Renaud Duquesne

De la dislocation fédérale ou la chronique d’une mort annoncée

Renaud Duquesne Avocat à Marche-en-Famenne

Le contrôle budgétaire présenté par le gouvernement comme indolore pour le citoyen fédéral se transforme en un contrôle budgétaire très douloureux pour les citoyens régionaux.

Le contrôle budgétaire fédéral annoncé comme étant un Himalaya de difficultés a été résolu le temps d’un week-end. Les montants prévus au titre de l’ajustement budgétaire soit 1,2 milliard d’euros ont fondu comme neige au soleil. En effet les sommes à payer par l’État fédéral aux entités fédérées au titre de ristournes fiscales sont moindres que celles qui avaient été envisagées. De plus la majorité a revu la norme de croissance à la hausse soit à 1,2 %.

C’est donc une perte sèche de 750 millions d’euros pour les trois régions. 50 millions d’euros de recettes en moins pour la Wallonie, 105 millions d’euros pour Bruxelles et 400 millions d’euros pour la Flandre.

Le contrôle budgétaire présenté par le gouvernement comme indolore pour le citoyen fédéral se transforme en un contrôle budgétaire très douloureux pour les citoyens régionaux.

Voilà donc ce contrôle budgétaire présenté avec fierté par le gouvernement comme indolore pour le citoyen fédéral que nous sommes tous qui se transforme en un contrôle budgétaire très douloureux pour les citoyens régionaux et communautaires que nous sommes tous également.

Selon les régions, les chiffres communiqués par fax le lendemain du contrôle budgétaire seraient erronés. Après les erreurs de calcul dans les chiffres de la SNCB et du service fédéral pension, voilà que la calculette fédérale aurait à nouveau des absences.

Qui dit vrai qui dit faux? Ne fait-on pas dire aux chiffres ce que l’on veut, sa chose et son contraire. La Grèce n’est-elle pas le plus bel exemple. En somme, on joue à qui perd gagne. C’est comme l’histoire du valet puant que tout le monde essaye de se refiler.

Peut-être que les régions n’ont pas assez anticipé cette perte de rentrées financières. Il est vrai qu’elles ont été particulièrement et étrangement silencieuses ces derniers mois. Tout à leur joie de voir le gouvernement fédéral empêtré dans des problèmes communautaires et un climat social tendu. Comme quoi il ne faut jamais se réjouir du malheur des autres.

Le Mouvement Réformateur a-t-il toutes les raisons d’être satisfait? Peut-être. Il a effectivement mené tambour battant le conclave dans le calme et la discrétion. Il déclare que les économies faites sont structurelles et qu’aucun impôt nouveau n’a été créé. Le portefeuille du citoyen est préservé.

C’est une victoire, mais il faudra aller plus loin en augmentant le pouvoir d’achat des citoyens comme il s’y engagé en promettant de protéger les classes moyennes.

Mais les régions vont devoir pratiquer aussi ce difficile exercice de la rigueur et rien ne dit que l’impôt ne fera pas son retour par la fenêtre à moins que les majorités régionales ne fassent preuve d’ingéniosité et d’audace.

Mais un climat guerrier s’installe sur la place publique entre les représentants de toutes les entités.

On peut évidemment faire de la politique en dénonçant les lacunes de l’autre dans la politique menée. C’est le débat démocratique et cela est sain. Mais ici, il est question des fondements futurs de l’état belge et de la mise en oeuvre de la 6em reforme de l’état qui nous concerne tous.

Il ne peut être question, en telle matière, d’avoir un raisonnement exclusivement partisan. La politique est le fait de la cité. On doit gouverner pour tous. Il est donc regrettable que cette discussion entre les entités fédérées et le fédéral tourne au pugilat.

Manifestement l’animosité entre le MR et le pôle des gauches garde toute son acuité. La politique ce n’est pas se gargariser quand votre voisin souffre même si il en est responsable. La politique c’est se respecter et se parler dans l’intérêt de tous. C’est une affaire d’hommes et de conviction. Force est malheureusement de constater que l’on en est loin.

Mais dès lors à quoi sert ce comité de concertation censée être un lieu d’apaisement et de discussion. Il y règne un froid polaire et les relations sont loin d’être chaleureuses. Il est comparable à un ring de boxe déserté par l’arbitre et où tous les coups sont permis.

Ajoutez à cela, pour ajouter à la confusion, les critiques émises par la NVA par le biais de son ministre président régional et son vice-premier ministre fédéral qui dans un ensemble touchant déclarent que la loi de financement a été mal négociée et que cette suppression de recettes fiscales est un scandale. Même le premier ministre s’en est mêlé déclarant qu’il n’était pas question de négocier avec les régions.

Vive la schizophrénie. Et on dit que ce gouvernement est essentiellement économique ! ! Chacun en sera juge.

À chaque jour le communautaire est en embuscade. Le problème a toujours été en Belgique que pour s’entendre il fallait se comprendre. Déjà que l’on ne parle pas la même langue voilà maintenant que les égos s’en mêlent.

Notre fédéralisme de coopération est en danger. S’il ne fonctionne pas, c’est le fondement de l’État qui vacille et donc l’unité du pays.

Que faire ? Il suffit peut-être de s’en référer à la loi. En effet si un gouvernement estime qu’il y a un conflit d’intérêts il peut demander à ce que le Sénat soit saisi. Et qu’il rende dans les 30 jours un avis motivé sur lequel le comité de concertation se prononce au consensus dans un nouveau délai de 30 jours.

À défaut de consensus à l’expiration du double délai de 30 jours cela entraîne la fin de la suspension de la politique contestée. Et ce faisant le gouvernement mis en cause retrouve sa liberté d’action.

Le Sénat est le dernier symbole de l’unité du pays. Il est une chambre de réflexion. Il doit entre autres veiller à la bonne entente entre les communautés et à une mise en oeuvre réciproque de la sixième réforme de l’État.

Ne faut-il pas se donner le temps que les esprits se calment, que la réflexion s’installe et que le personnel politique se parle avec la volonté de servir le citoyen? Ce chemin est un retour au parlementarisme et à une discussion en assemblée.

L’exercice sera d’autant plus intéressant que la NVA n’a de cesse de vouloir réduire ses pouvoirs. Il s’agira là de tester la loyauté fédérale de tous et en particulier de la NVA et voir si ses propos de tous les jours sont empreints de sincérité. À défaut nous saurons à quoi nous en tenir et chacun devra rendre des comptes à ses électeurs.

Et malheureusement s’il en est ainsi nous serons donc passés dans un fédéralisme de dislocation.

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