Guy Lutgen encadré par Paul Magnette et René Colin, en 2014

Décès de Guy Lutgen, ancien ministre et bourgmestre de Bastogne

Le Vif

Né en 1936, Guy Lutgen fut l’une des figures politiques importantes du PSC wallon et l’un des artisans de la régionalisation de l’agriculture. Il a siégé sans discontinuer dans l’exécutif wallon de 1988 à 1999. Il est décédé à l’âge de 84 ans, a-t-on appris dimanche.

Comme beaucoup de familles des Ardennes, les Lutgen ont payé le prix fort de la Seconde Guerre mondiale et la contre-offensive Von Runstedt en 1944. Le père de Guy, Auguste, sera fusillé le 21 décembre par une unité de la Gestapo en compagnie de six autres otages de la commune de Noville, dont un certain Félix Deprez, père de Gérard.

Licencié en philosophie de l’Université Catholique de Louvain, Guy Lutgen fait ses premiers pas en politique en 1964 en devenant conseiller communal avant d’être élu en 1974 au conseil provincial du Luxembourg.

Entre 1974 et 1977, il travaille au cabinet du ministre de l’Intérieur, Joseph Michel, le maître d’oeuvre de la fusion des communes.

En 1977, Guy Lutgen est coopté au Sénat. La même année, il devient le premier bourgmestre du « grand » Bastogne fusionné, un mandat qu’il détiendra jusqu’en 2000.

Entre 1985 et 1987, il siège dans le gouvernement Martens II où il gère la modernisation et l’informatisation des services publics.

En 1988, il entre dans l’exécutif wallon présidé par Guy Coëme. Sa longévité est exceptionnelle: il siégera ensuite dans les gouvernements Anselme, Spitaels, Collignon I et II. Pendant ces onze années, le Bastognard exercera en particulier les compétences de l’agriculture et de l’environnement. Face à une agriculture belge dominée par la Flandre et le Boerenbond, il se révèle un fervent défenseur de la régionalisation de cette matière. Il obtiendra partiellement gain de cause en 1992, avec les accords de la Saint-Michel.

Il créera l’Office Régional de Promotion de l’Agriculture et de l’Horticulture (ORPAH), ancêtre de l’Agence pour la Promotion d’une Agriculture de Qualité de Wallonie (APAQ-W). Il oeuvrera également en faveur d’un plus grand soutien des jeunes agriculteurs dans un secteur qui voit chaque année fondre ses effectifs.

A l’Environnement, il aura fort à faire avec un Plan wallon des déchets dont l’accouchement sera difficile. Il devra subir la pression du monde communal et intercommunal, des lobbys économiques mais aussi des environnementalistes et plus généralement d’une population wallonne qui découvre le scandale de la décharge de Mellery.

Manifestation des agriculteurs au meeting du PSC à Bastogne en 1999. Lutgen, alors ministre, parlemente avec la délégation du Front vers, venu exposé ses problème.
Manifestation des agriculteurs au meeting du PSC à Bastogne en 1999. Lutgen, alors ministre, parlemente avec la délégation du Front vers, venu exposé ses problème.© Belga

Cette époque sera aussi celle de la qualité des eaux de baignade, épinglée par l’Europe, et de la création de la Société Publique de Gestion de l’Eau (SPGE). Un décret suscitera les passions: pour se conformer aux directives européennes sur la protection des oiseaux, la Région interdit la tenderie, la « chasse du pauvre », une pratique ancestrale en Wallonie. En 1999, le PSC est chassé du pouvoir. En 2000, Guy Lutgen perd le maïorat de Bastogne au profit de Philippe Collard, son « faisant fonction » qui a rejoint le MCC de Gérard Deprez et rallié de ce fait le MR.

La défaite électorale est sans appel, Lutgen père se retire de la politique.

Le nom des Lutgen restera toutefois indissociablement lié au PSC et à son successeur le cdH, puisqu’en 2004, Benoît, fils cadet de Guy fait une entrée remarquée en politique. Il est désigné ministre de l’Environnement et de l’Agriculture dans le gouvernement Van Cauwenberghe II. Il assumera ensuite la présidence du parti de 2011 à 2019 et est bourgmestre de Bastogne depuis 2012.

Son frère aîné, Jean-Pierre, devient quant à lui une figure connue du monde des affaires en lançant les célèbres « Ice Watch ». Élevé au rang d’Officier du Mérite wallon en 2014 (photo), Guy Lutgen a rendu son dernier souffle. Il avait 84 ans.

Les réactions du monde politique

« Guy Lutgen était un grand lettré, philosophe et amoureux de culture« , salue le cdH dans un communiqué. « Professeur de latin et d’histoire qu’il fût, il donnait de l’épaisseur au verbe et du concret dans l’action politique. ‘Verba volant’ (les paroles, c’est du vent), disait-il à ses collaborateurs pour leur rappeler que ce qui compte vraiment en politique, c’est ce qui améliore la qualité de vie des gens, concrètement« , évoque le parti humaniste.

Le président du cdH, Maxime Prévot et les membres du parti, présentent leurs sincères condoléances à ses enfants et sa famille. Ils saluent « le militant du parti, l’ami de toujours, l’homme d’Etat dont l’apport pour les générations du 21e siècle a été majeur« .

« A la manoeuvre lors de la fusion des communes de Wardin, Longvilly, Noville, Villers-La-Bonne-Eau et Bastogne, il a veillé à ce que chacune soit respectée dans sa liberté d’action. Les villages de notre commune ont connu de nombreux projets et investissements grâce à son action et celle de ses compagnons de route: remembrement, création du bocage ardennais, maintien et développement de l’enseignement en milieu rural et mobilisation des fonds du Développement rural wallon (qu’il a créé) pour ériger des maisons de village« , souligne le collège communal de Bastogne. « Ministre reconnu et apprécié pour son bon sens et ses convictions fortes, on lui doit notamment la mise en oeuvre du système de gestion des déchets à travers toute la Wallonie et la politique de développement rural, si chère aux luxembourgeois », poursuit encore le communiqué.

Le président du cdH de la province de Luxembourg, René Collin, évoque un modèle politique pour lui. « Secrétaire d’Etat pendant deux ans au Gouvernement fédéral puis ministre pendant douze ans au Gouvernement wallon, Guy Lutgen a incarné à la fois un profond attachement national et l’amour de sa Région, stimulé l’esprit de responsabilité de la Wallonie et des Wallons et porté haut les valeurs de notre Luxembourg », souligne-t-il. « Il aura placé l’agriculture wallonne sur la carte de l’Europe en défendant ses spécificités, offert aux agriculteurs wallons les outils d’une politique régionale à leur mesure, en restant en permanence proche d’eux et de leurs familles. »

André Antoine, parlementaire wallon et Fédération Wallonie-Bruxelles ainsi que sénateur, a communiqué ses condoléances dimanche en rappelant entre autres que le père de Guy Lutgen avait été fusillé par les Allemands lors de la Seconde Guerre mondiale. « Je n’ai jamais caché une grande admiration envers Guy, tant pour sa brillante réussite, son charme communicatif, sa réelle générosité, ses emportements légendaires, ses engagements tenaces et ses émotions sincères. La vie ne l’a pas pourtant pas ménagé », indique le Brabançon, qui évoque encore la « réputation justifiée » de « Kennedy des Ardennes ».

Quant à Joëlle Milquet, ancienne figure du cdH, elle est passée par Twitter pour lui rendre hommage.

https://twitter.com/JoelleMilquet/status/1287368510696501249Joëlle Milquethttps://twitter.com/JoelleMilquet

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