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Elections en Wallonie : quelles leçons, quelle majorité ?

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Limites de la vague verte, recul des partis traditionnels, échec cinglant des partis citoyens… Voici les grandes leçons du scrutin régional wallon. Et les trois futures coalitions les plus probables.

Au terme d’un suspens alimenté par d’improbables problèmes informatiques, la Wallonie a bel et bien réajusté ses curseurs. Mais sans commune mesure avec cette « vague brune » du Vlaams Belang, nappant la Flandre d’un nationalisme plus froid encore et d’un extrémisme glacial. La vague verte annoncée a bel et bien eu lieu au sud du pays, mais sa crête n’a pas éclipsé l’horizon. Le PTB a bel bien installé ses solides quartiers, mais avant tout et comme toujours sur le terrain du PS. Les partis traditionnels ont bel et bien reculé, mais aucun n’a sombré. Que retenir de ce scrutin ? Et quelle majorité pour guider cette Wallonie dans une direction diamétralement opposée, quoi qu’il arrive, à celle de la Flandre ? Double réponse en trois temps.

Les trois leçons

1. Majorités sortantes : un recul, pas une sanction. Aucun parti issu des deux majorités que la législature wallonne a connues (PS-CDH jusqu’en juillet 2017, puis MR-CDH jusqu’à ce 26 mai) ne parvient à maintenir son score de 2014. Aucune de ces deux majorités ne pourrait par ailleurs être reconduite mathématiquement. Les deux grands vainqueurs de ce scrutin, Ecolo et le PTB, ont vécu l’intégralité de ces cinq dernières années dans l’opposition.

S’agit-il pour autant d’une sanction de l’action des deux derniers gouvernements wallons ? Pas vraiment. Treize des 14 personnalités (4 MR, 4 CDH, 6 PS) qui y ont exercé une fonction exécutive viennent d’être réélues en Wallonie, au fédéral ou à l’Europe. Seul le ministre sortant Carlo Di Antonio (CDH) perd le siège qu’il détenait dans la circonscription de Mons, en réalisant un score personnel presque deux fois inférieur à celui de 2014 – bien qu’il ait une fois encore capté 46% des voix de préférence de sa liste. De son côté, le MR perd cinq sièges, dont trois dans le Hainaut, mais plusieurs locomotives libérales de 2014 ne figuraient cette fois plus sur les listes régionales. Enfin, le recul du PS de sept sièges, dont quatre dans le Hainaut, s’explique en partie pour cette même raison, outre ce transfuge prévisible et annoncé de voix vers le PTB, davantage porté par son idéologie que par les critiques émises envers le gouvernement wallon.

2. Une vague verte, pas de raz-de-marée. Le progrès d’Ecolo (+5,9%), observable dans toutes les circonscriptions, repose largement sur l’attention accrue, ces derniers mois, pour les causes climatique et environnementale qu’il a continué à incarner en premier chef, malgré les campagnes menées sur ce même terrain par les formations rivales. Si la vague verte se confirme, ce n’est pas un raz-de-marée : troisième parti à ce scrutin, quatrième en 2014 mais déjà troisième en 2009, dans un paysage politique moins éclaté à l’époque. Malgré un contexte plus favorable que jamais et l’absence de bilan à défendre, Ecolo ne parvient toujours pas à se hisser au niveau de la rivalité PS-MR, n’est deuxième que dans le Brabant wallon et premier dans aucune circonscription.

3. L’échec du modèle des partis citoyens. En Wallonie comme ailleurs, les résultats de ce scrutin actent l’échec cuisant des partis citoyens, qui n’avaient pas réussi à percer davantage lors des élections communales et provinciales d’octobre dernier. Les remous suscités entre autres par l’affaire Publifin, révélée fin 2016, n’auront potentiellement profité qu’à Ecolo et au PTB, pour des motifs différents. Manque d’organisation, de clarté, de moyens, absence de figures charismatiques… Les causes de cette moisson insipide sont multiples. Pour les principaux intéressés, le verdict s’avère d’autant plus décevant au regard de l’hostilité prétendument croissante des citoyens envers la classe politique traditionnelle. Au-delà de l’échec, c’est là, aussi, tout le paradoxe d’une Région – elle n’est pas la seule – qui ne cesse de réélire bon nombre de ceux qu’elle pointe précisément du doigt, à tort ou à raison.

Quelle majorité ?

Quelle sera la future majorité au Parlement de Wallonie ? CDH et Ecolo joueront les arbitres, tandis que le PTB devrait se complaire dans l’opposition. Tour d’horizon des trois coalitions les plus probables.

Favorite trois étoiles : PS-Ecolo-CDH (45 sièges sur 75)

Même si la méthode diffère, PS et Ecolo ont affiché une réelle proximité lors de la campagne électorale vis-à-vis de plusieurs grandes thématiques, comme le socioéconomique, l’urgence environnementale et climatique, la fiscalité et le vivre-ensemble. Les deux formations ne pourront toutefois pas décrocher une majorité à elles seules. C’est là que les vieux démons resurgissent : le PS accepterait-il de signer à nouveau avec le CDH ? En juillet 2017, sous l’ère de Benoît Lutgen, les humanistes avaient « débranché la prise » du gouvernement PS-CDH, à la suite des affres de Publifin, renvoyant ainsi les socialistes dans l’opposition. Mais Benoît Lutgen n’est plus président du CDH et l’ex-Ministre-président wallon Paul Magnette s’en est allé avec sa potentielle rancune à l’Europe. D’où le scénario très probable d’une coalition olivier en Wallonie (PS-Ecolo-CDH), comme en 2009, quelle que soit l’alliance qui émerge au niveau fédéral.

Favorite deux étoiles : MR-Ecolo-CDH (42 sièges sur 75)

Puisque les électeurs wallons n’ont pas vraiment sanctionné l’attelage sortant, pourquoi ne pas le reconduire, quitte à l’ouvrir à Ecolo ? Vu leur entente honorable pendant près de deux ans, l’hypothèse d’une alliance MR-CDH renouvelée semble elle aussi probable. Le recul du MR et du CDH en Wallonie ne leur permet pas de reconduire une majorité en binôme : il leur faudrait donc négocier avec le PS ou Ecolo. Or, ni les libéraux, ni même les humanistes n’ont un intérêt à embarquer des socialistes plus nombreux. Le choix d’Ecolo paraît dans ce cas tout désigné, bien qu’une telle coalition impliquerait de coûteux sacrifices ou compromis dans les priorités de chaque partenaire. Notamment sur le plan socioéconomique, énergétique et de la mobilité.

Favorite une étoile : PS-MR (43 sièges sur 75)

Moins de partenaires, davantage de portefeuilles ministériels et de latitude pour camper sur ses positions ? Ce serait le principal argument d’une coalition PS-MR, la seule bipartite mathématiquement envisageable en Wallonie. Exit les arbitres Ecolo et CDH : une telle majorité aurait « les faveurs du PS liégeois, des régionalistes des deux camps et séduit la frange des libéraux laïco-pragmatiques », comme le relatait Le Vif/L’Express du 23 mai dernier. « Elle reposerait sur la réticence des deux partis à répondre aux exigences écologistes en matière de gouvernance ou de lutte contre le réchauffement climatique. » Un scénario possible, mais moins probable que les deux premiers.

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