© BELGA

Doel 3 et Tihange 2 : l’expert qui doutait sort de l’ombre

Le Vif

Pour donner son feu vert à la réouverture des réacteurs nucléaires de Tihange 2 et Doel 3, l’Agence fédérale de contrôle nucléaire s’est appuyée sur l’avis d’un groupe de neuf experts internationaux. L’un d’eux n’avait pas adhéré aux conclusions de ses collègues. Il s’en explique, pour la première fois.

Etait-il sage de redémarrer les réacteurs nucléaires de Doel 3 et Tihange 2 alors que leurs cuves sont striées de milliers de fissures ? Pour l’agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN), qui a donné son feu vert au redémarrage en novembre dernier, aucun doute : « Il ne subsiste aucun élément de nature à empêcher un redémarrage des réacteurs de Doel 3 et Tihange 2. » L’Agence s’appuie sur le rapport des experts du bureau international d’experts (International Review Board, IRB), qu’elle a composé elle-même, et qui devait évaluer la résistance à l’irradiation des deux cuves abîmées. Les neuf experts internationaux mandatés « soutenaient les conclusions et adhéraient à l’approche » d’évaluation, imaginée par Electrabel, a expliqué Jan Bens, patron de l’Agence, à la Chambre, le 2 décembre. Même si « l’un d’entre eux avait émis des réserves ».

Cet expert, c’est Helmut Schulz, qui choisit de s’exprimer cette semaine dans Le Vif/L’Express. Allemand, internationalement reconnu dans l’ingénierie nucléaire, spécialiste de l’évaluation des composants et des structures, il a travaillé quarante ans dans le domaine de la sûreté, notamment au sein de la Société allemande pour la sûreté des installations et des réacteurs nucléaires.

Contrairement à ses huit collègues, il pense que la méthodologie choisie n’est pas assez prudente. Que les hypothèses de départ ne sont pas forcément les plus pertinentes pour évaluer avec précision la résistance de cuves qui, justement, contiennent de si nombreux défauts. Or, c’est là tout l’enjeu : jusqu’à quel point ces fissures – que les spécialistes appellent flocons d’hydrogène – fragilisent-elles les cuves des réacteurs de Doel 3 et Tihange 2 ?

De l’avis de plusieurs spécialistes, dont Helmut Schulz, elles sont probablement sans danger lorsque la centrale fonctionne normalement. Mais en cas d’accident ? En cas d’urgence ? S’il fallait verser l’eau de refroidissement dans la cuve soumise à des chaleurs terribles ? Cette dernière résisterait-elle au choc thermique ou le coeur de la centrale finirait-il par lâcher ?

Helmut Schulz évoque aussi l’inclinaison de ces fissures, qu’on ne connaît pas avec certitude. « Pourtant, si les flocons ne sont pas parallèles, la cuve serait alors beaucoup plus fragile », souligne Damien Ernst, professeur en électromécanique à l’université de Liège. Pour lui, l’opinion d’Helmut Schulz révèle « la difficulté de répondre à une question scientifique en étant contraint de ne pas pouvoir faire les expériences les plus intéressantes, c’est-à-dire des tests destructifs sur les cuves de Doel 3 et Tihange 2 elles-mêmes. »

Pour autant, l’expert allemand ne se prononce pas pour l’arrêt des deux cuves, car cela dépasserait son mandat. Il conserve la posture du scientifique qui s’appuie sur des faits. Des faits importants : les connaissances ne sont pas assez précises aujourd’hui pour savoir avec certitude comment le métal de Doel et Tihange réagit à l’irradiation.

Cédric Vallet

L’interview dans Le Vif/L’Express de cette semaine

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire