Carte blanche

Conseils pour les électeurs du 26 mai

Dans un article précédent, j’ai donné des « Conseils aux politiques en campagne ». Pourquoi ne pas conseiller les électeurs ? Certes, vous ne m’avez rien demandé, mais vous n’êtes pas obligé de me lire. Si vous me lisez, rien ne vous oblige à partager mes propos.

Pour commencer, sachez que je ne figure dans aucune liste et ne suis pas candidat. Je ne suis que le porte-parole officieux de ceux qui pensent comme moi. Je n’ai pas besoin de votre vote.

Bon citoyen, pétri des valeurs démocratiques et soucieux de l’avenir du royaume, vous voulez réfléchir avant de déposer vos bulletins dans les urnes. Mieux encore, vous voulez une réflexion guidée par le raisonnement le plus rigoureux et objectif possible. Vous vous posez nombre de questions sur la bonne décision à prendre.

Vous abstenir ou voter ? Vote, nul, blanc ou valable ? Choix en fonction d’un programme, d’un parti ou des personnes ? Vote tête de liste ou vote nominatif ? Choix difficile compte tenu du temps qui vous reste d’ici au 26 mai. Même en s’y prenant à temps la tâche est lourde.

S’abstenir ?

Bien que le vote soit obligatoire, l’abstention reste pour vous une option pour exprimer votre colère. À quoi bon voter, si l’on vous propose de choisir, selon vous, entre la peste et le choléra, de légitimer avec votre vote ce que vous réprouvez ? Tous les mêmes : démagogues, profiteurs, pourris, incompétents… Quand vous entendez les insultes et les accusations qu’ils échangent entre eux, vous déduisez qu’ils doivent avoir raison puisqu’ils se connaissent. Ils sont tous de la même nichée. Alors, pourquoi voter pour ces gens ?

Vous exagérez. Ne croyez-vous pas ? Des politiques intègres, compétents et soucieux de l’intérêt général existent bel et bien, quoique friands de pouvoir. Autrement, la Belgique serait dans une situation pire que vous ne le pensez. Et puis, il paraîtrait que nous avons les politiques qui nous ressemblent. C’est sans doute en cela que la démocratie est représentative !

Voter nul ?

Vous votez nul pour éviter les sanctions prévues par la loi et manifester votre opposition au système. Si vous le faites, sciemment, vous faites une blague de potache. Narguer le système ne le fissure pas. Je n’ai rien d’autre à vous dire sur cette option.

Voter blanc ?

Aussi pour respecter la loi et exprimer votre mécontentement vous décidez de voter blanc. Les listes et les candidats offerts à votre choix ne vous satisfont pas. Vous déposez donc un bulletin vierge dans les urnes.

Contrairement à une croyance très répandue, les votes blancs ainsi que les nuls ne sont pas ajoutés au parti le plus voté. En revanche, comme ils ne sont pas comptabilisés, ils donnent plus de poids, en pourcentage, aux votes valides. C’est de l’arithmétique.

Comble de l’ironie, l’abstention, le vote nul et le vote blanc n’empêchent pas l’élection des politiques qui vous cachent le soleil. En outre, ils favorisent indirectement les partis le plus plébiscités.

Néanmoins, un nombre important de votes blancs pourrait inciter ou obliger les décideurs à modifier la loi électorale et attribuer un autre statut au vote blanc. Il pourrait être pris en compte et considéré comme un suffrage exprimé avec des conséquences bien définies. Mais cela est un autre débat.

Vote valable

Puisque la démocratie vous offre la possibilité, réelle ou illusoire, de choisir à intervalles réguliers nos gouvernants, vous avez décidé de voter.

Vous pouvez choisir des partis différents pour la région, le fédéral et l’Europe ou un seul pour les trois élections. L’option vote valable est plus difficile que les autres. Le choix est vaste et complexe. Comment aborder le problème ?

Choix en fonction des programmes

Trois possibilités : lire les programmes complets ; lire leurs résumés ; lire les propositions « gouttes de miel ».

Lire les programmes complets

C’est très simple. Les programmes du PS, Ecolo, MR, PTB, cdH, DéFI, PP (d’autres partis sont en lice), représentent 1811 pages A4. Pour bien faire, lisez-les toutes. Vous analysez leur contenu à l’aide de ce que vous savez déjà en matière de fiscalité, politique budgétaire, globalisation des revenus, politique de l’offre, politique de la demande, pôles de compétitivité, mobilité, transition énergétique, régime des pensions, la réduction du temps de travail, l’embauche compensatoire, le dumping social, le numérique, la robotique, le pacte d’excellence, le tronc commun, les investissements publics, le carcan budgétaire européen, le commerce international, la politique migratoire, le pacte de Marrakech, une défense commune européenne, la règlementation du cannabis… Ce ne sont que quelques exemples.

Si vous connaissances ne suffissent pas à vous éclairer, n’hésitez pas à consulter les médias qui se coupent en quatre pour vous expliquer et comparer les programmes ainsi que les publications de nombreux experts universitaires : philosophes, sociologues, politistes, économistes… N’oubliez pas les hauts fonctionnaires européens, les think tanks belges et internationaux… le voisin d’en face. Petit problème, tous ces médias, experts, professeurs et hauts fonctionnaires vous donneront des avis contradictoires.

En même temps que vous lisez et analysez, mettez en couleur les meilleures propositions de tous les partis, comparez-lez et triez-les pour ne garder que les meilleurs et faire votre choix.

Arrivez à ce stade, vous pouvez être fier de vous. Vous avez bien suivi ceux qui vous conseillent de voter avec le cerveau et pas avec le coeur, avec la raison et pas avec l’émotion, sur le contenu de programmes et pas sur la politique spectacle. Il ne vous reste qu’à déposer vos bulletins dans les urnes le 26 mai – que je vous souhaite ensoleillé – et attendre les résultats de votre geste citoyen avec la satisfaction du devoir accompli.

Lire les résumés des programmes

Si pour une raison quelconque, vous ne pouvez pas lire ni analyser les programmes complets, sachez que certains partis ont eu la gentillesse de les résumer. Malheureusement, le travail à fournir est le même que dans l’exercice précédent sauf que vous lisez moins de pages. Il vous reste une possibilité :

Lire les propositions « gouttes de miel »

Les partis, soucieux de vous aider au maximum, ont sorti de leurs programmes quelques propositions qui tiennent en très peu de lignes chacune. Il s’agit des gratuités, des augmentations et des diminutions de certaines choses que l’on aime gratuites, augmentées ou diminuées. Que demander de plus. À première vue il n’y a rien à comprendre. Méfiez-vous, leur attractivité peut vous empêcher de réfléchir à leur faisabilité. Et puisque tous les partis abondent à peu près dans le même sens, vous êtes tenté de choisir au hasard celui pour lequel vous voterez ou de voter pour quatre ou cinq invalidant ainsi votre vote.

Choix en fonction des partis

Si vous n’avez pas la possibilité de lire, analyser, comparer, trier et sélectionner dans les programmes ou ceux-ci ne sont pour vous qu’un catalogue de promesses sans lendemain, il vous est loisible de choisir selon d’autres critères tels que :

« Dans ma famille on a toujours voté comme ça ». Si vous tenez à respecter la tradition familiale « votez encore une fois comme ça ». Mais ce n’est pas comme ça que vous allez contribuer au changement.

Vous savez déjà si vous êtes de gauche ou de droite. Vous n’avez pas eu besoin d’étudier les sciences politiques pour le savoir. Si vous êtes de droite, vous ne voterez pas pour un parti de gauche ni inversement et je n’ai pas l’intention de vous faire changer d’orientation.

Néanmoins, permettez-moi quelques suggestions :

Regardez ce que proposent les partis qui se présentent aux élections pour la première ou seconde fois sans être une dissidence des vieux partis. Je pense aux mouvements citoyens. Cela ne vous tente pas de sortir des sentiers battus et contribuer au renouvellement du paysage politique ? Les partis traditionnels ne sont pas forcément les meilleurs par le seul fait d’être traditionnels et faire partie du paysage.

Aux prochaines élections vous pouvez corriger les erreurs commises aux élections précédentes… si vous le voulez.

Rester fidèle aux partis traditionnels parce qu’ils ont pignon sur rue et ont un parcours qui vous rassure ne doit pas vous empêcher de contribuer au changement. Il suffit de modifier quelques habitudes :

Ne votez plus pour certaines têtes de liste qui se présentent à chaque élection depuis 25, 30, 35 ou 46 ans. Au lieu de voter, tête de liste, votez pour de jeunes candidats avant qu’ils n’attrapent les tics et la routine des vieux de la vieille. Ils seront plus utiles à la collectivité. Un candidat de 50 ans qui se présente pour la première fois, et qui a de l’expérience dans d’autres domaines, est aussi un jeune en politique.

Ne succombez pas à l’argument selon lequel l’expérience des vieilles barbes est irremplaçable. Les gens expérimentés seront forcément remplacés en jour. Pourquoi pas le 26 mai prochain. Quand ils ont été élus pour la première fois, ils n’avaient pas d’expérience. Si l’on n’élit pas les jeunes parce qu’ils n’ont pas d’expérience, comment voulez-vous qu’ils aient de l’expérience si l’on ne les élit pas.

Plus importante que les programmes sont les qualités humaines des élus. Le meilleur programme ne sert à rien avec de mauvais politiques. Méfiez-vous de ceux qui se croient les meilleurs parce que les autres sont les pires. Méfiez-vous de ceux qui parlent plus des propositions des autres partis au lieu de vanter les qualités de celles de leur propre parti. C’est de la communication astucieuse dans la mesure où les destinataires sont naïfs.

Un tiers au moins de dirigeants de nos partis devraient laisser leurs places à ceux qui poussent derrière. S’ils font de la résistance, les électeurs doivent les éjecter à chaque fois qu’ils ont la possibilité de voter et via la militance active dans leur partie.

Comme vous voyez, votre responsabilité, la mienne, ne s’achève pas le 26 mai. Bien au contraire. Le travail reprend le lendemain pour changer de dirigeants et faire de la politique autrement, aérer et dépoussiérer le monde politique.

Et n’oubliez pas : aux prochaines élections vous pouvez corriger les erreurs commises aux élections précédentes… si vous le voulez.

César Botero González

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