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Collectif Wallonie Horeca: « On nous bâillonne alors qu’on crie au secours »

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Valérie Migliore est la porte-parole du  » Collectif Wallonie Horeca  » qui regroupe 3.000 restaurateurs répartis dans plus d’une trentaine de villes wallonnes. Elle évoque la révolte qui gronde dans le secteur.

Cette Belgique qui bouillonne

Le Comité de concertation a opté pour la prudence et l’impatience grandit face aux mesures sanitaires. Le Vif donne la parole aux différents acteurs concernés, alors que certains représentants de la culture, l’horeca et l’événementiel menaçaient de reprendre avant l’heure, le 1er mai, et que l’adhésion des citoyens aux règles diminue. La désobéissance civile sera-t-elle évitée? Comment cette situation sera-t-elle gérée? Nous vous proposons, tout au long de la semaine, plusieurs regards sur ce moment délicat.

Pourquoi vouliez-vous, coûte que coûte, ouvrir le 1er mai au lieu du 8 ?

On nous demande de sacrifier notre dignité. Le 1er mai est plus qu’un symbole, nous voulions défendre notre droit constitutionnel d’entreprendre qui est bafoué depuis trop longtemps. Le gouvernement ne nous entend pas. C’est le pot de fer contre le pot de terre. On nous avait promis de ne pas être fermés un jour de trop. On ne peut pas changer les règles comme ça en cours de route. On se sent ignorés, complètement insignifiants pour les autorités du pays. C’est terrible ce sentiment d’abandon.

Finalement, vous n’ouvrirez pas le 1er mai. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

On nous demande de choisir entre nourrir notre famille et exprimer notre colère. Pour de nombreux membres du collectif, le choix est malheureusement vite fait. Ils ne pourront pas se permettre de perdre les aides de la Région, ou de devoir payer des amendes. Le jeu n’en vaut plus la chandelle. C’est vraiment de l’acharnement de nous sanctionner de la sorte. La menace du ministre de la Santé (NDLR : amendes, suspension du droit passerelle en cas de réouverture le 1er mai) est très dure à accepter. Le bâton est énorme. Au lieu de nous écouter, on nous bâillonne alors qu’on crie au secours, c’est encore plus injuste et révoltant. Je ne pense pas que ce chantage soit la bonne réponse à donner à notre secteur, cela ne fait qu’attiser encore plus notre colère.

« Quelles sont les limites de l’acceptable quand on vous demande de perdre tout ce que vous avez ? »

D’un autre côté, notre but est en partie atteint, nous avons obtenu la TVA à 6%, de nouvelles mesures de soutien, de l’aide de la ville de Liège notamment pour du matériel « covid safe », et la date de réouverture des terrasses du 8 mai est acquise. Ce n’est pas une défaite, nous battons en retraite mais le combat continue. Pour le 1er mai, nous avons jugé préférable de calmer les ardeurs, de faire preuve de bon sens. Nous ne voulons pas être responsables d’une désobéissance civile massive et être dépassés par l’ampleur d’actions concrètes ou plus symboliques.

Collectif Wallonie Horeca:
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Vous vous sentez « méprisés » par les autorités…

Chaque Codeco nous poignarde un peu plus dans le coeur. On nous manque totalement de considération, sans que les sacrifices que nous faisons ne soient jugés à leur juste valeur. On n’a pas signé pour être ruinés et pour que cette crise décime toute une partie du secteur. Le personnel n’a pas signé pour ne percevoir que 70% de son salaire depuis des mois. On ne peut pas laisser mourir dans l’indifférence 60.000 entreprises et tous ceux qui en dépendent.

Concernant les aides au secteur, vous fustigez aussi des disparités importantes entre les Régions

Depuis 10 mois, on crie haut et fort que les fermetures ne sont pas tenables, car c’est un rouleau compresseur qui s’abat sur nous. Les indemnisations sont discriminatoires entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles. En Flandre, les indemnisations sont de l’ordre de 15% du chiffre d’affaires pour pouvoir honorer les frais fixes. En Wallonie, c’est au petit bonheur la chance. Et quand on veut bien nous en donner, elles sont largement insuffisantes en matière de charges fixes. Chaque mois, on s’endette de plus en plus sans faire de chiffres d’affaires pour apurer nos dettes. On est en train de perdre non seulement nos établissements, mais on doit, en plus, puiser dans nos fonds propres, dans nos biens personnels. Certains ont déjà perdu leur maison. Quelles sont les limites de l’acceptable quand on vous demande de perdre tout ce que vous avez ? La situation est très grave.

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