Elections du 26 mai: Ce que l’on sait

La conclusion la plus importante, c’est que la Belgique semble plus divisée que jamais avec des vainqueurs du scrutin aux visages bien différents au nord et au sud du pays avec une vague brune en Flandre et une belle progression d’Ecolo et du PTB en Wallonie et à Bruxelles. Que s’est-il passé en Belgique et ailleurs en Europe ? Vue d’ensemble des résultats (préliminaires).

Du côté francophone

Les élections communales d’octobre se sont traduites du côté francophone par le retour des écologistes, 4 ans après leur débâcle électorale. Le PTB faisait également une poussée importante dans les communes où il se présentait. Six mois plus tard, la tendance s’est confirmée: à la Chambre, les écologistes francophones passent de 6 à 13 sièges et les communistes de 2 à… 12.

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Les partis traditionnels font grise mine. Le PS conserve sa première place en Wallonie et à Bruxelles mais les pertes sont considérables. Il en va de même pour le MR et le cdH qui franchit un nouveau palier dans son érosion puisqu’il n’est plus que le 5e parti francophone.

Aucun des trois ne semble avoir tiré parti de sa participation au pouvoir à l’un ou l’autre niveau, ni même de l’opposition farouche menée à l’un ou l’autre niveau. A l’inverse des écologistes et du PTB, dans l’opposition aussi bien au fédéral que dans les Régions.

Dimanche, la communication des résultats a été lente en Wallonie et à Bruxelles. Les partis francophones se sont montrés prudents, et chacun s’est gardé de prononcer des exclusives à l’égard des uns et des autres, à l’exception du MR et du cdH à l’égard du PTB qui n’est de toute façon pas demandeur de monter dans un gouvernement.

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Le président du PS, Elio Di Rupo, a annoncé que dès mercredi, il rencontrerait les différents partis politiques à Namur en vue des négociations dans les entités fédérées. La seule bipartite possible en Wallonie associerait le PS et le MR. Il est toutefois probable que les socialistes préféreront entamer une négociation avec les écologistes, gagnants du scrutin et avec lesquels les relations ont été sereines ces derniers mois… si ce n’est qu’il leur faudra un 3e partenaire et que le cdH est mal en point.

Le pari raté pour Mischaël Modrikamen et Listes Destexhe

Le Parti Populaire de Mischaël Modrikamen et Alain Destexhe ont raté leur pari électoral dimanche, ne parvenant ni l’un ni l’autre à une quelconque percée tant au niveau régional que fédéral.

Actif en politique depuis près de 25 ans, le député bruxellois et sénateur Alain Destexhe, qui avait quitté avec fracas le MR en début d’année, n’est pas parvenu à se faire élire à la Chambre où il était candidat. Présentes dans toutes les circonscriptions, tant au niveau fédéral que régional, les Listes Destexhe n’auront en réalité franchi nulle part le seuil électoral. L’ancienne députée wallonne Patricia Potigny, dont le départ du MR vers les Listes Destexhe avait provoqué la chute de la majorité MR-cdH à Namur à la fin de l’hiver, n’a attiré que 477 voix sur son nom à Charleroi, où elle était candidate pour la Chambre. Pour le parti fondé il y a dix ans déjà par Mischaël Modrikamen, ce scrutin signe une nouvelle déconvenue et la fin de l’aventure parlementaire, le PP perdant l’unique député qu’il avait à la Chambre. Il espérait en décrocher entre deux ou quatre… Bien qu’à couteaux tirés, MM. Modrikamen et Destexhe s’étaient accordés sur une déclaration de groupement pour l’élection régionale bruxelloise. Cet accord leur permettait au besoin d’unir leurs suffrages respectifs dans la capitale afin de dépasser le seuil électoral et envoyer ainsi un député au Parlement bruxellois. Mais cette union de circonstances n’aura toutefois servi à rien, le PP et les Listes Destexhe réalisant respectivement 1,70% et 2,59% à peine au scrutin régional bruxellois, soit bien moins ensemble que les 5% attendus…

En Flandre

La Flandre essuie quant à elle le choc du Vlaams Belang. En 2014, la N-VA avait siphonné le parti d’extrême-droite réduisant sa représentation à 3 sièges à la Chambre. Cinq ans plus tard, le VB revient avec 18 sièges. La N-VA perd pas moins de 8 sièges mais se maintient très largement en tête avec 25 sièges. A deux les formations « flamandes nationales » représentent 43 sièges dans le groupe linguistique flamand et aucune majorité n’y semble possible sans la N-VA. Le président Bart De Wever ne s’y est pas trompé. Il a lancé un avertissement dès dimanche: il ne tolérera pas la constitution d’un gouvernement fédéral sans majorité en Flandre. Et à l’échelon de la Communauté flamande, la N-VA, pratiquement incontournable, dirigera les discussions.

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La question du maintien du cordon sanitaire autour du Vlaams Belang est sur toutes les lèvres. Jamais le VB n’a participé au pouvoir. M. De Wever n’a pas pris position. Il faut respecter la volonté de l’électeur, a-t-il fait remarquer. Il s’entretiendra avec tous les partis flamands et verra avec le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, comment il conçoit l’avenir de sa formation. Mais tant le CD&V que l’Open Vld ont déjà averti: ils ne rompront pas le cordon. La rupture de cette politique ne semble donc pas pour demain.

A l’échelon fédéral, la situation pourrait rapidement confiner à l’imbroglio. La suédoise, sanctionnée par les électeurs, n’a pas de majorité même complétée par le cdH. La N-VA a répété qu’elle ne gouvernerait ni avec les Verts, ni avec le PS si ce n’est pour préparer le confédéralisme, ce dont les intéressés ne veulent pas.

La crise pourrait durer longtemps. Si les blocages persistent, les seules possibilités de contourner la N-VA et le VB résideraient dans un arc-en-ciel (socialistes-écologistes-libéraux), sans majorité dans le groupe linguistique flamand, ou alors une formule quadripartite.

En attendant, la radicalisation d’une partie de l’électorat pose de sérieuses questions. La Flandre semble suivre la voie d’une série de plus en plus longue de pays européens submergés par le populisme de droite. La Wallonie et Bruxelles font figure d’exception en penchant à gauche mais à la faveur, entre autres, du score du PTB, parti d’extrême-gauche, d’origine maoïste, qui ne s’est jusqu’à présent jamais frotté au pouvoir et n’entend pas dévier d’une ligne de rupture profonde.

Bart De Wever champion des voix de préférence en Flandre

Bart De Wever s’impose comme le champion des voix de préférence en Flandre. Le président de la N-VA obtient 242.386 voix lors du scrutin régional de dimanche.

Loin derrière, Filip Dewinter du Vlaams Belang recueille 93.751 voix de préférence. On retrouve ensuite Hilde Crevits (93.088). Bart Somers obtient 52.885 voix de préférence suivi par Meyrem Almaci (Groen) avec 50.848 voix. Le top 10 est complété par le ministre sortant N-VA Ben Weyts (50.447), le député sortant Vlaams Belang Guy D’Haeseleer (40.521), la ministre sortante N-VA Liesbeth Homans (40.480), le bourgmestre N-VA de Hasselt, Steven Vandeput (39.797) et le ministre CD&V sortant de l’Environnement, Koen Van den Heuvel (36.825).

En Europe: progression contenue des eurosceptiques, poussée écologiste

Quelque 427 millions d’Européens étaient en âge de participer au scrutin, afin d’élire pour 5 ans les 751 membres du Parlement européen, une assemblée qui n’a eu de cesse d’accroître ses pouvoirs. Les nouveaux équilibres au sein de l’hémicycle seront déterminants dans la course aux postes clés des institutions européennes. En particulier celui du successeur à la tête de la Commission européenne de Jean-Claude Juncker, membre du PPE, qui devra obtenir le soutien d’au moins 376 sur 751 députés européens. Malgré les victoires de Marine Le Pen en France, Matteo Salvini en Italie et Nigel Farage au Royaume-Uni, la poussée eurosceptique attendue dimanche aux élections européennes semble avoir été contenue, lors d’un scrutin par ailleurs marqué par les bons scores des écologistes.

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Selon des projections actualisées dans la nuit de dimanche à lundi du Parlement européen, le Parti populaire européen (PPE, droite pro-européenne) reste, avec 179 sièges, contre 216 actuellement, la première force de l’hémicycle. Forts de cette victoire, ses dirigeants ont réclamé la présidence de la Commission pour leur chef de file (ou « Spitzenkandidat » selon le terme allemand souvent usité) l’Allemand Manfred Weber, un conservateur dont le profil divise. Les sociaux-démocrates (S&D), deuxième parti du Parlement à l’issue du scrutin, avec 150 sièges (contre 185), ont balayé d’un revers de main cette demande, laissant augurer de longues tractations dans la course désormais ouverte aux postes clés des institutions européennes. Si le PPE et les sociaux-démocrates (S&D) restent les deux principales formations de l’hémicycle européen, ils perdent leur capacité à réunir à eux seuls une majorité pour faire passer des textes législatifs. La fin d’une époque. Ils devront composer avec les écologistes, qui grimpent de 52 à 70 sièges, grâce à leurs bons résultats en Allemagne et en France, et les Libéraux (Alde), dont le parti du président français Emmanuel Macron, qui obtiennent 107 sièges contre 69 actuellement.

– « Vague contenue » –

Mme Le Pen espère, avec la Ligue de Matteo Salvini arrivée sans surprise en tête en Italie avec environ 30% des voix, fédérer une large alliance de partis nationalistes, eurosceptiques et populistes. Leur groupe parlementaire, l’ENL, est crédité de 58 sièges contre 37. Difficile cependant d’envisager aujourd’hui un rapprochement avec le groupe populiste EFDD — où siège le Mouvement Cinq Etoiles italien et que devrait rallier le nouveau parti europhobe de Nigel Farage, grand vainqueur des élections au Royaume-Uni avec 31,5% des voix — tant leurs divergences sont parfois profondes. Et même en additionnant les gains de ces groupes avec les 58 sièges du groupe ECR (tories britanniques et Polonais au pouvoir du PiS, vainqueurs des européennes), l’extrême droite, les eurosceptiques et les europhobes, restent, avec 172 sièges, loin de la majorité au Parlement européen (376). Les partis d’extrême gauche passent pour leur part de 52 à 38 sièges. En Autriche, le parti conservateur du chancelier autrichien Sebastian Kurz est arrivé largement en tête, devant les sociaux-démocrates et le parti d’extrême droite FPÖ, touché par l' »Ibizagate », selon des estimations. En Espagne, le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez est le seul socialiste à sortir grand vainqueur du scrutin dans un grand pays.

Les élections européennes ont également été marquées par les bons résultats des écologistes, qui espèrent devenir un interlocuteur indispensable dans ce paysage politique plus fragmenté que jamais. Ils finissent, en France, à une inattendue troisième place avec 12% des voix. Ce résultat fait écho au score enregistré en Allemagne par les Verts, deuxièmes du scrutin, selon les sondages, juste derrière le camp centre-droit d’Angela Merkel, qui enregistre un plus bas historique. « Une grande victoire ! », s’est réjoui la tête de liste des écologistes au Parlement européen, l’Allemande Ska Keller. « Je suis sur un petit nuage », a renchéri l’eurodéputé belge Philippe Lamberts.

Si le taux de participation à ces élections reste inférieur à celui des scrutins nationaux, il atteint cependant, avec 50,5%, son niveau le plus élevé depuis 20 ans, selon le Parlement européen. Cette mobilisation marque un coup d’arrêt à l’érosion continue qui caractérise les européennes depuis 1979. Les chefs d’Etat et de gouvernement se retrouvent dès mardi pour un sommet afin d’échanger sur les prochaines nominations.

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