Hendrik Vuye et Veerle Wouters

« Ceux qui ne veulent pas payer d’impôts du tout n’ont pas à vivre ici »

Hendrik Vuye et Veerle Wouters Députés indépendants

Les Panama Papers éveillent un sentiment d’impuissance. Malgré tous les efforts, on continue à trouver des échappatoires fiscales. En plus, on apprend qu’elles passent par Dexia, une banque sauvée à deux reprises par l’argent du contribuable. Et une banque où des politiques de tous les partis (Dehaene, Di Rupo, De Gucht, Van Rompuy, Janssens, …) ont fait la pluie et le beau temps. Et maintenant, on découvre qu’ils ne sont pas intervenus.

La situation tourne mal chez Dexia

Jean-Luc Dehaene devient président du Conseil d’administration en 2008. À cette époque déjà, la situation est déplorable. Dexia n’est plus une banque, mais un fonds spéculatif : on abuse de financements à court terme pour des contrats à long terme.

On entend partout que le plombier va sauver Dexia. C’est la fin d’un mythe. « Le plombier n’est pas superman » lit-on en une d’un quotidien à la fin de sa mission. Dehaene écrit lui-même dans ses mémoires qu’on n’aurait pas dû faire appel à un politique pour ce boulot. En 2011, Dexia est sauvée pour la seconde fois, avec comme conséquence la nationalisation de la banque.

À présent on apprend que Dexia permettait l’évasion ou la fraude massive d’impôts : des paradis fiscaux sponsorisés par le contribuable. Une banque qui doit être sauvée à coup d’argent du contribuable suite à une mauvaise gestion escroque l’état. Yves Leterme a dit un jour qu’on gagnerait de l’argent grâce à Dexia. Manifestement, certains ont gagné trop d’argent. C’est inacceptable et nous devons fermer les échappatoires.

Les Panama Papers sont le 11 septembre de la crédibilité fiscale de l’état belge. Plus que jamais, les citoyens ont l’impression que les impôts ne sont pas justes. Ce sentiment est justifié. Plus encore, ce n’est pas un sentiment, c’est la dure réalité. Cette dure réalité ne nous donne pas seulement un sentiment d’impuissance, elle nous rend combatifs aussi. Maintenant, ça suffit !

La morsure du Caïman

La taxe Caïman est une arme importante dans la lutte contre ceux qui se cachent dans les paradis fiscaux. Et il y a beaucoup de clandestins fiscaux. D’après une estimation de la Banque Nationale, il y a 57 milliards d’euros d’actifs à l’étranger, sans compter les États-Unis, la Suisse et le Luxembourg.

La taxe Caïman impose les revenus qui évitent l’impôt par le biais de constructions fiscales légales. C’est une taxe juste. Désormais, ceux qui se cachent dans un paradis fiscal doivent également contribuer.

Cependant, il est plus important que la taxe Caïman fasse la distinction entre l’évasion et la fraude fiscale. Cette taxe implique en effet qu’on doit déclarer ses constructions fiscales à l’étranger. Ceux qui ne déclarent pas la construction et qui contournent la taxe Caïman fraudent. Et pour la fraude fiscale, on applique une tolérance zéro. Soyons clairs : la fraude est un délit. Point à la ligne.

Nous devrons faire preuve de créativité et ne pas nous laisser berner. On continuera à chercher et trouver des échappatoires fiscales. Aux Pays-Bas, le Secrétaire d’État F.H.H. Weekers (VVD) a évalué la version néerlandaise de la taxe Caïman en 2013. L’évaluation s’est avérée positive : le nombre de structures de dissimulation a diminué. Cependant, on apprend que certaines fortunes se sont cachées encore plus profondément.

Aussi la taxe Caïman doit-elle être un impôt évolutif, de préférence un impôt qu’on évalue et adapte chaque année. S’il y a de nouvelles échappatoires, on doit les fermer. Désormais, tout le monde doit passer par la porte d’entrée fiscale.

La citoyenneté vaut aussi pour la fiscalité

Cependant, il s’agit de bien plus que de la distinction entre évasion et fraude fiscale. Les Panama Papers mettent le doigt sur un problème social. Aujourd’hui, nous sommes sévères pour les nouveaux venus. Nous leur demandons même de signer une déclaration de primo-arrivants. Nous tenons à ce qu’ils respectent nos valeurs et normes fondamentales. À juste titre !

En revanche, sur le plan de la fiscalité, nous nous sommes souvent cachés derrière la distinction subtile entre fraude et évasion fiscale. Le premier est un délit, le deuxième un sport national. Le premier est inacceptable, le second est toléré par la société, justement parce que ce n’est pas un délit. Mais peut-on continuer à tolérer ça ?

Établissons une comparaison osée. Mettons qu’un primo-arrivant dans notre société refuse d’apprendre notre langue, de s’adapter, adhère ouvertement au salafisme et remet même les droits de l’homme en question. Nous ne l’accepterons pas. À juste titre ! Seulement, ce primo-arrivant ne fait rien d’autre qu’esquiver nos normes et nos valeurs. Lui non plus ne commet pas de délit. Et pourtant, nous n’accepterons jamais son attitude. Nous utilisons deux poids, deux mesures alors que la citoyenneté revêt aussi une dimension fiscale.

Solidarité et appartenance à une communauté.

Le système fiscal actuel entraîne une dislocation sociétale. Certains pratiquent l’évasion ou la fraude fiscale, d’autres sont écrasés par un impôt de plus de 50%. Il est clair qu’il faut baisser la pression fiscale. Il faut récompenser ceux qui travaillent. Personne ne veut payer trop d’impôts. Mais ceux qui travaillent doivent pouvoir compter sur le fait que tous les citoyens paient leurs impôts.

Les impôts justes favorisent la solidarité au sein de la communauté. Ils favorisent le sentiment d’appartenance à une communauté. Nous l’avons écrit bien avant qu’on parle de la route du Panama.

Ceux qui ne veulent pas payer d’impôts ici n’ont pas à vivre ici.

Influent à son époque, le philosophe louvaniste Albert Dondeyne (1901-1985) établissait un rapport entre solidarité et solidité sociétale. Il a raison. Ceux qui ne veulent pas payer d’impôts ici n’ont pas à vivre ici. Tout comme ceux qui rejettent nos normes et valeurs n’ont pas à vivre ici. On ne peut pas vivre dans une société et se placer en dehors. Retenons cette leçon des Panama Papers.

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