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Des rayons vides dans nos supermarchés? Pourquoi les étiquettes sont au centre du dilemme

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Le gouvernement fédéral a mis en place une taskforce agroalimentaire pour éviter que les rayons des supermarchés ne soient vides en raison de la guerre en Ukraine. Si on ne parle pas (encore) de pénuries, la problématique de l’étiquetage des produits est l’inconnue principale de l’équation.

La guerre en Ukraine entraîne une forte hausse du prix de certaines matières premières, outre l’inflation des prix de l’énergie. « On ne parle pas de pénurie aujourd’hui, mais la taskforce a pour but d’anticiper les conséquences à venir du conflit », a expliqué Pierre-Yves Dermagne, ministre de l’Economie.

Une taskforce pour élaborer des solutions

Ainsi, plusieurs dizaines de fédérations actives dans l’industrie agro-alimentaire ont pris part à une première réunion de la taskforce « Ukraine », hier/mardi, au SPF Economie à Bruxelles. Depuis le début de la guerre en Ukraine, cette administration effectue un monitoring quotidien des prix pour faire face à une éventuelle pénurie de biens de première nécessité.

Ce n’était visiblement pas encore suffisant. La mise en place de cette nouvelle taskforce doit permettre d’aller plus loin et d’élaborer des solutions destinées à répondre à la pénurie d’huile de tournesol, par exemple. Celle-ci pourrait survenir dans deux semaines pour l’industrie agro-alimentaire. Les raffineries européennes d’huiles végétales achètent 35 à 45% de leur huile de tournesol en Ukraine, selon la Fevia.

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L’étiquette : un obstacle collant

Face aux risques de nombreuses pénuries, plusieurs solutions alternatives sont évoquées. Pour pallier le manque d’huile de tournesol, le soja ou l’arachide peuvent être envisagés, mais l’étiquetage devra alors être modifié. Eva De Bleecker, secrétaire d’Etat à la Protection des consommateurs, a déjà indiqué qu’elle attendait de l’Inspection sociale un peu plus de flexibilité sur les règles en matière d’étiquetage pendant une certaine période. « Il faudra se concentrer sur l’essentiel, tout en veillant à ce que les modifications éventuelles ne mettent pas en danger la santé du consommateur. » La présence d’allergènes devra ainsi toujours être mentionnée.

La problématique des étiquettes pourrait prendre une envergure internationale dans la mesure où bon nombre de sociétés agro-alimentaires belges sont tournées vers l’exportation, a pour sa part pointé le ministre de l’Agriculture, David Clarinval.

Un groupe de travail a été constitué en début de semaine pour se pencher sur la question de l’étiquetage. « Il y a assez de stocks pour les prochaines semaines, mais il va falloir prendre des mesures pour les moyen et long termes. Modifier les étiquettes demande parfois un an de préparation. Nous n’allons pas fermer les yeux sur tout, mais nous ne nous opposerons pas à une forme de flexibilité », ajoute le porte-parole du ministre de l’Economie.

Outre les autorités fédérales et les Régions, des dizaines d’organisations prenaient part à cette première réunion, comme le Boerenbond, la Confédération des Betteraviers, Belgapom (transformation de la pomme de terre), la fédération du commerce (Comeos), ou encore la fédération de l’industrie alimentaire belge (Fevia).

Pour Comeos, il s'agit avant tout d'un problème de logistique.
Pour Comeos, il s’agit avant tout d’un problème de logistique.© iStock

L’ensemble de la chaîne agroalimentaire concernée

Cette dernière a souligné à l’issue de la première réunion que la taskforce va permettre de confronter la réalité des producteurs à celles des vendeurs. « La problématique concerne l’ensemble de la chaîne et chacun va devoir faire des efforts, jusqu’aux revendeurs et aux consommateurs« , a commenté un porte-parole. Plusieurs acteurs de la Fevia ont déjà sollicité des modifications, pour circonstances exceptionnelles, des contrats les liant à la grande distribution, mais ces requêtes sont restées sans réponse jusqu’ici. « Nous avons déjà ces discussions depuis quelque temps, mais la situation en Ukraine a aggravé les choses. »

Ukraine et Amérique du Nord

La guerre en Ukraine est clairement liée à la hausse soudaine des prix de certaines matières premières, mais le ministre Dermagne rappelle que les conditions climatiques défavorables qui ont touché l’Amérique du Nord, autre zone riche en matières premières, rendent la situation encore plus complexe.

L’usage d’engrais sera aussi abordé. Les matières premières intervenant dans la confection de ces engrais proviennent en effet d’Ukraine, de Russie et du Bélarus et les prix des engrais ont grimpé en flèche également en raison de la hausse des prix de l’énergie. Les organisations agricoles appellent donc à recourir autant que faire se peut à des engrais d’origine animale. Là aussi, une dérogation serait la bienvenue autour des directives liées au nitrate, qui relèvent des Régions.

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« Pas de problème de sécurité alimentaire, mais la nourriture va devenir plus chère« 

Le prix des denrées alimentaires a grimpé depuis le début de l’année. Sur les deux premiers mois, le pain et les produits céréaliers ont augmenté de 4,5% sur une base annuelle, les produits laitiers de 3,4% et les graisses et huiles de plus de 10%, selon des chiffres fournis par le SPF Economie. « Il n’y a pas de problème de sécurité alimentaire, mais la nourriture va devenir plus chère. Aujourd’hui, les agriculteurs ne voient pas leurs rentrées augmenter alors que tous leurs frais explosent », souligne la présidente du Boerenbond, Sonja De Becker.

La prochaine réunion de la taskforce est prévue début mai. Entre-temps, la situation est suivie de près tous les jours, assure-t-on au cabinet du ministre de l’Economie.

Un problème logistique

La fédération du commerce Comeos tient à nuancer les craintes de pénuries : « Il n’y a pas de pénurie dans les rayons des magasins, les consommateurs peuvent encore faire leurs courses dans leurs supermarchés préférés.

Comeos constate « une augmentation de la demande des consommateurs pour certains produits. Les réassortisseurs de rayons ne peuvent parfois pas suivre la cadence, les rayons ne sont pas toujours remplis immédiatement, mais c’est donc avant tout un problème logistique. »

La fédération appelle à la solidarité. « Achetez ce dont vous avez besoin, mais n’en faites pas trop. Cela ne fera que causer des problèmes d’approvisionnement et des frustrations pour les autres clients. »

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