© BELGA

Comment la SNCB se fait de l’argent sur le dos des navetteurs avec ses parkings

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

De nouveaux parkings de la SNCB vont devenir payants dans les prochaines semaines, ce qui mécontente une grande partie des usagers de trains. Ajoutez à cela une ponctualité qui se dégrade, et le tableau n’est pas rose pour les navetteurs.

D’ici peu, les parkings des gares SNCB de Landen, Tienen et Aarschot, dans le Brabant Flamand, deviendront payants. Ce sera aussi le cas bientôt à Enghien et à Silly, dans le Hainaut, à la suite des travaux d’extension du parking existant. La SNCB a entamé cette stratégie de zones de stationnement payantes en 2009 après avoir fait le constat que des parkings sont saturés, car ils sont aussi utilisés par des riverains dont le but n’est pas de prendre le train. Sur 550 gares, une cinquantaine disposent d’un ou de plusieurs parkings mis à disposition des voyageurs contre un tarif qui peut varier du simple au double. La moyenne pour le navetteur en possession d’un abonnement étant de 1,60 euro pour une journée (voir aussi l’encadré ci-dessous).

Cette politique payante mécontente les navetteurs. Une pétition pour garder le parking gratuit à la gare de Tienen a d’ailleurs été lancée par le PVDA-PTB, récoltant des centaines des signatures en quelques jours. « Même si cela ne revient qu’à quelques euros par jour, sur une année cela fait quand même une dépense de plus de 350 euros », déplore un usager de cette gare du Brabant flamand qui se rappelle qu’auparavant le parking était totalement gratuit pour toute personne en possession d’un titre de transport. « Pourquoi ne pas revenir à ce système ? « , s’interroge-t-il.

Parkings vides

Si des parkings payants, comme celui d’Ottignies sont complètement remplis avec des listes d’attente pour y obtenir une place, certains s’étonnent que celui, flambant neuf, de Louvain-la-Neuve d’une capacité de 2.000 places semble souvent désert. Elisa Roux, la porte-parole de la Société nationale des chemins de fer belges nous rétorque sur ce point que ce parking doit encore être relié à la route principale pour un meilleur accès et que de nouvelles liaisons régulières entre LLN et Ottignies devraient motiver les usagers à l’utiliser davantage pour rallier ensuite la capitale.

Comment la SNCB justifie-t-elle ces tarifs ? « Les tarifs pratiqués pour les voyageurs sont fonction des coûts d’exploitation du parking concerné et de sa distance par rapport à la gare. Les recettes permettent, entre autres, de couvrir le coût d’exploitation (entretien, nettoyage, éclairage, etc.), de renforcer leur sécurisation et permettent d’investir dans de nouveaux services aux clients, des parkings vélos par exemple », explique Elisa Roux.

Des investissements qui ne semblent pas toujours profitables aux usagers qui se plaignent avant toute chose du manque de ponctualité des trains. Seuls 49,1% des trains étaient à l’heure l’an dernier, selon une enquête interne de la SNCB que L’Echo et De Tijd ont pu consulter. D’après les statistiques publiques, 87,2% des trains étaient à l’heure l’an dernier. Mais ces statistiques tiennent compte de la définition officielle de la ponctualité, à savoir les trains qui ont maximum 5 minutes et 59 secondes de retard en arrivant à destination.

Comment la SNCB se fait de l'argent sur le dos des navetteurs avec ses parkings
© BELGA

« Un business lucratif »

Pour certains usagers qui ont du mal à joindre les deux bouts, en plus du prix de l’abonnement déjà élevé, ces parkings sont trop chers. Ces derniers n’hésitent alors pas à stationner aux alentours de gares, sur des terrains communaux ou des parkings privés de commerces avoisinants. Des stationnements parfois sauvages qui peuvent causer des problèmes de mobilité. D’autres se rabattent sur des gares moins bien desservies, mais dont le parking est gratuit, quitte à rallonger leur temps de parcours et à perdre en qualité de vie.

Pour Gianni Tabbone, le porte-parole de l’ASBL navetteurs.be, interrogé dans La Libre : « l’argument de la SNCB est de dire que des non-navetteurs profitent du parking (NLDR: de Landen), et ce au détriment des usagers réguliers du rail. Mais ceux qui connaissent la réalité ont été surpris, car ce parking est saturé par les navetteurs donc ce n’est peut-être pas la véritable excuse. »

Le président de l’association des usagers du rail considère que l’unique but de la compagnie ferroviaire dans ce dossier est de faire de l’argent. « Les parkings sont un business lucratif pour la SNCB. C’est devenu très cher pour le navetteur et les abonnements augmentent alors qu’il paye déjà beaucoup pour un service de transport dont la qualité s’est dégradée ces derniers mois. »

Une enquête de satisfaction publiée en novembre dernier auprès de 4 400 voyageurs montre en effet que seuls 61 % d’entre eux sont satisfaits de la SNCB, leur principal grief étant le manque de ponctualité des trains, mais aussi le prix du billet jugé trop cher ou encore le manque d’informations dans les gares, dans les trains et en ligne. Pour Gianni Tabbone, l’entreprise ferroviaire devrait avant tout penser à récompenser les usagers, qui sont par ailleurs de plus en plus nombreux d’année en année. « On enregistre une hausse de 3% des usagers de train en un an« , estime la porte-parole de la société des Chemins de fers belge.

La SNCB veut promouvoir l'intermodalité.
La SNCB veut promouvoir l’intermodalité. © BELGA

Promouvoir l’intermodalité

Manu Douette le bourgmestre de la ville d’Hannut, qui compte de nombreux habitants se rendant à la gare de Landen pour leur trajet quotidien regrette la stratégie de la SNCB dans les journaux de Sudpresse. «  On fait des efforts pour augmenter la mobilité douce, le covoiturage et les transports en commun, et voilà qu’on vient mettre un parking payant« . À ses yeux, cette décision risque de freiner et démotiver les navetteurs. « Je me pose la question de l’impact de la mesure sur la fréquentation des transports en commun. On peut imaginer que les navetteurs accèdent gratuitement à une partie du parking, et les commerçants à une autre« , commente le responsable communal. D’autres pistes avancées sont selon lui, l’amélioration de la ligne de bus qui relie Hannut à Landen et le co-voiturage au départ de la ville hesbignonne.

Car le but affiché de la SNCB est bien de promouvoir l’intermodalité, en permettant aux voyageurs de passer facilement d’un mode de transport à un autre, en l’occurrence ici, de la voiture au train, mais aussi en encourageant l’usage du bus pour se rendre à la gare. « Le prix d’un ticket de bus revient en effet plus ou moins au même prix que la tarif à la journée d’un emplacement de parking« , estime Elisa Roux.

Face à l’urgence climatique, cet objectif est poursuivi également par les politiques, dont Ecolo, qui a rappelé la semaine dernière son souhait de construire la mobilité du 21e siècle autour de l’axe que constituent les transports en commun. « Cette mobilité favorisera les offres tarifaires intégrées et la multimodalité, les nouvelles technologies et les modes de déplacement partagés », ambitionne le parti. Selon Ecolo, à ce stade, les pouvoirs publics ne consacrent pas suffisamment de moyens et d’attention à la qualité du service offert par la SNCB et le TEC. Pour Ecolo, utiliser les transports en commun s’apparente en effet parfois « au parcours du combattant ».

Cependant, si la plupart grognent devant ces nouvelles dépenses, tous les navetteurs ne ressentent pas de la frustration face à cette nouvelle politique payante de stationnement. L’un d’eux se réjouit d’ailleurs de ne plus devoir tourner pendant de précieuses minutes sur le parking au risque de rater son train. « C’est plutôt un soulagement et un réel confort que d’avoir une place réservée le matin quand le timing est serré. » Et la porte-parole de la SNCB de rappeler que « tout comme l’abonnement de train, ces frais de parking sont déductibles fiscalement et/ou remboursables par l’employeur. »

Différents tarifs pour différents profils de voyageurs

La SNCB distingue différents profils d’utilisateurs payants. Le navetteur quotidien avec un abonnement à l’année bénéficie des meilleurs tarifs (en moyenne 1,60 euro par jour) et d’une place de parking garantie. Le voyageur occasionnel peut acquérir une carte de 10 accès aux parkings à prix réduit. Le parking à la journée étant l’option la plus onéreuse. La note peut grimper à plus de 10 euros par jour en utilisation unique à Liège-Guillemins. « Ce prix plus élevé s’explique par le fait que le parking est couvert et sécurisé et nécessite plus d’investissements pour ses infrastructures et son entretien« , explique la porte-parole de la SNCB. Autre donnée qui entre aussi en jeu dans la politique tarifaire : un parking qui se situe plus près des quais sera plus cher. « Les tarifs pratiqués pour les personnes qui n’utilisent pas le train sont fixés, quant à eux, en fonction du marché local, et donc des prix moyens pratiqués par les autres sociétés de parkings des environs« , avance la porte-parole de la SNCB.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire