Olivier Mouton

Elections : attention, menace de blocage

Olivier Mouton Journaliste

Maxime Prévot, président du CDH, signe le probable arrêt de mort d’une suédoise bis. Une large coalition francophone met un véto à la N-VA. L’annonce d’une rupture ou d’une crise longue durée ?

L’annonce est venue de la rue des Deux-Eglises, tombée comme un couperet. Maxime Prévot, président du CDH, dit dans L’Echo de mardi que « le CDH ne soutiendra pas une suédoise bis ». Le nouvel homme fort des humanistes francophones, que l’on pressentait plus ouvert à un gouvernement fédéral de centre droit que son prédécesseur, Benoît Lutgen, a donc tranché. Les revendications confédérales à répétitions, la perspective d’un Jan Jambon Premier ministre et les provocations à l’égard des Wallons « dans un hamac » ont eu raison de ses dernières hésitations. La perspective d’une Suédoise bis est morte. Ou, du moins, rendue aléatoire : les derniers sondages montrent que la coalition sortante N-VA-MR-CD&V-Open VLD n’obtiendrait plus la majorité au parlement. Ce faisant, Maxime Prévot force la main du CD&V, avec lequel il a renoué les liens.

La clé de la future coalition belge se situe-t-elle du côté francophone ? Au Sud, une majorité de centre-gauche aimerait le croire. « Notre souhait est d’unir les forces francophones et les autres forces flamandes pour que la N-VA soit sur le banc de touche », précise Maxime Prévot. Voilà qui est clair : le CDH aspire à une vaste coalition antinationaliste, en espérant que le MR y souscrira. Ce choix rejoint l’air du temps écologique et social qui domine au Sud du pays. Traduisez cela politiquement et vous aurez, potentiellement, une majorité à deux PS-Ecolo en Wallonie, avec le renfort éventuel du CDH et de DéFi à Bruxelles. L’idée d’une coalition plus large, susceptible de prendre à bras-le-corps les transitions écologiques et économiques en concluant un Pacte ou un Alliance, en d’autres termes en définissant une vision consensuelle à long terme, circule également. Ce serait une sorte d’union nationale susceptible de « faire barrage aux populistes », comme le souhaite Zakia Khattabi, coprésidente d’Ecolo. Traduction : socialistes, écologistes, humanistes francophones aspirent à une rupture claire et nette avec la politique menée par le gouvernement Michel depuis 2014. Quitte, reconnaît le président du CDH, à ce que la future coalition fédérale soit minoritaire au Nord du pays. Ce faisant, les progressistes francophones ne prennent-ils pas leurs rêves pour des réalités ?

Car la clé de l’avenir du pays ne se situe-t-elle pas plutôt en Flandre ? En abattant ses cartes de la sorte, le président du CDH donne en réalité du grain à moudre… au président de la N-VA, Bart De Wever, qui ne cesse de mettre en garde contre cette Belgique dont le coeur bat à gauche. Cet antagonisme Nord-Sud est précisément la sève dont le parti nationaliste se nourrit. Menacer de se passer de la N-VA, c’est paradoxalement la renforcer. Lundi soir, à la VRT, De Wever a une nouvelle fois rappelé l’enjeu : une N-VA au-dessus des 30% la rendrait incontournable. Les yeux scrutés sur le dernier sondage, les francophones s’inquiètent en outre d’un Vlaams Belang susceptible de tripler son score par rapport à 2014, en profitant du cri d’une jeunesse portée vers les extrêmes, occultée médiatiquement par les marches pour le climat. N’est-ce pas cette Flandre à droite toute, choquée par le meurtre de Julie Van Espen à Anvers, qui pourrait finalement dicter sa loi ? Ou, si elle n’y arrive pas, qui risquerait de se recroqueviller sur elle-même, au sein d’un gouvernement flamand dirigé par Bart De Wever, utilisé comme levier pour forcer le chemin vers le confédéralisme ?

« A force d’exclusives, on va rendre le pays ingouvernable », lâchait mardi le Premier ministre sortant, Charles Michel, en présentant les revendications communes des libéraux avec l’Open VLD. Le risque est réel. En tête des coalitions les plus probables pour l’après-26 mai, dans bien des esprits, on retrouve la perspective… d’un blocage de longue durée, la crainte de revivre une crise des 541 jours, comme ce fut le cas en 2010-2011. Une fois encore, ce seraient aux Régions à assurer la stabilité du pays. « Je rêve d’être celui qui va éviter une crise de 541 jours », répète à l’envi le numéro un libéral francophone. Mais son parti sera-t-il mathématiquement en mesure de le faire ? L’électeur ne va-t-il pas rebattre les cartes pour exprimer son désir de changement, à droite et à gauche ?

Au coeur d’une Europe qui risque bien d’être fracturée de toutes parts, dimanche soir, entre nationalistes et universalistes, entre populistes et pragmatiques, la Belgique devra être, une nouvelle fois, un laboratoire de cohabitation. Cette fin de campagne résonne dès lors comme un avertissement ultime : attention à ne pas rendre celle-ci impossible. Tout simplement.

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