Olivier Mouton

Ceci n’est pas une crise politique (malheureusement, si…)

Olivier Mouton Journaliste

Les attentats de Bruxelles auraient pu être évités ! C’est le terrible constat d’une situation surréaliste à la belge. Le gouvernement Michel n’a pas été à la hauteur. Et est fortement fragilisé.

Le surréalisme belge à la Magritte n’est pas mort. Malheureusement, il prend, en cette ère d’hyper-terrorisme global, des relents tragiques.

Donc, ces terribles attentats qui ont frappé Bruxelles mardi matin, brisant des dizaines et des dizaines de vies, auraient pu être évités. Il est certes toujours facile de tirer de telles leçons après coup, mais les faits sont quand même stupéfiants. Ibrahim El Bakraoui, le kamikaze de l’aéroport, a bénéficié d’une libération conditionnelle, mais n’en a pas respecté les conditions – ce qui a été signalé, sans suite. Il a même profité de cette libération conditionnelle pour fuir en Turquie et en Syrie avant que le régime d’Erdogan ne l’expulse en signalant la chose à la Belgique. Qui n’a pas toujours réagi !

Son frère, Khalid El Bakraoui, a lui aussi bénéficié d’une libération conditionnelle. Et n’a pas non plus respecté les conditions probatoires: il a revu d’anciens complices, sans qu’on ne le renvoie en prison.

Tous deux n’étaient certes pas fichés, mais des signes faisaient état de leur radicalisation à tous les deux. Tous les voyants étaient au rouge.

La population belge se réveille à peine du cauchemar de mardi matin qu’elle voit arriver devant ses yeux ébahis les affres d’une affaire Dutroux bis. Jan Jambon, ministre N-VA de l’Intérieur, et Koen Geens, ministre CD&V de la Justice, ont présenté leur démission dans la nuit de mercredi à jeudi. Ils reconnaissent que leurs services ont commis de lourdes fautes. On ne peut s’empêcher de penser à la démission conjointe de Johan Vande Lanotte (SP.A) et Stefaan De Clerck (CD&V), qui occupaient les mêmes fonctions, suite à l’évasion hallucinante de Marc Dutroux en 1998.

Cette fois, le Premier ministre, Charles Michel, a refusé le départ de Geens et Jambon, après une nuit de difficiles tractations impliquant leurs présidents de parti. Que ce soit clair: la situation sécuritaire du pays n’aurait pas été aussi préoccupante, les deux hommes auraient sauté, tout simplement. Leur responsabilité politique est écrasante, même s’il ne s’agit évidemment pas de fautes délibérées.

Voilà le gouvernement Michel fortement fragilisé, avec deux de ses principaux ténors susceptibles de sauter à tout moment

Car le feu des critiques va désormais se nourrir, avec des vents furieux venant de l’étranger. Ne dénoncions-nous pas le Belgium Bashing quand on nous qualifiait de « naïfs » ? Désormais, ceux qui nous critiquaient auront beau jeu de fustiger les Dupont et Dupond de nos services de sécurité, d’autant qu’une commission parlementaire exceptionnelle, ce vendredi, puis une commission d’enquête parlementaire vont déballer le linge sale. En des torrents d’amertume.

Le Premier ministre n’avait sans doute d’autre choix que de les laisser à leur poste. Car nous sommes désormais en guerre ouverte contre cette bande de terroristes qui a décidé de nous nuire. « Le niveau de menace est trop important pour abandonner le terrain et les troupes », clame le porte-parole du Seize. C’est vrai. Le chef de file libéral a certainement le sens de l’Etat, on ne lui retirera pas ça et il a le mérite de réclamer toute la clarté, de prôner la transparence. Mais ce faisant, il prend aussi un risque incommensurable. Lorsque les dysfonctionnements seront mis au jour, c’est tout le gouvernement, en ce compris le Premier, qui seront sur la sellette. Leur responsabilité politique sera totale.

Cette suédoise a, il est vrai, surmonté bien des épreuves depuis son arrivée. Suite au passé sulfureux des ministres N-VA, aux errements de ministres ou aux tensions internes, on a chaque fois évoqué sa démission du gouvernement ou le départ de l’un ou l’autre ministre, mais elle a tenu bon. Charles Michel en a même fait sa marque de fabrique: il tient, contre vents et marées, il se renforce dans l’adversité. Et il tiendra, probablement.

Dans ce pays saccagé par la haine de barbares, le gouvernement doit poursuivre la concrétisation des réformes initiées pour lutter contre les terroristes et envisager d’autres mesures suite à ce drame. Il devra enfin tenir compte des recommandations émises à l’issue de la commission d’enquête parlementaire. Même sur une jambe, il constitue à cet instant le seul recours montrant que la démocratie ne cède pas à la barbarie. Car quel signal serait-ce de perdre la tête sous le coup de boutoir des radicaux islamistes !

Dans ce pays surréaliste qu’est le nôtre, nous traversons pourtant une des périodes les plus difficiles de notre histoire avec un gouvernement ayant montré qu’il n’était pas à la hauteur de la tâche importantissime qu’on attend de lui.

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