Nicolas De Decker

Charleroi, une certaine idée du socialisme

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Il y a des choses complexes que la vulgarisation ne rend pas simples, mais vulgaires, et il y a des phénomènes vulgaires que la complication rend beaux.

L’Union socialiste communale de Charleroi relève du premier ordre, la prochaine élection à sa présidence du second. Car dans la presse nationale, l’USC de Charleroi est à la lutte des classes ce que sur Fox News Molenbeek est au choc des civilisations : une caricature qui en dit en fait davantage sur les caricaturistes que sur les caricaturés.

A Charleroi, le moteur dialectique de l’histoire, cette querelle des anciens socialistes et des socialistes modernes opposerait depuis dix ans de courageux jeunes idéalistes, fringants et désintéressés, ceux de Paul Magnette, à des anciens, ceux de Jean-Claude Van Cauwenberghe, bilieux, gibbeux, véreux, goutteux, accrochés à leur propriété des moyens de production : leur Ville, leurs intercommunales, leur parti, leurs sections.

L’élection à la présidence de l’USC, du coup, les 11 et 12 mars prochain, ne pourrait être qu’une péripétie de ce combat téléologique, avec un camp contre l’autre, Van Cauwenberghe, qui s’est ensuite dédit pour un pion -Isabelle Minsier, contre Magnette qui en poussait un autre -Thomas Parmentier.

Ca a l’air simple.

Ce n’est que vulgaire.

Comme Molenbeek sur Fox News.

Car ça ne se passe pas comme ça.

D’abord parce que :

Isabelle Minsier s’est déclarée officiellement parce qu’elle était certaine de perdre en ne le faisant pas et dès lors ne peut plus se dédire. Elle est encore jeune aussi mais à peu près autant que Paul Magnette et moins que Thomas Parmentier, et ne le sera plus si longtemps.

Elle est la candidate de Jean-Claude Van Cauwenberghe qui était ministre-président wallon et bourgmestre mais qui n’est plus jeune, plus du tout, et qui, quand il était moins vieux et qu’Isabelle Miniser était plus jeune, avait juré de ne pas la laisser vieillir dans le parti. Ils se haïssaient parce que la jeune ne voulait plus du vieux. Ils ne se haïssent plus parce que l’à peu près autant jeune qu’elle ne les aime pas.

Elle travaille depuis longtemps pour Hicham Imane, député wallon. Celui qui se déguise en coq pour les Fêtes de Wallonie ou en Arabe pour les élections, et qui se fait filmer en sautant dans des tranchées qu’il fait creuser pour éloigner des gitans des terrains de sa société de logements sociaux, La Sambrienne.

Thomas Parmentier ne s’est pas encore officiellement déclaré parce qu’il ne le fera que quand il sera certain de gagner sinon il se dédira.

Il est le candidat de Paul Magnette, qui est ministre-président wallon et bourgmestre de Charleroi mais qui est jeune aussi mais moins que Thomas Parmentier. Lui est jeune mais son papa, ancien échevin encore ami de quelques anciens, l’est moins.

Il travaille pour Yves Lardinois, député provincial. Celui qui défile aux manifestations de locataires qu’organise le PTB contre le président de la société de logements sociaux de Charleroi, La Sambrienne.

Ensuite parce que :

Paul Magnette a réussi à convaincre Jean-Claude Van Cauwenberghe de se désister : il avait le rapport de force pour lui.

Mais Paul Magnette, au fond, se fiche de la présidence de l’Union socialiste communale de Charleroi. Il fait 25.000 voix de préférence aux communales, 50.000 aux régionales, et tous les prime-time qu’il veut à la télévision. Il ni le besoin ni l’envie ni le goût de s’emmerder dans ces comices d’arrière-salle de bistrot du coron. Ce qu’il veut, c’est qu’on n’en parle pas à la télévision. La candidature de Jean-Claude Van Cauwenberghe a fait parler de l’Union socialiste communale de Charleroi à la télévision. Paul Magnette l’a fait retirer. On n’en parle plus à la télévision.

Donc Paul Magnette se remet à s’en foutre.

Enfin parce que, conséquemment :

Ceux qui se rangeaient derrière Thomas Parmentier, donc derrière Paul Magnette, parce que Paul Magnette est le plus fort et qu’il vaut mieux être derrière le plus fort que face à lui, ont compris que Paul Magnette se remettait à s’en foutre. Ce sont surtout ceux de Gilly, la plus populeuse des sections locales carolorégiennes, mais pas seulement.

Or ceux-là ne veulent pas tous tellement, au fond, de Thomas Parmentier, qu’ils ne sont pas certains du tout de pouvoir contrôler, et pas du tout d’Isabelle Minsier, qu’ils sont absolument certains de ne pas pouvoir contrôler.

Et comme ils ne sont pas absolument certains de la victoire du premier et de la reddition de la seconde, ils en poussent une troisième, une femme pourvue d’une plus profonde assise locale que le premier, de moins d’inimitiés que la deuxième, et d’un patronyme de poétesse du PS : Mauricette Carême, 58 ans, de Dampremy. Et elle, elle ne se déclarera officiellement que si elle se déclare officiellement, vous voyez ?

Donc, bien plus que ce qu’on dit à la télévision, c’est compliqué.

Mais pour rien.

Parce que la présidence de l’Union socialiste de Charleroi, elle n’a aucune importance.

Elle ne sert à rien.

Elle n’est pas rémunérée. Elle est dominée par un organe collectif, l’exécutif, qui lui-même ne contrôle plus un appareil militant qui n’en est plus un. Il ne reste plus grand-chose des 3000 adhérents affichés il y a quelques années. D’ailleurs la présidence se gagnera avec deux ou trois cents voix.

Mais il y a plusieurs candidats.

Donc, c’est le bordel.

Et ça, soyons vulgaires, c’est beau.

Surtout si on en reparle à la télévision.

Peut-être n’y en aura-t-il alors plus plusieurs.

Et tout redeviendra simple.

Et on pourra recommencer à écouter parler de Molenbeek sur Fox News.

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