© Belga

Ecologistes – nationalistes : la nouvelle fracture belgo-européenne

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

La crise au sein du parti d’Angela Merkel, en Allemagne, illustre le bras de fer qui déterminera l’avenir du continent. Comme c’est le cas en Belgique.

La crise interne qui déchire la CDU, le parti chrétien-démocrate d’Angela Merkel en Allemagne, est grave. Son onde de choc pourrait avoir un impact déterminant sur l’ensemble du continent. Car elle témoigne du dilemme existentiel qui taraude désormais les partis traditionnels dans l’Europe entière : choisir entre les deux camps de la nouvelle fracture qui nous divise, entre universalistes et nationalistes, entre gauche radicale et extrême droite.

La décision prise par les élus CDU de Thuringe de s’associer la semaine dernière à l’extrême droite de l’AfD – de son aile dure, qui plus est – pour élire le ministre-président libéral Thomas Kemmerich a eu raison de Annegret Kramp-Karrenbruer (AKK), qui avait succédé à Merkel il y a quatorze mois. Son autorité chancelante a été défiée. Angela Merkel a dû intervenir alors qu’elle était en visite officielle en Afrique du Sud. La nomination de Kemmerich a été annulée, des élections convoquées, mais le mal est fait. Les candidats potentiels à la succession d’AKK à la tête de la CDU démontrent si besoin en était ce dilemme : Friedrich Merz, héraut de la droite du parti, ou Jens Spahn, actuel ministre de la Santé et fort critique de la politique d’accueil des migrants pourraient affronter Armin Laschet, ministre-président de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et partisan d’une alliance avec les verts.

Choisir entre l’extrême droite et les écologistes, ce fut déjà le cas à plusierus reprises en Autriche, laboratoire de la question. Les écologistes y avaient empêché l’accès de l’extrême droite à la présidence, en 2016, avant que les conservateurs de Sebastian Kurz ne s’associent au FPÖ pour finalement retourner leur veste et s’associer récemment aux écologistes. En Italie, les partis modérés, qui dominaient autrefois le paysage politique, n’ont plus d’autre choix que de soutenir l’une ou l’autre alternative, et de s’allier avec le Mouvement citoyen Cinq Etoiles pour écarter la Ligue de Salvini – temporairement du moins vu l’état de déliquescence des étoilés. En France, La République en marche du président Emmanuel Macron a cassé la banque il y a trois ans, mais ce sont désormais les écologistes qui ont le vent en poupe face à la menace plus pregnante que jamais du Rassemblement National.

La Belgique n’est pas une île, notre pays reste le reflet de toutes les fractures qui déchirent l’Europe. Aussi, la crise actuelle et le blocage qui prévaut depuis plus d’un an doit être lu à cette enseigne. La N-VA a quitté le gouvernement en décembre 2018 pour son opposition au Pacte des migrations de l’ONU – une question à la fois identitaire (migratoire) et nationaliste (contre le multilatéralisme). Depuis, les écologistes ont accentué leur opposition frontale, durant la campagne électorale notamment émaillée d’un duel entre Bart De Wever et Jean-Marc Nollet. Ecolo et Groen ont d’ailleurs fait de leur confrontation avec les nationalistes et climato-sceptiques un argument majeur, ce n’est pas pour rien qu’ils cultivent leur exclusive (dans le chef des francophone) à l’égard de la N-VA. Le choix sur lequel balbutient les partis « du centre » (entendez surtout le CD&V et dans une moindre mesure le MR) n’est autre que celui entre la droite identitaire flamande et la gauche universaliste francophone.

Tant en Allemagne (élections fédérales en septembre 2021) qu’en Belgique ou en France (élections présidentielles en 2022), le choix entre les camps nationaliste et universel, de droite ou de gauche radicales, s’annonce existentiel. Le visage qu’aura notre pays et le continent tout entier en dépendra.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire