Claude Demelenne

En cognant sur le PS, le PTB pénalise toute la gauche

Claude Demelenne essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche

Le PTB se définit comme « la gauche authentique ». Intox. En cognant sur le PS, le parti de Raoul Hedebouw nuit à cette gauche qu’il prétend incarner.

Le disque est rayé. Le PTB n’a pourtant aucune intention d’en changer. « Di Rupo va mener une politique de droite, anti-populaire », martèlent les dirigeants du PTB. Après la formation du gouvernement wallon, les communistes sont remontés au front, comme en 40. Haro sur le PS ! Et peu importe si la plupart des nouveaux ministres (Christie Morreale, Frédéric Daerden, Pierre-Yves Dermagne…) appartiennent à l’aile la plus progressiste du PS et sont totalement étrangers aux peu glorieuses « affaires » (Publifin, Samu social…) qui ont jadis mis en cause certains socialistes. Chez les communistes, on ne fait pas dans la nuance. Les camarades socialistes servent de punching-ball. Tous des sociaux-traîtres ! Au PTB, on rejoue toujours le même film : l’Empire du Bien – le PTB – contre l’empire du Mal – le PS.

La grenouille qui se croyait plus grosse que le boeuf

Dans son rôle de grand inquisiteur, le PTB oublie quelques faits essentiels. Une vérité arithmétique, d’abord. En refusant de négocier sérieusement avec le PS et ECOLO, le PTB a déroulé le tapis bleu pour le MR. Cadeau aux libéraux, devenus indispensables pour obtenir une majorité au parlement wallon. Merci le PTB !

Après les élections du 26 mai, le PTB s’est comporté comme la grenouille qui se croyait plus grosse que le boeuf. Du haut de ses 13,8% – un score historique – le parti marxiste a voulu tordre le bras au PS, certes en recul, mais toujours dominant, avec un score de 26,1%. Le PTB s’est accroché à sa ligne maximaliste. Il a posé un préalable absolu : les socialistes devaient partir en guerre contre les règles budgétaires européennes. En clair, le PS était prié d’adopter le programme des communistes, faute de quoi ceux-ci se retireraient sous leur tente. Ce n’est évidemment pas ainsi que cela fonctionne en démocratie. Le plus petit parti, même en forte progression, n’impose pas ses ukases au plus grand.

Pour le PTB, compromis est un gros mot

Le PTB distribue des leçons de socialisme au PS. Mais il néglige une réalité incontournable : nous ne vivons pas en dictature (même communiste!), donc chez nous, tout se termine par des compromis. Vu son bon score électoral et les rapports de forces au parlement, que pouvait espérer le PTB ? En gros, faire inscrire dans le programme d’un hypothétique gouvernement de gauche PS-ECOLO-PTB, 15 à 20% de ses promesses électorales. Pas mal, mais inacceptable pour le PTB, adepte de la logique du tout ou rien. Et idéologiquement inapte à forger un compromis équilibré, dans lequel chacun fait des concessions à ses partenaires. Pour le PTB, compromis est un gros mot.

PTB – FGTB, le désamour

C’est peu dire que le refus du PTB de jouer la carte d’un gouvernement de gauche en Wallonie a irrité les boss de la FGTB. Depuis plusieurs années, ceux-ci considéraient les dirigeants du PTB comme de bons camarades. Aujourd’hui, ils sont furieux. « Le PTB ? Ils gagnent les élections et ils n’en font rien, a tonné dans le « Soir », le président de la FGTB, Robert Vertenueil. Ils ont confisqué les voix de leurs électeurs, empêché d’avoir une politique de gauche. Ils en portent la responsabilité. Ils devront rendre des comptes devant l’électeur ». Le patron de la FGTB wallonne, Thierry Bodson, n’est pas plus tendre. « Le PTB n’a même pas voulu négocier. Ce n’est pas correct, a-t-il expliqué dans la « Libre Belgique ». En restant à peine deux heures dans la même salle que Di Rupo et Magnette, le PTB donne le sentiment que, dès le départ, il ne voulait pas y aller. Il y avait une possibilité historique d’avoir une majorité de gauche, elle ne se représentera peut-être plus. J’en veux au PTB pour ça ».

Entre le PTB et la FGTB, c’est le désamour. Les responsables syndicaux sont des pragmatiques. Ils savent que le progrès social se construit pas à pas, par des compromis, précédés parfois de conflits durs, dans la rue s’il le faut. Le PTB a une autre logique. Pour lui, pas de compromis possible, ni avec les patrons, ni avec la droite, ni avec la social-démocratie honnie. Au final, le parti de « la gauche authentique » campe dans son splendide isolement. C’est un beau gâchis.

Le PTB utile à la gauche ?

Actuellement, le PTB n’est pas utile à la gauche. Un PTB réellement rénové – ouvert au compromis et en phase avec les syndicats – aurait pu aider à la formation d’un gouvernement de gauche en Wallonie. Ce sera, au mieux – on jugera sur pièces – un gouvernement de centre-gauche.

Le PTB sera utile à la gauche le jour où il cessera de considérer le PS comme son meilleur ennemi, qu’il faut diaboliser, caricaturer, flinguer. Le PTB sera utile à la gauche lorsqu’il cessera de stigmatiser les socialistes. L’Histoire des dernières décennies a montré que le projet social-démocrate, malgré ses insuffisances, est davantage progressiste que le projet porté par une gauche radicale souvent…radicalement sectaire.

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