Michel Delwiche

Certificats verts : tous égaux ?

Michel Delwiche Journaliste

Pourrait-on imaginer une mutuelle à laquelle tout le monde serait obligé de cotiser mais qui ne profiterait qu’à une partie de la population? Qui ne rembourserait soins et médicaments qu’à moins de 5% des ménages (pas les plus pauvres)? Dont les bénéficiaires pourraient de surcroît cotiser moins que les autres? Et qui leur accorderait en outre une rente financière cadeau ?

Vraiment inimaginable ? C’est pourtant quelque chose dans le genre qu’était devenu le système d’octroi des certificats verts pour les panneaux photovoltaïques.

Tout le monde obligé de cotiser ? Oui, puisque le coût des certificats verts (CV) se retrouve sur la facture d’électricité. Ce n’est en effet pas la Région wallonne qui paie les CV, mais les fournisseurs, obligés d’en acheter pour satisfaire à l’obligation de fournir un quota d’électricité verte: 19,4% en 2013, puis 23,1% en 2014, et 39,9% en 2020. Depuis que le cours du CV a chuté (parce qu’il y en a trop sur le marché), c’est Elia, le transporteur d’électricité, qui est obligé de les racheter au taux plancher de 65€, et qui répercute sur la facture des Wallons. Soit, pour une consommation moyenne (3,5 MWh), de l’ordre de 5€ en janvier 2012, de 25€ en octobre, de 58€ en janvier 2013, et ce serait parti pour 89€ (le dossier est en cours).

Pour moins de 5% de bénéficiaires ? Oui, puisque, fin janvier dernier, 94.510 habitations étaient équipées de panneaux. La Wallonie comptant 1.970.443 logements (chiffres 2012 du SPF Finances), la proportion est donc de 4,8%.

Pas les plus pauvres ? Non, puisque, par définition ou presque, tous les locataires ne pouvaient pas bénéficier du système, et que la mise de départ était importante. Ce n’est qu’aujourd’hui que le gouvernement wallon annonce la mise en place d’un système de tiers-investisseur public (la Région avancera l’argent et sera remboursée par les bénéficiaires sur base des économies réalisées).

Qui cotisent moins ? Oui, et c’est tout le paradoxe : la note présentée aux Wallons par Elia n’est pas forfaitaire par branchement, mais est calculée selon la consommation. Le surcoût actuel est de 13,8€ par MWh. Le ménage qui en consomme 3,5 (soit 3.500 KWh, une moyenne pour 4 personnes, bien plus pour une famille nombreuse) est donc pénalisé de 48€, plus 21% de TVA, soit plus de 58€. Le ménage dont la consommation, grâce aux panneaux, est réduite à zéro ne paie donc pas de surcoût.

Avec une rente financière cadeau ? Oui, puisque l’octroi des certificats verts avait été au départ, en 2007, calculé sur base du coût d’une installation à l’époque fort chère. Depuis, les prix se sont écrasés, mais le photovoltaïque a continué à bénéficier de l’octroi de sept fois plus de CV que l’éolien ou la biomasse, de 14 fois plus que l’hydraulique. Une installation qui permet d’éviter la consommation moyenne de 3.500 KWh rapporte 1.700€ par an grâce à la seule vente des CV.

Personne ne va évidemment reprocher à quiconque d’avoir mis ses oeufs (c’est de saison) dans ce panier-là, les règles du jeu étant ce qu’elles étaient. Mais le contexte a changé. Le rendement de l’investissement, avec le nouveau système wallon Qualiwatt, correspondra à celui qui avait été annoncé au lancement de Solwatt, et sera quoi qu’il en soit supérieur à celui des livrets d’épargne, sans compter le bénéfice qui se marquera sur la facture.

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