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« En cas de second confinement, le tribunal pourrait bloquer les mesures »

Tex Van berlaer
Tex Van berlaer Collaborateur Knack.be

Lors du premier confinement, le gouvernement s’est vu accorder une grande marge de manoeuvre, explique Stefan Sottiaux (KU Leuven), spécialiste des questions constitutionnelles. Mais cela ne va pas durer.

Les chiffres de l’épidémie sont à nouveau en hausse. Plusieurs experts disent qu’il faut urgemment resserrer la vis…

Stefan Sottiaux: On a parfois l’impression d’être revenu en mars. Et pourtant, il n’y a pas de consensus autour d’un « lockdown 2.0 ». Même pas sur le plan juridique. Nous devons éviter que notre liberté soit une fois de plus sévèrement restreinte sur la seule base de la décision du ministre de l’Intérieur. Ces arrêtés ministériels étaient truffés de notions vagues telles que les « déplacements nécessaires ». Cela a conduit à une cacophonie de mesures au niveau local.

Alors, que proposez-vous ?

Le Parlement devrait créer un cadre juridique précis. Les textes devraient indiquer, par exemple, quand une introduction générale des masques peut être introduite ou quand et où le bourgmestre doit intervenir.

Le gouvernement peut-il se contenter de simplement annoncer un deuxième confinement ?

Un gouvernement ne doit pas seulement protéger notre santé, il doit le faire de manière mesurée et équilibrée. Nous en savons maintenant plus sur le virus et nous sommes mieux préparés qu’en mars. Pensez à la disponibilité des masques. S’il devait y avoir un deuxième confinement – quel qu’il soit – un juge pourrait être amené à bloquer des mesures de grande envergure.

Comme en Espagne, où un juge a annulé un nouveau confinement à Madrid parce que ce dernier violerait les droits et libertés fondamentaux. La semaine dernière, le Conseil d’Etat a également suspendu un arrêté bruxellois interdisant la prostitution en estimant que le bourgmestre de Bruxelles n’avait pas la compétence pour le faire. Mais c’est l’exception. Le Conseil d’État a peut-être été trop indulgent jusqu’à présent.

Comment expliquez-vous cela ?

Au début, nous avons été confrontés à quelque chose que nous ne connaissions pas. C’est pourquoi le gouvernement a eu les coudées franches. Si, d’aventure, une plainte était déposée, elle était rejetée pour vice de procédure. Le Conseil d’Etat n’a donc pas encore dû statuer pour déterminer si le couvre-feu viole ou non les droits fondamentaux. Mais cela ne durera pas. La récréation est terminée.

Quels sont les critères auxquels doivent répondre les nouvelles mesures ?

Elles doivent être utiles, non arbitraires, nécessaires et proportionnées. Dans le même temps, le gouvernement doit trouver l’équilibre entre la protection de nos droits fondamentaux et la protection de la santé publique. C’est difficile, mais cela fait la différence entre un État constitutionnel et un État policier. La Chine n’a, par exemple, pas à faire cet examen de conscience.

Une mesure ne doit pas être arbitraire, dites-vous. Pourtant, les cafés doivent fermer plus tôt que les restaurants.

On peut encore comprendre que l’on garde plus facilement ses distances au restaurant que dans un café. Cela dit, lors du premier confinement, les grandes chaînes de bricolage et de jardinage qui vendent de tout ont soudainement été autorisées à ouvrir, mais pas les magasins de bricolage spécialisés. Une telle distinction ne sera plus valable devant les tribunaux.

Les juges joueront-ils un rôle crucial dans la prochaine phase ?

(Doutes) Il ne faut pas non plus trop attendre des juges. Nous avons également besoin d’une opinion publique vigilante. La tendance qui veut que toutes les voix critiques soient forcément négationnistes de la science m’effraie un peu.

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