Emmanuel André, coordinateur du Comité interfédéral "Testing & Tracing" © knack

Emmanuel André: « Le coronavirus est sous contrôle »

Jeroen De Preter Rédacteur Knack

La stratégie de  » suivi de contacts  » visant à prévenir la résurgence du coronavirus est sous le feu des critiques un mois seulement après son lancement. Selon Emmanuel André, coordinateur du Comité interfédéral « Testing & Tracing », c’est pourtant la seule voie à suivre pour contenir l’épidémie. Il s’est confié à nos confrères du magazine Knack. Extraits d’interview.

En l’absence de vaccin et pour éviter un confinement en cas de seconde vague épidémique, la stratégie actuelle de suivi de contacts a comme objectif de tester un maximum de personnes infectées au coronavirus. Une enquête doit alors retracer quelles personnes ont été en relation avec les personnes malades afin de les mettre en quarantaine. Cette stratégie connait des couacs au démarrage.

Emmanuel André est coordinateur du Comité interfédéral « Testing & Tracing ». Malgré les critiques, notamment concernant le respect de la vie privée, il est convaincu que cette méthode de suivi de contacts est la voie à suivre pour garder le virus sous contrôle dans les mois à venir.

Selon certaines sources, le centre d’appel n’atteindrait que la moitié des personnes contaminées.

André : Au cours des deux dernières semaines, nous avons atteint environ 60 % des personnes infectées. Les chiffres évoluent aussi clairement dans la bonne direction. Par exemple, le 27 mai, 68 % des appels ont abouti.

Votre collègue Steven Van Gucht avance que les personnes contactées par les enquêteurs ont donné en moyenne le nom d’une personne avec laquelle elles étaient en contact. Il avait espéré qu’il y en aurait au moins quatre.

André : Ce chiffre a également fortement augmenté ces dernières semaines. Entre-temps, nous avons environ trois contacts par appel. Cette évolution positive est également liée à l’expérience et à la professionnalisation des agents des centres d’appel. N’oubliez pas que ce sont souvent des personnes qui ont dû commencer quelque chose de complètement nouveau du jour au lendemain. Ils apprennent tous les jours. Leurs conversations durent de plus en plus longtemps, ce qui indique qu’ils réussissent de mieux en mieux à gagner la confiance de leurs interlocuteurs. Le fait que cela n’ait pas réussi dès le premier jour n’a pas été une grande surprise. Les experts qui le font depuis des années, par exemple pour retracer les infections de tuberculose, confirmeront que cela prend toujours du temps au démarrage.

Si le Parlement déclare que la recherche des contacts n’est pas possible en raison d’un risque trop important pour la vie privée, nous l’arrêtons.

Un problème important est celui de la vie privée. La base de données dans laquelle les données collectées sont stockées est illégale selon l’Autorité de protection des données. La proposition de loi qui devrait permettre de collecter ces données est également trop vague et ne précise pas leur durée de conservation.

André : Je comprends les arguments de l’Autorité de protection des données et des organisations qui défendent les droits de l’homme. Le système de suivi de contacts ne peut fonctionner que si la confiance règle et que les personnes peuvent être sûres que leurs données ne seront pas utilisées à mauvais escient. Il est donc très important que nous améliorions ce contexte juridique le plus rapidement possible, et que nous convainquions le public qu’il ne s’agit pas d’un pas de plus vers une société à la Big Brother. Des améliorations sont possibles, par exemple, en ce qui concerne la période de conservation des données.

Emmanuel André :
Emmanuel André : « Les gens transmettent en moyenne trois contacts au centre d’appel. » © Knack

En Belgique, la confiance faible dans le gouvernement pourrait être le plus grand obstacle.

André : La réputation du gouvernement ne joue pas en notre faveur, c’est vrai. Mais même dans les circonstances actuelles, il n’est pas facile de compter sur la pleine coopération de la population. Il n’est pas totalement incompréhensible que les gens ne soient pas désireux de transmettre le nom d’un ami ou d’un membre de la famille : l’idée de devoir les mettre en quarantaine pendant deux semaines n’est pas agréable.

Dans notre pays, la surmortalité due au coronavirus était de 47 %. En Allemagne, elle était limitée à 7 %. Pouvez-vous attribuer cette surmortalité beaucoup plus faible au fait que le suivi de contacts en Allemagne faisait partie de la stratégie de contrôle du virus dès le début de la crise ?

André : Je me méfie des explications trop simplifiées comme ça. Il existe plusieurs causes à la forte mortalité en Belgique, et il n’existe pas de règle simple permettant de calculer exactement quelle cause est importante. Une cause importante est sans aucun doute la manière dont le virus est entré dans notre pays. Cela s’est produit dans de nombreux endroits différents en même temps. Vous n’apprenez rien de neuf non plus quand je vous dis que notre système de soins n’était pas bien préparé à cette pandémie. Il n’y avait pas assez de capacité de tests, et nous n’étions pas équipés pour mettre en place rapidement un système de suivi des contacts.

La réputation du gouvernement ne joue pas en notre faveur, c’est vrai.

Pouvons-nous supposer que notre système de suivi des contacts sera suffisamment robuste pour empêcher un nouveau pic et un verrouillage correspondant ?

André : C’est l’objectif. On parle souvent de l’arrivée d’une deuxième vague, alors que cette deuxième vague est en fait déjà là. Le virus est toujours en circulation. Le fait qu’il soit aujourd’hui sous contrôle est le résultat des mesures préventives que nous avons prises entre-temps. Je ne parle pas seulement du suivi des contacts, mais aussi de la capacité accrue de dépistage et des mesures préventives prises. Les chiffres montrent que ces mesures fonctionnent bien.

Avec Steven Van Gucht, vous avez été le porte-parole du Centre national de crise jusqu’à la fin du mois d’avril. En tant que coordinateur du Comité de test et de traçage, êtes-vous plus dans votre élément ?

André : Je veux mettre mon énergie dans ce que je considère comme la chose la plus importante à un moment donné. Je resterai ici jusqu’à ce que le système soit stable, tout comme je suis resté porte-parole du Centre de crise jusqu’à la fin du pic. Partir maintenant serait trop tôt. Il y a encore un certain nombre de choses à améliorer. Mais à long terme, je ne reste pas ici. Je suis médecin et microbiologiste, pas gestionnaire de système. Ma prochaine étape sera celle de ma véritable passion.

(Source: Knack / Adaptation: Caroline Lallemand)

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