serait d’adopter et de mettre en application le seul premier volet de la réforme, de l’évaluer et d’appliquer les procédures d’évaluation déjà prévues dans la législation via les services de l’Inspection. Ce n’est que si cette procédure ne devait pas donner pleinement satisfaction que le projet d’évaluation de la ministre Désir pourrait alors être voté et implémenté, avancent les quatre syndicats.

Pour eux, le système tel qu’envisagé aujourd’hui va instiller une logique managériale dans les écoles, augmenter la pression sur une profession déjà en pénurie et attenter à l’autonomie des enseignants qui risquent de devenir demain de simples exécutants. « Le propre du métier du métier d’enseignant, c’est de pouvoir s’adapter aux imprévus, aux différents besoins de ses élèves », rappelle Masanka Tshimanga, la présidente du SLFP-Enseignement. « Or, avec ce projet, le prof devra répondre à toutes les demandes de sa direction car il sera toujours sous la menace du lancement d’une procédure d’évaluation ».

Pour les quatre syndicats, le système prévu entretient la confusion entre problèmes pédagogiques et disciplinaires. En plus d’être chronophage pour les directions, il risque aussi de dégrader les relations entre les directeurs et leurs enseignants, selon eux.

Ils plaident dès lors pour que la décision d’attribuer un plan de formation à un enseignant se prenne de commun accord, et pas seulement sur décision du directeur d’établissement.

Les organisations syndicales demandent aussi que l’évaluation des profs soit réalisée non par la direction, mais par un inspecteur de l’enseignement. « L’expert pédagogique, c’est lui! », insiste Muriel Vigneron, vice-président de la SLFP-Enseignement.

Pour dénoncer les projets du gouvernement, les quatre syndicats ont claqué, le mois dernier, la porte du comité de concertation du Pacte pour un enseignement d’excellence. Ils programment par ailleurs une nouvelle manifestation dans les rues de la capitale jeudi prochain.

Si le décret devait malgré tout être approuvé par le gouvernement et le parlement dans les mois à venir, les quatre syndicats n’envisagent toutefois pas de lancer un mot d’ordre de grève, comme celle menée dans les années ’90.

La récente hausse des coûts pèse sur le portefeuille de nombreux enseignants, lesquels ne se sentent en outre pas prêts à abandonner à nouveau leurs élèves après deux années de pandémie qui ont fortement perturbé les apprentissages, soulignent les syndicats.

Mais même si les enseignants se refusent à se mettre en grève, le gouvernement ferait toutefois bien d’écouter leurs doléances, estiment les syndicats. « Si les profs ne se sentent pas écoutés, cela va augmenter leur aigreur, leur colère et leur désertion, dans un contexte déjà marqué par la pénurie », prévient Adrien Rosman, du Setca-SEL.

« Le risque, c’est que si le décret évaluation passe, cela démobilise alors complètement les enseignants, y compris sur les objectifs poursuivis par le Pacte d’excellence. Et pour réussir une réforme, il faut avoir les équipes avec soi! », concluent les syndicats.

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