Jean-Claude Van Cauwenberghe © .

Criminalité en col blanc: « La justice belge est moralement en faillite »

Han Renard

La justice belge obtient très peu de résultats dans la lutte contre le crime organisé, la fraude et la corruption. Lesdits criminels à col blanc se soustraient souvent à la loi. « Il y a quelque chose de pourri au coeur de notre État de droit » déclare le journaliste Philippe Engels qui vient de publier le livre « Mensonges d’État ».

Une conjonction d’ignorance, d’impuissance et de mauvaise volonté entraîne l’enlisement de nombreuses enquêtes judiciaires dans un sable mouvant juridique.

C’est ce qui s’est passé pour l’enquête sur les flux de subsides illégaux du gouvernement wallon vers la compagnie aérienne à bas prix Ryanair. Dans l’enquête sur les scandales à Charleroi révélés en 2005 et qui ont obligé le ministre-président wallon de l’époque Jean-Claude Van Cauwenberghe (PS) et toute l’administration carolorégienne à démissionner, les principaux suspects sont finalement largement épargnés.

Un chapitre stupéfiant de livre « Mensonges d’État » de Philippe Engels porte sur les enquêtes pour corruption auprès de confidents de l’ancien premier ministre et président du PS actuel Elio Di Rupo à Mons. Selon le journaliste, ces enquêtes ont été sabotées en 2011 pour motifs politiques.

« À cette époque, on a essayé de déstabiliser les 34 excellents enquêteurs de la cellule d’enquête Polfin – créée en 2009 pour fouiller de fond en comble la corruption politico-financière à Charleroi – par un complot. Leurs recherches risquaient en effet de compromettre des personnes issues de l’entourage direct d’Elio Di Rupo » raconte Engels.

Parmi ces confidents, il y avait notamment Pierre Urbain (PS), le Secrétaire communal de Mons, soupçonné de participation à une organisation criminelle. Il y a avait aussi le président puissant d’une grande intercommunale et Franco Dragone, un ami d’Elio Di Rupo. Le célèbre metteur en scène est soupçonné de fraude fiscale et de fraude de subventions.

Et puis il y a Edmée De Groeve, ancienne administratrice pour le PS à la SNCB et à la Loterie nationale et ex-présidente de l’aéroport de Charleroi. Dans cette fonction, elle avait succédé à Robert Wagner, également compromis pour corruption. Une autre enquête pour corruption dans laquelle elle est impliquée avec l’ancien CEO de Belgacom Didier Bellens est en cours.

En 2013, De Groeve a tout de même été condamnée pour le dossier de l’aéroport de Charleroi à une peine de prison avec sursis de 15 mois pour fraude et faux en écriture. Cependant, elle s’est récemment arrangée à l’amiable avec la justice. On ne connaît pas le montant de l’indemnité. « De cette façon, De Groeve a réussi à se blanchir de tout délit pénal » explique Engels.

Le fait que les fraudeurs et les escrocs financiers soient facilement blanchis ou seulement légèrement punis nuit au sentiment de justice dans la société. « On entend souvent que la justice est faillite » conclut Philippe Engels. « Je suis d’accord. Mais je ne parle pas en premier lieu au sens pécuniaire. La justice est surtout moralement en faillite « .

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