Ce 23 mai, la Sabena aurait eu 100 ans: retour sur l’histoire d’un géant de l’aviation

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Il y a vingt ans, la Société anonyme belge d’exploitation de la navigation aérienne (Sabena), fleuron de l’industrie belge, faisait faillite. L’occasion de revenir sur l’histoire de celle qui fut l’une des plus anciennes compagnies aériennes du monde.

Symbole d’une certaine Belgique, pionnière de l’aviation civile pendant des décennies mais aussi ambassadrice de la Belgique à l’étranger, la Sabena aurait soufflé sa 100e bougie ce mardi 23 mai 2023 si la compagnie aérienne n’avait fait faillite en novembre 2001, causant alors la perte de quelque 7.300 emplois.

Officiellement, c’est la date du 23 mai 1923 qui marque la naissance de la Société anonyme belge d’exploitation de la navigation aérienne, mieux connue sous l’acronyme de Sabena. En réalité, la compagnie nationale, créée par l’État belge, pourrait avoir quatre ans de plus, si on l’associait à son ancêtre, le SNETA (Syndicat national pour l’Étude des Transports Aériens), fondé en 1919, au lendemain de la première guerre mondiale, « afin d’étudier les possibilités de développer le transport aérien en Belgique ».

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1919. Soutenu par le roi Albert Ier, l’aviateur belge Georges Nélis fonde le SNETA (Syndicat National pour l’Etude des Transports Aeriens), qui étudie le développement de l’aviation.

1er mai 1923. Le SNETA termine sa mission de recherche et quelques mois plus tard, en mai, la Sabena effectue le premier vol régulier officiel: un De Havilland DH-9, qui transporte uniquement du fret et du courrier, relie Bruxelles à Lympne, dans le comté anglais du Kent.

12 février 1925. Edmond Thieffry pose le premier avion de la Sabena à Léopoldville (l’actuelle Kinshasa) après un vol de 75 heures qui a duré pas moins de 51 jours. Une liaison régulière s’établit dix ans plus tard. Le réseau africain sera toujours un fer de lance important pour Sabena et aussi pour son successeur Brussels Airlines.

Edmond Thieffry
Edmond Thieffry© Wikicommons

1935. Création de la ligne Belgique-Congo. Les vols durent cinq jours.

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Le 10 décembre 1935. Premier accident majeur. Lors d’un vol Bruxelles-Londres, un Savoia-Marchetti S.73 s’écrase près de Tatsfield, en Angleterre, et fait 11 morts.

1939. La Sabena ajoute des appareils bi-moteurs, les DC3, à sa flotte.

1940-1945. La Seconde Guerre mondiale contraint la Sabena d’interrompre ses activités en Europe. La compagnie poursuit toutefois ses vols en Afrique.

1er janvier 1946. À l’instar des compagnies américaines, la Sabena engage sa première hôtesse de l’air. Le 24 février, Jeanne Bruyland prend ses fonctions sur le vol Bruxelles-Léopoldville. Malheureusement, elle décède la même année, lors du crash du vol Bruxelles-New York à Gander en Terre-Neuve. Le vol d’essai fait 27 morts. La famille du directeur de la Sabena de l’époque, Gilbert Périer se trouve également à bord. Il perd sa femme et l’une de ses filles.

Jeanne Bruyland
Jeanne Bruyland© Belga

1947. Création de la ligne Bruxelles-New York.

Années 1950. Mise en service d’hélicoptères qui desservent les villes principales de Belgique: Anvers, Liège, Bruxelles, Ostende, etc. Ensuite, ils desserviront également les pays voisins.

1953. Les hélicoptères de Sabena sont déployés pour venir en aide aux victimes du raz-de-marée en mer du Nord survenu la nuit du 31 janvier au 1er février 1953.

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1er août 1953. Inauguration de l’Héliport de Bruxelles-Allée-Verte

1958. La Sabena passe le cap de 10 000 employés et dessert 104 destinations, mais sa situation financière se détériore. Des années 1960 jusqu’à la fin, à quelques rares exceptions près, elle n’aura pas été en mesure de présenter des chiffres financiers positifs.

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30 juin 1960. Après l’indépendance du Congo, la Sabena rapatrie 35 000 compatriotes en 18 jours à peine, mais après le trafic en Afrique s’effondre. En 1961, la fondation d’Air Congo signe la fin du réseau congolais de la Sabena.

15 février 1961. La Sabena connaît le crash le plus meurtrier de son histoire : un Boeing 707 venant de New York s’écrase dans un champ près de Berg, dans le Brabant flamand. 75 personnes périssent dans l’accident, dont l’ensemble de la délégation de patinage artistique américaine, en route vers les championnats du monde de 1961 à Prague en Tchécoslovaquie.

Le crash de 1961.
Le crash de 1961.© Belga

1964. La Sabena franchit le cap du million de passagers.

1978. Carlos Van Rafelghem est nommé directeur de la compagnie. Il tente d’assainir les finances en réduisant les coûts et le personnel.

1980. Au début des années 1980, le déficit cumulé s’élève à près de 10 milliards de francs belges (environ 250 millions d’euros). Pendant toutes ces années, l’Etat doit intervenir régulièrement à coups de milliards de francs et les restructurations se succèdent.

1990. British Airways et KLM acquièrent chacune 20% du capital de la Sabena pour un prix de 2 milliards de francs. Mais l’aventure est de courte durée: sous la pression politique, les deux entreprises se retirent à la fin de l’année et la Sabena doit leur rembourser à chacune les 2 milliards de francs.

Avril 1992. Air France prend une participation de 37,5% dans la Sabena. En échange, les Belges reçoivent 6 milliards de francs d’argent frais. Ce mariage prend également rapidement fin, en 1994.

1993. Swissair prend une participation de 49,5% dans la compagnie nationale.

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2000. le gouvernement fédéral et SAirGroup (Swissair) concluent un accord en vertu duquel les Suisses détiendraient à terme 85% du capital de la Sabena.

2001. La Sabena se voit confrontée à une montagne de dettes de près de 100 milliards de francs et les résultats sont désastreux. Il est question d’une nouvelle restructuration lourde, couplée à une injection de capital par Swissair. Mais on n’en arrivera pas là. Les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis infligent des dommages encore plus importants au secteur de l’aviation, déjà fragile. Au début du mois d’octobre, Swissair fait faillite. La Sabena suivra.

7 novembre 2001. Le tribunal de Commerce de Bruxelles déclare la faillite du géant belge de l’aviation. Ce même jour, la Sabena opère son dernier vol entre Abidjan, Cotonou et Bruxelles. A ce jour, il s’agit toujours de la plus grande faillite de l’histoire de la Belgique.

Arrivée du dernier vol de la Sabena
Arrivée du dernier vol de la Sabena© Belga

Plus de vingt ans après la faillite, le curateur pour la Sabena Christian Van Buggenhout est toujours occupé par les suites de la faillite. Le nom Sabena n’a d’ailleurs pas complètement disparu du secteur du transport aérien. Ainsi, Sabena Technics existe toujours. L’ancienne division de maintenance des avions de la Sabena avait été rachetée par le groupe français TAT, dans la foulée de la faillite. Et les activités belges avaient ensuite été reprises par la direction locale en 2014 et transformées d’abord en Sabena Aerospace et ensuite, en Sabena Engineering.

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