Une commune gérée avec une dynamique très professionnelle et une ouverture d'esprit politique. © hatim kaghat

Communales 2018 : à Rhode-Saint-Genèse, le « vivre-ensemble » en guise de programme

Philippe Berkenbaum
Philippe Berkenbaum Journaliste

Une population qui rajeunit, un coeur de village entièrement reconstruit, de nouveaux espaces verts et une multitude d’activités visant à stimuler la mixité linguistique et sociale… Rhode-Saint-Genèse connaît une nouvelle dynamique qui renvoie les tensions communautaires au rayon des (mauvais) souvenirs.

Circulez, y a rien à voir ! A Rhode-Saint-Genèse, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. C’est du moins le sentiment que distillent la plupart des élus de la plus grande commune à facilités de la périphérie bruxelloise, avec ses 18 230 habitants.  » Nous formons une équipe qui fait un travail formidable sous la houlette du bourgmestre Pierre Rolin, que je considère comme un excellent chef d’orchestre. On s’entend très bien et cela nous permet d’afficher un excellent bilan.  » Parole… de la seule élue flamande du collège, l’échevine CD&V Anne Sobrie !

L’entente cordiale. Difficile à croire, mais elle incarne pourtant l’opposition. Dans les communes à facilités, les échevins sont élus directement au nombre de voix de préférence. Et sa liste, Respect, pèse un tiers des voix. Anne Sobrie n’est cependant pas une néophyte, loin de là. Fille de l’ancienne bourgmestre Celina Algoet (dans les années 1980), elle fut échevine pendant dix-huit ans avant de devoir céder sa place, en 2012, à une certaine Geertrui Windels, l’épouse d’Herman Van Rompuy. Laquelle ne partageait pas l’enthousiasme de sa coreligionnaire pour l’équipe mayorale puisqu’elle a brutalement claqué la porte du collège en février 2017, se disant victime  » d’incessantes vexations de la part des francophones « . Au collège, personne n’y croit vraiment, on préfère parler  » d’incompatibilité d’humeur entre une personne issue de l’administration et une équipe formée de personnalités du privé et du monde juridique, qui gèrent la commune avec une dynamique très professionnelle « .

Anne Sobrie, non plus, ne croit pas à l’argument communautaire.  » Il n’y a plus de problème communautaire à Rhode-Saint-Genèse, assène-t-elle, ces questions se passent à un autre niveau.  » Comprenez : au fédéral. La digue est pourtant fragile. Tapie en embuscade, la N-VA briguait la tête de la liste flamande pour le scrutin d’octobre avec des intentions manifestement radicales. Anne Sobrie a fini par l’emporter, mais elle a eu chaud. C’est elle qui dirigera la liste d’union flamande rebaptisée Engagement1640. Elle devrait donc rempiler au collège, tandis que Mme Van Rompuy poussera la liste au CPAS.

Le bilan.

Annie Sobrie (ici), seule élue flamande du collège, loue l'efficacité de Pierre Rolin, bourgmestre et
Annie Sobrie (ici), seule élue flamande du collège, loue l’efficacité de Pierre Rolin, bourgmestre et « excellent chef d’orchestre ».© hatim kaghat

Si les nationalistes flamands ne font pas – encore… – recette à Rhode-Saint-Genèse, le bourgmestre sortant se plaît à croire que c’est essentiellement dû à la politique du  » samenleving  » (en néerlandais dans le texte) cultivée par son équipe depuis qu’elle a succédé à celle de… sa soeur, Myriam Delacroix-Rolin, qui a dirigé la commune pendant vingt-quatre ans jusqu’en 2012.  » Ces six dernières années, le vivre-ensemble a beaucoup progressé à Rhode, souligne Pierre Rolin. C’est le résultat d’une grande ouverture d’esprit politique et d’une stratégie consistant à multiplier l’organisation d’événements sportifs, culturels et festifs qui permettent aux gens de se rencontrer et de faire tomber les barrières linguistiques. C’est ce qui leur apporte le plus de bonheur.  » On songe aux fameux Aper(h)ode autant qu’aux 10 km ou au marché de Noël.

Bien qu’étiqueté CDH, le mayeur se revendique indépendant de tout parti politique. Il a baptisé son mouvement 1640. be (référence au code postal de la commune).  » S’il n’y a pas d’enjeu communautaire, nous n’avons pas besoin de lien avec les partis. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres communes à facilités, nous n’avons pas d’ambition politique fédérale, la commune n’est pas un marchepied pour accéder à d’autres responsabilités. Dans le passé, des politiciens sont venus agiter la politique communale avec ce genre d’objectif. C’est contraire à nos valeurs.  »

En cours de constitution, la liste d’union francophone IC-GB s’ouvre à tous les partis et à des candidats indépendants. Si la case de tête n’est pas contestée à Pierre Rolin, candidat à sa propre succession, la répartition des places et, surtout, leur ordre – n’oublions pas que les cinq échevins sont élus au nombre de voix – fait l’objet de discussions. Derrière le CDH, le MR et DéFI dominent la vie politique locale et entendent bien figurer tous les deux aux premières loges.

Le premier est emmené par la ministre fédérale du Budget Sophie Wilmès (qui a cédé son échevinat à l’indépendant Charles-Emmanuel van der Straten Waillet pour monter au gouvernement), le second par le premier échevin Eric Libert, qui songe à céder le flambeau à la jeune génération, incarnée par Cédric De Cock et Sophie Rohonyi. Aux dernières élections, les représentants du PS et d’Ecolo arrivaient loin derrière. Mais, même en tendant bien l’oreille, on n’entend aucune voix discordante : tous les partenaires estiment que la majorité sortante a fait de l’excellent boulot et entendent bien reconduire l’attelage, quitte à y imprimer chacun sa marque personnelle.

L’enjeu.

Annie Sobrie, seule élue flamande du collège, loue l'efficacité de Pierre Rolin (ici), bourgmestre et
Annie Sobrie, seule élue flamande du collège, loue l’efficacité de Pierre Rolin (ici), bourgmestre et « excellent chef d’orchestre ».© hatim kaghat

 » Rhode est une commune qui se porte bien sur le plan financier, résultat d’une gestion efficace, affirme l’échevin des travaux publics Miguel Delacroix (1640. be). Cela dit, malgré son image de commune riche, elle connaît une grande diversité sociale et son CPAS est très actif.  » Elle cherche aussi à rajeunir sa population, un mouvement qui s’est amorcé et devrait se poursuivre.  » La majorité a fait beaucoup en faveur des jeunes et on constate d’ailleurs que de nombreux jeunes parents reviennent s’installer dans la commune, mais on pourrait faire plus « , souligne Sophie Rohonyi, qui est aussi la présidente de DéFI pour la périphérie. Elle soutient, par exemple, la création d’une maison des jeunes et d’une crèche communale dans les locaux d’une ancienne maison de repos, qui permettrait accessoirement de créer du lien intergénérationnel.

Comme nous le précise Sophie Wilmès, elle aussi  » enthousiaste sur les résultats engrangés par l’équipe sortante  » et  » bien décidée à (se) représenter pour continuer à jouer un rôle dans (sa) commune « , le programme de la liste d’union est en cours d’élaboration et il est trop tôt pour en dévoiler les priorités. Mais la coalition s’entend manifestement sur des enjeux comme la mobilité (avec des projets de vélos partagés, de covoiturage et de réaménagement des abords de la chaussée de Waterloo), l’achèvement de la transformation du coeur du village et la création d’un marché hebdomadaire qui fera la part belle aux producteurs locaux, la poursuite des grands travaux d’égouttage et de bassins d’orage visant à protéger les habitants des inondations, la construction de nouvelles infrastructures sportives, l’environnement, la sécurité, la rénovation des écoles communales déjà bien entamée sous cette mandature… Et tout ce qui concourt  » au dialogue et à la convivialité entre les différentes communautés qui composent la population « , conclut Sophie Wilmès. En phase avec tous ses partenaires.

Résultats 2012

IC-GB 65,5 % (17 sièges)

Respect 34,5 % (8 sièges)

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