Chodiev-De Decker : nos révélations sur un dossier troublant

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Le Belgo-Kazakh Pathok Chodiev a payé 23 millions d’euros en juin 2011 à l’Etat belge pour être délivré de ses ennuis judiciaires. Il a été le premier et principal bénéficiaire (avec les diamantaires anversois) de la nouvelle transaction pénale étendue aux délits et crimes financiers. Le processus parlementaire de la loi adoptée en mars 2011 a-t-il été accéléré pour le milliardaire kazakh ? Le Vif/L’Express et De Standaard ont mené l’enquête ensemble.

C’est un article du Canard Enchaîné qui avait mis le feu aux poudres en octobre dernier. L’hebdo français révélait un rapport secret écrit à Claude Guéant par Etienne des Rosaies, conseiller de l’ombre à l’Elysée. Dans cette note, ce dernier pointait le « soutien déterminant » d’Armand De Decker qui aurait permis à Chodiev de bénéficier à heure et à temps de la transaction pénale et d’éviter un procès public dont le Kazakh ne voulait pas entendre parler. Pour la France, ce dénouement était, selon la note, impératif, car le président Nazerbaïev aurait conditionné certains marchés avec Paris à cette issue favorable pour son ami Pathok.
Avocat du milliardaire, De Decker a-t-il usé de son influence d’homme politique pour forcer l’adoption de la loi clé ? Chodiev a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, le 18 février 2011. La loi a été votée le 31 mars au Sénat, avec une urgence suspecte qu’on a officiellement attribuée au compromis avec le vote conjoint de la levée du secret bancaire. La transaction pénale était signée le 17 juin…

Au-delà de cette concomitance des faits, on peut se demander quel était le rôle d’Armand De Decker dans le dossier Chodiev. Pourquoi l’a-t-on engagé lui qui venait tout juste de reprendre son bureau d’avocat après avoir quitté la présidence du Sénat ? Curieusement, son nom ne se retrouve sur aucun courrier collectif adressé aux avocats de Chodiev, pas même celui de la Chambre du Conseil qui signifie le renvoi de l’inculpé devant un tribunal du fond. C’est lui qui a suggéré la solution de la transaction pénale, mais il ne s’est retrouvé qu’une seule fois dans le bureau de l’avocat général chargé de négocier l’accord pour la Justice. Pourquoi une telle discrétion ?

En outre, peu avant les premières discussions avec le parquet général, Etienne des Rosaies est venu à Bruxelles avec l’avocate principale de Chodiev, la Française Catherine Degoul, pour évoquer le dossier kazakh. De Decker l’a rencontré, il ne le nie pas. « Ce n’est qu’à ce moment que j’ai compris qu’il y avait un intérêt français dans l’histoire », assure-t-il.

Toutefois, le bourgmestre d’Uccle se défend en prétendant que la note de des Rosaies est un faux. Il dit avoir téléphoné en octobre dernier à l’intéressé qui lui aurait juré qu’il ne s’agissait pas de sa signature au bas du document. Invérifiable. Etienne des Rosaies fait le mort pour tout le monde depuis lors. Mais, si c’est un faux, quel était l’objectif du faussaire ? « C’était pour me nuire, selon Armand De Decker. En septembre, après les fuites sur la demande de naturalisation de Bernard Arnault qui s’est domicilié dans ma commune, toutes les télés françaises ont débarqué dans mon bureau. J’ai tenu des propos libéraux du genre « trop d’impôt tue l’impôt ». Je suppose que, du côté de François Hollande, on a dû se dire :  »Qui c’est cet emmerdeur ? » »

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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