« C’est officiel: le célibataire est, à son corps défendant, un nouveau groupe cible »

Imaginez-vous cette situation fictive: un installateur internet qui vous demande combien d’enfants vous avez. Avec le chiffre que vous lui donnez, il calcule votre réduction mensuelle, car vous bénéficierez d’une réduction accordée non seulement sur votre consommation de datas, mais même pour le coût d’installation unique, pour chaque enfant. Ce serait évidemment totalement absurde.

Et pourtant, on sait depuis longtemps que les règles fiscales sont bourrées de ce genre d’absurdités. Dans le passé, les partis politiques ont décidé de concert de prendre la famille comme norme fiscale et depuis, le lange et le biberon à la main, ils ont joyeusement continué leur conclave. C’est pourquoi les célibataires sans enfants se retrouvent avec la pression fiscale la plus élevée du monde.

Majorité

Depuis peu, les responsables politiques ont l’air de comprendre qu’il y a pas mal de célibataires et que bientôt ils seront peut-être en majorité. Ils s’en prennent enfin un peu aux nombreuses discriminations dont ils font l’objet. Ces derniers mois, le célibataire a même été élevé au rang de nouveau groupe cible dont l’existence misérable doit être soutenue à l’aide d’action politique urgente.

Permettez-nous d’être sceptiques. Prenez les critiques du sp.a de la semaine dernière à propos du prix de l’eau par exemple. Celui-ci est le plus préjudiciable pour les personnes qui vivent sans partenaire, car tant pour votre consommation que pour le simple fait que vous disposiez d’un lavabo à écoulement, plus vous avez des enfants, moins vous payez. À juste titre, on a protesté contre cette mesure.

Cependant, il y a quelques mois, ce même sp.a ne plaignait pas les célibataires, mais les coparents dupes de la même facture d’eau. Les socialistes flamands proposaient alors d’attribuer deux domiciles aux enfants en coparentalité de sorte qu’ils puissent profiter doublement de la réduction pour enfants, une réduction qu’ils trouvent discriminatoire pour les célibataires. Tiens. Lors de leur journée, ils ont plaidé en faveur d’un tax shift, placé sous le signe, et si, des familles. Et toute la politique de gratuité, qui par bonheur disparaît progressivement, était bourrée de réductions pour enfants. Électricité gratuite, eau gratuite, tout était gratuit, mais encore un peu plus pour les parents.

Esprit de cloisonnement

Il semble donc qu’il s’agit surtout de servir un maximum de formes de cohabitation, un mal dont souffrent tous les partis politiques. Tantôt les familles, puis les célibataires et après ce sera le tour du trio polygame. Aussi y a-t-il fort à parier qu’il y ait bientôt l’une ou l’autre déduction fiscale, conçue spécialement pour les célibataires sans enfants, avant que l’on ne proclame la famille recomposée ou la coparentalité comme nouveau paria d’une fiscalité injuste.

Nous vivons dans un régime d’apartheid fiscal et tant qu’on continue à faire la distinction en fonction de la personne avec qui on vit, il est impossible de le renverser.

C’est justement cet éternel esprit de cloisonnement qui constitue le noeud du problème. Nous vivons dans un régime d’apartheid fiscal et tant qu’on continue à faire la distinction en fonction de la personne avec qui on vit, il est impossible de le renverser.

Même si l’accent actuel placé sur les célibataires part d’une bonne intention, il ne suffit pas. Il faut beaucoup plus. Il faut réécrire la réglementation existante. La distinction entre célibataire, marié, fiancé ou « c’est compliqué » doit disparaître. Pour ne citer qu’un exemple, cette année, les droits de succession ont fortement baissé et c’est une bonne chose. Mais il y a toujours une différence énorme entre ceux qui peuvent faire hériter leur famille et les autres. Nous sommes en 2016 et il n’y aucune raison de conserver ce système.

Tous les célibataires connaissent ces inquiétudes bien intentionnées de leur famille qui font surface les jours fériés : « toujours célibataire ? », généralement suivi d’un « comment ça se fait ? », parfois par un « il n’y a pas de mal à ça, évidemment ». Pour les responsables politiques, ce genre de questions doit être totalement sans importance. Il faut simplement une pression fiscale aussi faible que possible, détachée de tout groupe cible, un réflexe fiscal totalement neutre au niveau de la cohabitation.

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