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Coronavirus : Comment (re)motiver les Belges à respecter les mesures sanitaires

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Les Belges sont de moins en moins motivés à suivre les règles sanitaires pour lutter contre le coronavirus. Des chercheurs de l’université de Gand donnent quelques pistes pour survivre à ce qu’ils qualifient de « long marathon ».

Ces dernières semaines, de nombreux citoyens se démotivent et ne font plus beaucoup d’efforts pour respecter les gestes barrière, le port du masque ou la « bulle sociale de 5 » dans la lutte contre le coronavirus. Certains doutent aussi des décisions politiques, jugées parfois incohérentes, selon les auteurs de une étude de l’UGent sur la motivation des Belges pendant cette crise sanitaire.

Cette démotivation se manifeste dans toutes les tranches d’âge de la population mais se ressent d’autant plus chez les jeunes de 18 à 35 ans. Dans la pratique, seulement 21% de la population respecte la règle de la « bulle de 5 ». Et parmi les personnes qui la respectent, 67% trouvent cette mesure très pénible.

Jusqu’à présent, le groupe d’experts et le gouvernement ont trop mis de côté l’impact psychologique de la crise sur la population, regrettent les auteurs de l’étude gantoise « psychologie et corona ».

Pour ce groupe de travail, de nombreuses occasions ont été manquées pour mieux gérer l’épidémie, en accordant plus d’attention aux besoins et aux demandes de la population. « On a remarqué que les besoins humains fondamentaux d’autonomie et de relation était au plus bas depuis le début des mesures. Les gens veulent garder des contacts sociaux, c’est très important de trouver un juste équilibre entre les données virologiques et psychologiques« , nous explique l’un des responsables de l’étude Maarten Vansteenkiste, professeur de psychologie motivationnelle.

« Il faut à la fois un cadre plus contraignant et plus favorable et une communication plus inspirante et plus motivante« , avancent les chercheurs dans leur étude. « De longues soirées d’hiver s’annoncent, que nous égayons normalement par des événements culturels et des fêtes de famille. Les rhumes et les grippes vont réapparaître. Il est donc plus important que jamais d’obtenir l’adhésion de la population », alertent-ils.

Ils proposentplusieurs pistes concrètes pour améliorer la situation et permettre aux Belges d’adhérer davantage aux mesures dictées par les autorités, et cela sur le long terme et en réduisant le stress psychologique créé par ce contexte inédit. Car si le comportement responsable de chaque citoyen est l’arme la plus efficace pour une sortie de crise sans trop de dommages, comment le (re)motiver ?

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Rendre la gestion de la crise aussi prévisible et contrôlable que possible

La seconde vague de coronavirus en plein été a surpris de nombreux compatriotes qui savouraient leur liberté à peine retrouvée à la sortie du confinement. Ce revirement rapide et inattendu a été mal vécu. Les événements vécus comme imprévisibles et incontrôlables sont en effet particulièrement stressants pour tout individu. Ils nuisent à la motivation et au respect des règles. En rendant l’approche prévisible et en donnant des informations claires sur les résultats des efforts fournis, le sentiment de contrôlabilité et d’autonomie est renforcé, et donc aussi la motivation et la volonté de persévérer, expliquent les chercheurs gantois.

« Dans ce qu’on pourrait qualifier de marathon, il est crucial de déterminer des buts intermédiaires à atteindre, pour que les Belges aient des perspectives et gardent leur motivation, ce n’est pas le cas pour le moment. Les Belges naviguent à vue », avance Maarten Vansteenkiste.

Très concrètement, le chercheur propose de mettre en place un système de feux clignotants ou de code couleur, comme pour les écoles, qui permettrait à la population de savoir facilement où nous nous situons dans l’épidémie à un moment donné, par exemple, moins de 50 contaminations par jour ou une certaine valeur R. « Si nous voulons convaincre les citoyens que leurs efforts comptent, il est bon de montrer deux courbes : comment les infections évoluent-elles si nous maintenons la bulle sociale à 15 et si nous réduisons notre bulle à 5 ? D’un seul coup d’oeil, les citoyens peuvent constater le bénéfice de leurs efforts. Cela est motivant et crée la confiance qu’ensemble nous pouvons atteindre le résultat souhaité », détaillent les chercheurs dans leur étude.

Les experts devraient aussi communiquer clairement à l’avance sur les principes qui entrent en vigueur lorsqu’une valeur seuil est dépassée, de manière à ce que la population ait la possibilité d’éviter la valeur seuil suivante par son comportement. Ce « contrat social » renforce l’autonomie de la population et le sentiment de prévisibilité et de contrôlabilité.

« Nous travaillons sur un outil d’auto-évaluation– l »empreinte corona personnelle’ à la manière de l’empreinte carbone– permettant aux personnes d’évaluer leur propre comportement en matière épidémique« , nous annonce Maarten Vansteenkiste.

Des outils permettant de simuler des scénarios (par exemple, les effets de la taille des bulles, les effets de la distance, le port d’un masque buccal, les scénarios les plus défavorables et les plus favorables, etc.) peuvent aussi aider le citoyen dans la poursuite de ses efforts. « Il est important de ramener la responsabilité à l’individu, qu’il redevienne conscient de ses actions contre le virus mais tout en gardant un but collectif, dans un esprit solidaire », souligne l’universitaire. « Montrez non seulement des graphiques qui montrent où nous serions grâce à nos efforts, mais aussi des graphiques qui montrent où nous serions sans faire les efforts nécessaires. La différence de pronostic entre les deux indique directement les gains à réaliser grâce à nos efforts« , commente-t-il. «  Sciensano a d’ailleurs très bien mis en pratique cette idée ce lundi en mettant en avant le fait que l’effort collectif à Anvers a permis de réduire le nombre de décès et d’hospitalisations « , prend comme exemple Maarten Vansteenkiste.

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Définir des principes simples et clairs dans un cadre logique

Les règles édictées par les autorités doivent être considérées comme sensées et logiques par les citoyens, ce qui n’est pas toujours le cas. La « bulle de 5 » est, par exemple, source de confusion et d’incompréhension. « La simplicité et l’uniformité sont subordonnées à l’utilité : une règle perçue comme illogique qui est simple et claire reste illogique. Plus la compréhension de la mesure est grande, plus les chances de motivation durable sont grandes« , estiment les chercheurs.

Ces règles à respecter doivent être martelées à l’envi dans l’espace public avec des slogans positifs et attrayants, ou via des personnes de confiance qui donnent envie d’y adhérer. Ainsi, des influenceurs ou des célébrités peuvent montrer leur engagement, témoigner de leur quotidien auquel s’identifier. Le soutien social et un objectif commun sont très importants. Le slogan peut aussi être inventé par la population elle-même suite à une campagne de sensibilisation. Il est important, par ailleurs, d’adapter ces différentes recommandations en fonction de la zone géographique ou des tranches d’âge de la population.

L’appréciation et les réactions positives ont également un effet motivant. En tant qu’autorité, il est bon de souligner les efforts déployés par la population et de montrer sa gratitude. « Mais en tant que citoyens, nous pouvons aussi le faire entre nous. Nous pouvons remercier une personne de garder ses distances avec le boulanger, demander à un caissier ou à un serveur si travailler toute la journée avec un masque buccal n’est pas trop difficile, et nous encourager mutuellement à persévérer« , poursuit le chercheur.

« Une crise de longue durée, un marathon »

Et l’équipe universitaire de lancer un appel: « La crise du COVID-19 est une crise de longue durée. C’est un « marathon » que nous courons. Cela nécessite un effort soutenu et à long terme de la population pour adapter son comportement. Aujourd’hui, nous constatons que la motivation de la population à adapter son comportement est au plus bas. Il est particulièrement étrange que le gouvernement n’ait pas encore fait participer des experts en comportement à l’élaboration de sa politique, contrairement à d’autres pays européens (l’Institut national néerlandais pour la santé publique et l’environnement (RIVM) dispose d’une unité comportementale complète). Les psychologues et autres spécialistes du comportement peuvent apporter une contribution importante à l’élaboration d’un cadre motivant et socialement contraignant.  » Le groupe d’experts « psychologie et coronavirus » demande dès lors que des travaux soient effectués d’urgence sur ce sujet.

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