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Arsenal de l’armée belge: « Il y a à peine de quoi tenir quelques jours de guerre » (infographie)

Kristof Clerix Rédacteur Knack
Eglantine Nyssen Journaliste au Vif, multimedia editor

A la demande de Knack, la Défense divulgue de nouvelles statistiques sur son arsenal. A quel point celui-ci est-il développé? Le point avec l’expert militaire Sven Biscop.

« C’est une bonne chose que la défense renouvelle une grande partie de son matériel », déclare Sven Biscop (Université de Gand & Egmont – Institut Royal des relations internationales). « Toutefois, les chiffres restent relativement limités. Mais le côté positif, c’est que nous investissons. La force numérique de notre armée passera de 25 000 à 29 000 personnes d’ici à 2030. Et si vous attirez plus de monde, il faut également plus d’équipement. La tendance est positive. Il y a une trajectoire de croissance. Et c’était nécessaire ».

Première constatation : la Belgique n’a pas de chars d’assaut ?

Sven Biscop: Oui, nous avons fait ce choix par le passé. Autrefois, nous avions 334 chars Leopard, mais c’était une autre époque. L’armée était alors composée de miliciens. Aujourd’hui, il n’est pas réaliste de réintroduire les chars. Nous n’avons pas l’envergure nécessaire et cela ne me semble pas rentable. Si vous voulez quand même le faire, vous pourriez envisager le modèle Pays-Bas/Allemagne : la capacité de chars néerlandaise est intégrée dans une unité allemande ; nous pourrions faire la même chose avec la France.

Quelles opérations notre composante terrestre peut-elle effectuer avec son équipement ?

Le régiment d’opérations spéciales est l’unité de réaction rapide de la composante terrestre. A côté de cela, la brigade motorisée peut également opérer de manière expéditionnaire – par exemple, dans le Sud – mais elle peut aussi être utilisée pour la défense collective et la dissuasion à l’Est.

À l’avenir, les alliés de l’OTAN déploieront davantage de troupes et d’équipements à l’Est. Pas de façon permanente comme le faisait l’Allemagne. Mais il se pourrait que la Belgique, par exemple, ait des compagnies en rotation en Roumanie. Et là-bas, ils ont besoin d’équipements, évidemment. Allez-vous les faire tourner ? Ou, comme le suggère l’OTAN, allez-vous laisser une partie de l’équipement en Roumanie ? Bien entendu, l’équipement qui se trouve en Roumanie ne peut pas être envoyé au Mali. En conclusion, nous aurons probablement besoin de plus de véhicules que nous ne le pensions. Pendant longtemps, les Européens ont acheté du matériel comme si rien ne se perdait jamais – ni en opération, ni même par effet mécanique.

Suite de l’article après l’infographie.

Où en sont nos stocks militaires ?

Le minimum requis par l’OTAN est de disposer de stocks pour 30 jours de guerre. La Belgique dispose aujourd’hui de stocks pour quelques jours à peine. Véhicules de rechange, munitions, pièces détachées, tous ces stocks devront être constitués. La question n’est donc pas seulement de savoir de quel équipement on dispose, mais aussi quel stock supplémentaire on constitue.

Le plan STAR de la ministre de la Défense Ludivine Dedonder (qui propose la vision stratégique de la défense jusqu’en 2030) ne prévoit pas de tels stocks. De plus, l’OTAN prévoit de durcir encore davantage les exigences ; elles sont multipliées par 3 ou 4. La seule norme actuelle – que nous ne respectons pas – nous coûterait 8 milliards d’euros.

Ne figurent pas non plus dans les statistiques de l’armée les missiles et les armes antiaériennes.

Il s’agit en effet de points faibles. La question est la suivante : la Défense doit-elle y investir davantage ? Lorsqu’on envoie une brigade, elle doit disposer d’une défense aérienne, quel que soit l’endroit où elle est déployée. Mais pour la défense aérienne du territoire belge lui-même, il vaut mieux capitaliser sur la coopération. Pensez à l’initiative Sky Shield de l’Allemagne et de 14 partenaires pour construire une défense aérienne européenne.

L’armée de l’air passe de 53 F16 à 34 F-35.

Notre composante aérienne est sérieusement réduite. En fait, l’OTAN a demandé de remplacer chaque avion, mais la Belgique ne l’a pas fait. Avec ces 34 nouveaux avions, le niveau d’ambition en termes de déploiement est clairement plus bas qu’auparavant. Bien sûr, il faut défendre son propre espace aérien, et nous avons toujours participé à la Baltic Air Policing au-dessus des États baltes. Mais il faut toujours être en mesure de déployer des avions ailleurs, comme dans le cadre de l’opération contre l’Etat islamique. De plus, vous avez toujours des pilotes en formation. C’est pourquoi ce nombre de 34 est très bien calculé.

Quand la Défense mettra-t-elle les F35 en service ?

Il faudra attendre quelques années avant que les premiers F35 ne soient en Belgique. Dans un premier temps, nous formerons les pilotes aux États-Unis et ce n’est qu’ensuite qu’ils viendront en Belgique, ce qui prendra encore quelques années.

L’armée de l’air achète également six avions sans pilote.

Il est évident que ces appareils joueront un rôle plus important à l’avenir. Les opérations aériennes seront constituées d’un ensemble d’aéronefs avec ou sans pilote, ainsi que de systèmes au sol. Il vaut mieux que nous y participions, y compris dans le domaine des armes sans pilote.

La marine belge dispose de deux frégates. Est-ce suffisant ?

C’est peu. Tout le monde sait que pour avoir une frégate en mer à tout moment, il en faut trois. En effet, il faut tenir compte du fait qu’une frégate peut être en maintenance, qu’une autre s’apprête à partir et qu’une autre est en mer.

L’avantage, c’est que les frégates peuvent être utilisées à différentes fins. C’est comme le F35 : elles sont polyvalentes. Elles peuvent servir à la dissuasion et à la défense collective. Elles peuvent également faire partie d’un système de défense aérienne. Mais elles peuvent aussi être déployées de manière expéditionnaire, pour patrouiller, pour envoyer un message… Ou encore, vous souvenez-vous de la fois où une frégate belge a accompagné le porte-avions français Charles de Gaulle ? Lorsque les Français ont bombardé ISIS en Syrie, notre frégate faisait partie de l’escorte. On peut donc faire beaucoup de choses avec les frégates. Elles sont très flexibles.

La Belgique est depuis longtemps spécialisée dans la lutte contre les mines.

Oui, et il est bon que nous continuions à le faire. Cela reste également nécessaire. En particulier dans le cadre d’un scénario fondé sur l’article 5 (où une attaque armée contre un allié de l’OTAN est considérée comme une attaque contre tous, ndr), Anvers est la plaque tournante logistique pour les renforts en provenance d’Amérique du Nord. Donc là, les chasseurs de mines sont indispensables.

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