Philippe Maystadt

C’est la faute à l’Allemagne !

Philippe Maystadt Ex-président de la BEI

Il est de bon ton, dans une partie de la gauche européenne, de dénoncer l’Allemagne comme responsable de tous les maux de la zone euro. Il est toujours plus facile de désigner un bouc émissaire que de reconnaître ses propres erreurs.

Par Philippe Maystadt

L’Allemagne « arrogante » impose sa volonté à ses partenaires. Il est vrai que l’Allemagne, première puissance économique, pèse d’un grand poids dans la gouvernance de la zone euro. Lorsque Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, s’adresse à ses collègues de l’Eurogroupe, on l’écoute avec une attention particulière. Quand Angela Merkel, la chancelière, exprime sa position au Conseil européen, personne ne prend ses propos à la légère. Et faut-il s’étonner que le gouvernement allemand ait tendance à considérer que sa politique économique est la meilleure et dès lors cède parfois à la tentation de faire la leçon à ses partenaires ? Il ne manque pas d’arguments : un chômage largement en dessous de la moyenne européenne, un surplus solide de la balance courante, des finances publiques saines, une augmentation du pouvoir d’achat de la population, un système social relativement performant.

Certes, tout n’est pas rose en Allemagne et il y a des poches de pauvreté et d’exploitation qui sont scandaleuses dans un pays aussi riche. A cet égard, l’opposition sociale-démocrate (SPD)a raison de réclamer l’instauration d’un salaire minimum qui s’imposerait dans tous les secteurs. Cette importante réserve mise à part, même si le SPD revient demain au pouvoir, il est peu vraisemblable que le prochain gouvernement change fondamentalement de politique économique. A Paris et ailleurs, on ferait mieux de ne pas entretenir d’illusion à ce sujet.

L’Allemagne pèse d’un poids important dans les délibérations européennes mais elle ne décide pas seule. Ainsi, le traité contenant le « pacte budgétaire » a été conclu avec l’accord de 25 Etats membres et l’examen des versions successives du projet de traité montre que les vues allemandes n’ont pas toujours prévalu. Par exemple, la « règle d’or » budgétaire inscrite dans le traité n’est pas celle que les Allemands avaient proposée ; la règle du traité est plus souple et tient mieux compte de l’évolution conjoncturelle. Ce n’est qu’un exemple : la liste des questions sur lesquelles l’Allemagne a dû faire marche arrière au cours des dernières années est étonnamment longue !

L’Allemagne « égoïste » refuse la solidarité avec ses partenaires. Rien n’est plus faux. L’Allemagne est le plus gros contributeur aux mécanismes de solidarité au sein de la zone euro. Aujourd’hui, avec la mise en place du MES, le mécanisme permanent créé par traité, la solidarité se traduit par la constitution d’un capital de 700 milliards ; l’Allemagne en apporte 190 milliards, soit 27 % (la France 20 % ; la Belgique 3,5 %).

Certes, le MES n’intervient pas à l’aveugle ; l’octroi de l’assistance est lié à la mise en oeuvre d’un programme d’ajustement. On peut critiquer certaines mesures imposées dans ce contexte mais ces mesures ne sont pas décidées par la seule Allemagne. Dans les faits, elles sont négociées entre le gouvernement du pays bénéficiaire et la « troïka » Commission-BCE-FMI, soit trois institutions dans lesquelles l’Allemagne est loin d’avoir une place prépondérante (1 commissaire sur 27 ; 1 membre du directoire de la BCE sur 6 ; 1 administrateur sur 24 au FMI).

Contrairement à ce que prétend une partie de la gauche, le problème de la zone euro aujourd’hui, ce n’est donc pas tant la force de l’Allemagne que la faiblesse de certains de ses partenaires, singulièrement de la France.

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