. © Getty

Code vestimentaire : les jeunes filles plus souvent rappelées à l’ordre que les garçons?

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Depuis quelques années, la prescription d’un code vestimentaire dans les écoles secondaires fait régulièrement débat, y compris parmi les politiques. Elle soulève en effet de nombreuses questions d’identité et de genre chez un public adolescent, encore en pleine recherche.

Sur les réseaux sociaux, les témoignages de jeunes renvoyés chez eux parce qu’ils portaient une tenue non conforme au règlement d’ordre d’intérieur de leur établissement scolaire, abondent. Le Ligueur rapporte ainsi le témoignage de Célia, maman d’Elza, une jeune fille de 12 ans sommée de rentrer chez elle pour se changer parce que ses collants n’étaient pas assez opaques. « Elza est une jeune fille assez pudique. Elle se cache derrière un gros sweat qu’elle portait ce matin. Elle portait un short et des collants noirs », explique Célia. Lorsqu’elle appelle l’éducatrice qui a renvoyé sa fille chez elle, celle-ci lui répond « on voit ses genoux ».

Sexualisation du corps des petites filles

« De quel droit empêche-t-on une jeune fille de 12 ans de se rendre à son cours de latin parce qu’on voit ses genoux ? », se demande Célia. Pour la mère d’Elza, une telle injonction adressée à une enfant de douze ans revient à sexualiser le corps des petites filles, car, même si les garçons sont concernés, certaines écoles interdisant par exemple les jupes aux élèves masculins, les injonctions vestimentaires s’adressent surtout aux jeunes filles.

Le renvoi d’Elza est loin d’être un cas isolé. Il y a quelques jours, à Etterbeek, la police a constaté l’apparition de tags et d’affiches sur la façade de l’école. Les inscriptions visaient le règlement d’ordre intérieur. Selon la porte-parole de Wallonie-Bruxelles Enseignement, interrogée par la RTBF, « une mise au point avait été faite auprès de certains élèves concernant leur tenue vestimentaire« . D’après un témoin anonyme, l’école avait fait un tri à l’entrée entre les élèves qui respectent le code vestimentaire repris dans le règlement d’ordre intérieur, et ceux qui ne le respectent pas.

Non-discrimination

Du côté de la ministre de l’Éducation Caroline Désir (PS), on rappelle que les règlements d’ordre intérieur « relèvent des prérogatives du pouvoir organisateur, car ils encadrent la vie quotidienne dans les écoles et dépendent donc de leurs réalités spécifiques ». La ministre souligne toutefois que ces règlements « doivent respecter des principes de droit, notamment en matière de non-discrimination ». Elle prône « le modèle d’une école inclusive et égalitaire, qui n’est pas compatible avec une règle qui conduirait à écarter une jeune fille dont la tenue est jugée provocante sur base de stéréotypes sexistes alors que des garçons pourraient, par exemple, venir en short à l’école ».

Le cabinet de la ministre a pris contact avec les écoles où sont survenus des incidents afin de « mieux comprendre la situation et le cas échéant pour entamer un dialogue. Car derrière les règlements d’ordre intérieur, ce sont souvent les interprétations humaines qui sont très difficiles à réaliser tant pour les directions que pour les élèves, et qui peuvent se régler dans l’écoute mutuelle », estime Caroline Désir.

Code vestimentaire : les jeunes filles plus souvent rappelées à l'ordre que les garçons?
© belgaimage

« Les injonctions sur les façons de s’habiller sont faites majoritairement aux filles. C’est une question de décolleté souvent, alors que souvent, la forme du t-shirt d’un garçon ne posera pas de problème. Il s’agit aussi de la longueur des jupes, des épaules dénudées ou non », constate Margaux De Ré, députée bruxelloise Ecolo, sur les ondes de LN24.

Pour la secrétaire d’État à l’Égalité des genres Sarah Schlitz (Ecolo), « les règlements qui font une différence entre la tenue des garçons et des filles renforcent la binarité et la pression à une période où les élèves sont en recherche, découvrent leurs corps et changent énormément. La question de la tenue vestimentaire doit être traitée avec empathie et délicatesse ».

Stipuler par exemple dans les règlements d’ordre intérieur que les filles n’ont pas le droit de porter de minijupe pour éviter de distraire les garçons ou qu’une épaule de femme dénudée pourrait être une provocation, c’est faire référence à un univers où le corps des femmes est un objet de désir, estime Margaux De Ré.

Margaux De Ré
Margaux De Ré© Belga

Impliquer les élèves

Pour De Ré, la solution n’est pas de légiférer, mais d’établir les règlements avec les élèves afin de créer une adhésion « mais aussi de leur permettre d’évoluer avec la société. La vision de ma grand-mère d’une tenue adaptée à l’école n’est pas la mienne, qui ne sera sans doute pas celle de ma fille. Faire entrer les élèves de la discussion, c’est ouvrir la vision au monde des jeunes et à ses codes. »

En Flandre, plusieurs incidents similaires ont également relancé le débat. À Rotselaar, une jeune fille 14 ans s’est insurgée contre une lettre de son directeur proscrivant les jupes très courtes et les ventres nus. « Je trouvais qu’il avait adressé cet e-mail aux filles et non aux garçons. L’e-mail concernait clairement les vêtements des filles, pas ceux des garçons », expliquait-elle sur les ondes de Radio 2.

« Les garçons non plus ne sont pas toujours vêtus de manière appropriée. Généralement, on peut voir leur slip qui dépasse de leur pantalon. Ce n’est pas très ‘décent’ non plus. Si les garçons ouvraient un bouton supplémentaire de leur chemise, il n’y aurait pas de problème non plus », a-t-elle rétorqué au directeur.

À l’institut Saint-Pierre à Gand, les élèves souhaitent également adapter le règlement d’ordre d’intérieur. Les jupes trop courtes y sont proscrites, et les garçons qui portent des boucles d’oreille, du vernis à ongles, et du maquillage écopent d’une mise en garde, rapporte la VRT.

« Une école n’est pas un bar de plage »

Le ministre de l’Enseignement flamand Ben Weyts (N-VA) approuve les codes vestimentaires édictés par les écoles. « C’est bien de tracer des limites. Une école est un lieu d’apprentissage, pas un lieu de loisirs. Une école n’est pas un bar de plage », déclare-t-il. Il estime cependant que c’est aux écoles à trancher. Il n’a pas l’intention d’émettre des règles sur « le port de piercings, casquettes, pantoufles, ou de bretelles spaghetti. »

Espagne : un élève expulsé pour avoir porté une jupe

La Belgique n’est pas le seul pays où le débat sur les codes vestimentaires fait rage. À Valladolid, en Espagne, plusieurs enseignants et élèves masculins ont décidé de porter une jupe pour soutenir un élève renvoyé pour avoir porté ce vêtement.

Lire aussi: Bien dégagée derrière les oreilles

Le 27 octobre 2020, Mikel Gómez, un adolescent de quinze ans, a en effet été expulsé et contraint de consulter un psychologue pour être venu en jupe en classe. Dans une vidéo Tiktok, il explique que porter une jupe ne signifie pas nécessairement que l’on soit homosexuel, mais qu’il souhaitait soutenir les féministes et les personnes transgenres.

@mikelgmz

No me daba tiempo a contarlo todo☠️#parati

♬ original sound – Mikel Gómez
L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

À Pontevedra, les élèves et enseignants, homme et femmes, d’une école secondaire ont décidé de venir à l’école en jupe tous les 4 du mois en soutien à Mikel Gómez.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire