Déconfinement : voici les sujets qui fâchent

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le Conseil national de sécurité a décidé, vendredi, d’un plan de déconfinement progressif en quatre temps, qui n’a pas convaincu. C’est le moins que l’on puisse dire. La longue présentation, tardive et confuse, de la Première ministre, Sophie Wilmès, accompagnée des ministres-présidents des entités fédérées, a laissé beaucoup de Belges sur leur faim. Soit parce que les réponses n’étaient pas assez claires, soit parce que des sujets sont restés en souffrance, soit tout simplement parce que le phasage du plan pose question.

Petit tour d’horizon des sujets qui fâchent.

Les visites familiales

Le phasage du plan est contesté par plusieurs partis qui soutiennent le gouvernement Wilmès II de l’extérieur. On évoque aussi un risque de désobéissance civile. La principale déception vient de l’absence de réponses claires sur les visites ou regroupements familiaux, pas avant le 18 mai du moins. Or, l’activité économique reprendra le 4 mai et tous les commerces pourront rouvrir leurs portes dès le 11 mai. Sur les réseaux sociaux, ce week-end, cette mesure a été particulièrement moquée après qu’Alexander de Croo, vice-Premier ministre Open VLD, ait annoncé qu’on pouvait voir un proche dans un magasin. « Rendez-vous pour un tennis ou pour un Kayak » ou encore « Réunion familiale prévue le 11 mai chez Ikea ». Pourquoi les réunions familiales ne seront-elles pas possibles avant le 18 mai? Ces dernières seront-elles limitées en nombre de personnes ? Allons-nous devoir rédiger une liste des personnes prioritaires ? Le sujet est à ce point sensible qu’il risque même de remettre en cause l’adhésion aux mesures gouvernementales.

Masques et tests

En lien avec l’annonce de reprise des transports publics, qui sera effective de façon progressive à partir du 4 mai il a été stipulé que le port du masque serait obligatoire pour les personnes âgées de plus de 12 ans. Mais cette annonce suscite, elle aussi, son lot de questions et d’irritations. La première concerne la disponibilité des masques – sujet récurrent depuis le début de la crise. Sophie Wilmès a annoncé qu’un masque par Belge sera distribué pour le 4 mai, mais dans les faits cela s’avère plus compliqué que prévu. D’autres doutes s’y ajoutent. Certains estiment que le port du masque devrait être obligatoire partout, d’autres s’interrogent sur la qualité des masques portés, tandis certains craignent que ce barrage artificiel ne nuise aux mesures de distanciation sociale. En tout état de cause, on critique le changement de discours gouvernemental à ce sujet : pendant des semaines, la ministre de la Santé, Maggie De Block, affirmait que le port du masque ne servait à rien.

Ce revirement ne va pas sans susciter des questions sur les autres matériaux de protection. La question du port des gants n’est pas conseillée, mais la population finira-t-elle par va devoir en porter ? Si oui, à quelles conditions ? Qui les fournira ?

Un autre problème majeur concerne la nécessité de tester massivement la population. Combien de tests quotidiens pourront-ils être organisés dès le 4 mai ? Qui pourra être testé ? Les exports chargés du déconfinement évoquaient la nécessité d’arriver au nombre de plus de quarante mille tests, mais on risque d’être loin du compte.

Sur tous ces points cruciaux, la communication gouvernementale n’a pas rassuré.

Les commerces

Alors qu’ils étaient dans les starting-blocks pour rouvrir le 4 mai, les commerces n’ouvriront finalement leurs portes que le 11 mai. Un autre Conseil national de Sécurité doit être organisé pour discuter des modalités. Là aussi, les questions se bousculent sur les modalités pratiques. Les magasins devront-ils prévoir des solutions hydroalcooliques ou prévoir des masques pour leurs clients ? Ou est-ce que l’État qui devra fournir le matériel ? Les horaires des magasins seront-ils réduits ? Quid des centres commerciaux : devront-ils ouvrir à un nombre limité de personnes ? Le sujet est en outre controversé sur le plan sanitaire, car les experts préconisaient, eux, une reprise généralisée le 18 mai : cette anticipation ne risque-t-elle pas de précipiter une deuxième vague de l’épidémie ?

L’enseignement

Du côté du fondamental et du secondaire, les élèves de sixième primaire et de sixième secondaire reprendront les cours à raison d’un ou deux jours par semaine dès le 18 mai. L’inquiétude est grande, tant dans les rangs des enseignants que des parents. Comment seront organisés les cours ? Les récréations seront-elles organisées de la même manière ? Le matériel hygiénique sera-t-il suffisant ? Comment se poursuivra l’année pour les autres élèves qui travailleront, quant à eux, à distance ? Si les parents doivent retourner travailler, les services de garderie ne vont-ils pas exploser ? Tant dans les rangs politiques qu’auprès des acteurs concernés, certains demandent pourquoi ne pas avoir tout simplement renvoyé la reprise à la rentrée de septembre. Quand elles n’interrogent pas la cohérence de cette reprise à multiples vitesses : pourquoi les élèves de terminale, et pas les autres ?

En ce qui concerne le supérieur, les universités et hautes écoles doivent rendre ce lundi les modalités d’évaluation. Majoritairement, cela se fera à distance. Mais là aussi, l’incertitude nourrit les critiques. La question de la tricherie inquiète les établissements, qui ont mis en place des logiciels de contrôle, tandis que les mêmes logiciels stressent les étudiants quand ils ne les indisposent pas pour des questions de contrôles des données.

Culture, sport et tourisme

Le secteur Horeca pourrait peut-être reprendre le travail dès le 8 juin à la condition que la situation sanitaire le permette. Là encore, bien des questions se posent au sujet des modalités pratiques, même s’il reste un peu plus de temps pour y répondre. Les restaurants vont-ils devoir revoir l’aménagement de leur établissement ? Les serveurs et les clients devront-ils porter des masques ? Y aura-t-il des plaques de plexiglas entre les tables ? Les terrasses seront-elles autorisées ? D’ores et déjà, le secteur annonce que le service ne sera plus aussi performant qu’avant la crise.

En matière de loisirs, d’autres questions qui fâchent n’ont pas été tranchées. La question des déplacements dans les secondes résidences n’a toujours pas eu de réponse. Idem pour les séjours de courte durée dans les Ardennes ou à la mer du nord ?

Le secteur culturel multiplie les appels à l’aide et évoque le risque d’une faillite généralisée. Pour l’instant, seuls les théâtres sont fixés sur leur sort. La Fédération Wallonie-Bruxelles, elle aussi, évoque sa disparition pure et simple si la culture ne survivait pas.

Les camps des mouvements de jeunesse pourront-ils avoir lieu ? Les compétitions sportives pourront-elles reprendre ? Ces sujets seront sur la table du prochain Conseil de sécurité.

Les autorités font face à un mur de sujets qui fâchent. Elles devront répondre aux questions sans réponses, mais aussi rassurer une population au bord de la crise de nerfs.

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