Luc Delfosse

Comment Charles Michel est devenu le meilleur allié de Paul Magnette

Luc Delfosse Auteur, journaliste

L’énormité quasi coluchienne des attaques de Charles Michel à l’encontre des « idées bolchéviques » de Paul Magnette, induit l’effet inverse de la manoeuvre escomptée.

Les universités d’été des partis politiques francophones ne sont plus ce qu’elles étaient. Ou à tout le moins ce qu’elles promettaient d’être quand ces parties de campagne, sous les derniers rayons de l’été, tenaient lieu au fond de congrès de rentrée. Le concept était ravigotant et promettait à la fois de resserrer les rangs des militants autour des fondamentaux idéologiques, de baliser l’année et de donner la parole à la base au cours de débats passionnés souvent induits par des invités prestigieux et/ou iconoclastes.

Aujourd’hui, la plupart de ces raouts d’août et septembre ont heureusement changé et d’appellation. Et malheureusement de contenu. Sous la tente, on n’attend plus que l’ultime tribun, le guide suprême, le président élu ou désigné venu galvaniser quelques centaines d’obligés et de clients en lançant imprécations et anathèmes à destination de l’adversaire politique.

Cette année, à huit petits mois de scrutins aux enjeux colossaux, le cru a été particulièrement épique. Singulièrement aux « Estivales » du MR où l’on entendu dimanche Charles Michel dénoncer pratiquement dans un même souffle la berlusconisation et la bolchévisation du PS, ce qui ferait de cet allié du parti libéral au gouvernement fédéral une formation « gaucho-affairiste », une espèce de « mafia soviétique » à la Brejnev. Une sorte de monstre à deux têtes : l’une tétant un cigare de ploutocrate, l’autre serrant entre les dents un couteau sanguinolant de boucher.

C’est à la fois grossier, formidablement drôle et d’une efficacité très relative, voire carrément contreproductive.

Reprenons : efficace assurément pour les esprits simples, les convaincus, les bouffeurs de « rouges » patentés. Ceux-là ont battu des mains et bu du petit lait. Efficace… peut-être, par ricochet pour continuer à s’interroger sur la nature exacte de Tecteo, la « pieuvre intercommunale » (continuons dans les mots énormes) qui vient de se payer L’Avenir avant de s’acheter le groupe IPM. Encore que, pour le coup, on pourrait utilement rappeler que l’organe de direction de ladite « pieuvre » compte deux réformateurs pour trois socialistes et un CDH.

Efficace, par contre, pour amener quelques centaines de sociaux démocrates flottants à voter MR en mai prochain ? On en doute lourdement sauf à croire que Charles Michel déviera subitement de la stratégie droitière qu’il semble avoir définitivement adoptée après la rupture avec le FDF, abandonnant pour de bon la ligne libérale-sociale de son père. Lequel Louis, fin des années nonante, rêvait tout de même de recomposer tout le paysage politique francophone autour de cet axe doctrinal.

Mais à la vérité, l’énormité quasi coluchienne des attaques de Charles Michel à l’encontre des « idées bolchéviques » du président désigné du PS, induit l’effet inverse de la manoeuvre escomptée. Voila des mois en effet que Paul Magnette, de plus en plus aiguillonné sur sa gauche notamment par les bons scores du PTB dans les sondages, s’époumone sur tous les fronts pour tenter d’accréditer l’idée que le Parti socialiste incarne à lui seul la gauche forte, la gauche efficace, la gauche de combat, la gauche syndicale.

Et voila donc comment le président du MR en conspuant si haut et si fort son adversaire puis en exhortant Anne Demelenne, la patronne de la FGTB à « sortir de ce corps », s’est fait l’allié objectif de son collègue du Boulevard de l’Empereur. Il y a donc gros à parier que les membres du « présidium » du PS, dans les profondeurs ouatées des salons, aient sabré le champagne ce lundi matin à la santé du « camarade » Michel, zélateur malgré lui.

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