Olivier Mouton

Dewael – Laruelle: pour calmer les esprits et tenter de créer un nouveau possible

Olivier Mouton Journaliste

Le palais confie une mission de déminage aux présidents de la Chambre (Open VLD) et du Sénat (MR). Deux libéraux pour gagner du temps ou ouvrir le jeu.

Le palais a décidé mercredi soir de confier une mission à Patrick Dewael (Open VLD) et Sabine Laruelle (MR), la première femme à entrer en piste. En partie surprenante, cette idée revient en fait aux fondamentaux : confier aux présidents de la Chambre et du Sénat le soin d’apaiser les institutions. Pour préparer de nouveaux possibles, imaginer un gouvernement transitoire ou pour mener la transition vers des élections ?

La première mission des nouveaux missionnaires royaux consistera en tout cas à pacifier un paysage politique au bord de la crise de nerfs. Les sorties de Paul Magnette, président du PS, exaspéré par ses discussions stériles avec la N-VA, avaient mis brutalement un terme à la mission de Koen Geens (CD&V). Ce faisant, elles ont aussi fortement endommagé les relations entre deux partis, pourtant cruciales en vue de trouver une solution si l’on veut une majorité dans chaque groupe linguistique. Joachim Coens, président du CD&V, a réitéré ce souhait et affirmé à sa sortie du palais que « la confiance est en péril avec le PS ». Et qu’un « geste » des socialistes francophones serait le bienvenu.

Mais ce ne sont pas les seules fractures nées au fil de ces mois de blocage. Il y a bien sûr la fracture béante entre la N-VA et le PS, qui ne pourrait être recousue que via une amorce de discussions communautaires. Il y a l’exaspération réciproque entre le « monsieur-je-sais-tout » du MR Georges-Louis Bouchez et les socialistes, avec en retour une incompréhension libérale à l’égard de l’entêtement dogmatique des socialistes. Il y a, l’air de rien, la rivalité entre PS et Ecolo, le premier estimant qu’il fait le sale boulot francophone tout seul.

Du côté flamand, ce n’est guère mieux, y compris au sein de la suédoise qui gère le gouvernement flamand. Les relations entre N-VA et Open VLD se sont tendues quand la présidente libérale avait esquissé sa préférence pour une Vivaldi. Les rapports CD&V – Open VLD ne sont pas nécessairement au beau fixe en raison du raidissement social-chrétien sur les questions éthiques, singulièrement l’avortement. D’aucuns rappellent d’ailleurs que la suédoise est tombée en raison des frictions incessantes entre partis flamands.

Bref, il y a de sérieux fils à retisser, des relations à renouer, des confiances à rétablir.

Outre son sens du tact, les nouveaux missionnaires royaux devrant faire preuve de créativité – mais aussi de ténacité – pour inventer de nouvelles formules susceptibles de sortir le pays de l’ornière. Ou à tout le moins, pour mettre en place les conditions possibles à une hypothétique préformation.

Un gouvernement d’urgence, avec en marge une discussion sur l’avenir de l’Etat ? C’est la solution en faveur de laquelle plaident des académiques depuis des mois, mais ce serait évidemment une façon de dévaloriser l’Etat fédéral (qui est bloqué, il est vrai) ou de relancer un carrousel communautaire dont les francophones ne voulaient plus. Un gouvernement transitoire qui ne serait pas de plein exercice est de toutes façons exclu par le palais.

Une coalition sans le PS ou une coalition sans la N-VA (diverses formules existent) ? L’idée d’une « 77 alternative) liant la N-VA et les partis flamands au MR et au CDH reste improbable, fragile, mais le rêve nourri par certains s’enrichit des maladresses du PS. Se pourrait-il que l’on reproduise une énorme surprise comme ce fut le cas en 2014. La Vivaldi sans la N-VA, elle, était plébiscitée du côté francophone, mais elle se heurte à la volonté flamande d’avoir une majorité dans le groupe linguistique néerlandophone et au « shadow cartel » (dixit le PS) entre N-VA et CD&V.

Une formule miracle pourrait-elle naître de cette dramatisation à outrance en vue de mettre quand même en place un gouvernement avec majorité dans les deux groupes linguistiques ? La coalition miroir (les majorités des deux Régions) a été incendiée en quelques heures. Les probabilités d’une négociation « à l’autrichienne » mêlant nationalistes et écologistes sont proches de zéro. A vrai dire, plus grand-monde ne voit clair sur ce qui reste possible sans avoir au préalable mener l’opération d’apaisement entre les uns et les autres.

La Belgique en l’an 2020 a besoin d’un psychiatre à son chevet comme c’est désormais le cas à répétition. En 2007-2008 quand on s’arrachait les cheveux sur BHV à coups de « non ». En 2010-11 lorsque 541 jours ont été nécessaires pour se décider à réformer l’Etat une sixième fois. Cette fois, politologues (Vincent de Coorebyter), constitutionnaliste (Marc Uyttendaele) ou historiens (Vincent Dujardin) n’hésitent pas à dire qu’il s’agit de la crise la plus grave jamais traversée par notre pays.

Il se peut, dès lors, que cette nouvelle mission des deux présidents d’assemblée ne soit qu’une façon de gagner encore du temps, histoire de laisser retomber le soufflé. Ce pourrait aussi être un tremplin vers des élections que tous disent vouloir éviter, tout en les préparant fébrilement en coulisses.

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