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Caisse intelligente: face à la pression du personnel Horeca, le gouvernement prêt à faire un pas

Une délégation de Horeca Vlaanderen a rencontré, mardi, des représentants des quatre partis de gouvernement Open Vld, CD& V, N-VA et MR. « Tous les partis se sont montrés prêts à prendre des mesures supplémentaires pour compenser l’introduction du système de caisses intelligentes dans l’horeca », a indiqué Danny Van Assche, administrateur délégué de Horeca Vlaanderen.

« Ce n’est pas la première fois que nous avons un entretien avec l’organisation. Des mesures supplémentaires sont nécessaires pour le personnel fixe », dit-on au cabinet du secrétaire d’Etat à la Lutte contre la fraude sociale, Bart Tommelein. « A côté de la proposition du secrétaire d’Etat de travailler sur les heures flexibles dans l’horeca, nous avons entendu les représentants des organisations. Nous leur avons précisé que les mesures seront prêtes au 1er janvier 2016 lors de l’introduction de la caisse intelligente ».

« Nous comprenons les préoccupations du secteur. Nous travaillons à des solutions que nous transformerons en mesures d’accompagnement. C’est la priorité pour les prochains mois », a expliqué Elke Sleurs, secrétaire d’Etat à la Lutte contre la pauvreté qui collabore avec Bart Tommelein pour un plan d’accompagnement pour l’horeca.

« Le secteur m’a rappelé qu’il pouvait s’accorder sur l’introduction de la caisse intelligente le 1er janvier 2016 mais qu’il fallait des mesures d’accompagnement nécessaires », indique un communiqué du ministre de l’Economie et vice-Premier ministre Kris Peeters.

« Il est pourtant possible de donner un avenir à tous ces gens! »

Cette réaction fait suite aux rassemblements d’un peu plus de 1.000 entrepreneurs et travailleurs de l’horeca ce mardi place de la Monnaie à Bruxelles afin de demander au gouvernement qu’il prenne des mesures destinées à compenser l’introduction de la caisse intelligente. La baisse des charges sur le travail constitue la principale revendication du secteur. Des entrepreneurs et indépendants de tout le pays ont rallié le centre de Bruxelles mardi à l’appel des fédérations Horeca Bruxelles, Vlaanderen et Wallonie. Ils ont fait entendre leur voix contre la « boîte noire » de l’horeca: une caisse enregistreuse intelligente dont devront bientôt être équipés les quelque 50.000 établissements du pays.

« La caisse n’est pas le problème, c’est le climat dans lequel elle est introduite », estime Filip Vanheusden, président de Horeca Vlaanderen. La crise économique a durement touché le secteur depuis 2009, qui craint maintenant de voir 63.000 emplois s’évaporer en raison des contraintes qu’impliquera la caisse intelligente.

« Il est pourtant possible de donner un avenir à tous ces gens! », poursuit Yvan Roque, le président de Horeca Bruxelles. Afin de pérenniser l’emploi, les trois fédérations sectorielles demandent la baisse des charges sur le travail, l’abaissement de la TVA sur les boissons de 21 à 12% ainsi qu’un régime plus souple pour ce qui concerne les heures supplémentaires.

Sébastien, un jeune chef, a ouvert son restaurant, « L’Atelier 28 » à Lasne, il y a maintenant trois ans, dans un contexte déjà difficile. « La cuisine est ma passion et ma vie, mais j’ai déjà regretté de m’être lancé en tant qu’indépendant », avoue-t-il. « Nous sommes trois pour faire tourner un restaurant de 35 couverts. C’est impossible d’engager du personnel supplémentaire. Un employé me coûte 40.000 euros par an, pour seulement 18.000 euros qui vont dans sa poche. »

Des propos que confirme un autre restaurateur venu de la province du Luxembourg pour manifester. « J’ai 60 ans, et il n’est pas rare que je doive encore finir la vaisselle à trois heures du matin », explique-t-il. « On évoque souvent le travail en noir quand on parle de l’horeca, mais c’est de l’histoire ancienne. La plupart des clients paient avec des cartes de crédit. »

Pour le client non plus, l’arrivée de la boîte noire ne sera pas indolore, selon les représentants de l’horeca. Outre qu’elle risque d’induire une augmentation des prix, elle représente également un danger pour la vie privée des consommateurs, estime Thierry Neyens, président de Horeca Wallonie. « Cette caisse intelligente intégrera énormément de données et fournira le détail complet des additions », en contradiction avec les factures simplifiées qui avaient été promises au secteur il y a quelques années, souligne-t-il. Il pointe dès lors le risque que certaines personnes n’osent plus remettre de tels tickets à leur patron ou à le faire entrer dans leurs frais professionnels.

Les responsables du secteur ont conclu leur plaidoyer en rappelant leur fierté d’être le deuxième secteur socio-économique du pays et le premier à Bruxelles. « Le Belge veut également garder son horeca », tonne Danny Van Assche, administrateur délégué de Horeca Vlaanderen.

« Inacceptable »

Contrairement aux fédérations horeca, la CSC Alimentation &services et la FGTB Horval ont indiqué mardi qu’elles considéreraient tout report de l’entrée en vigueur de la caisse intelligente comme « inacceptable ». Même si ils déplorent que l’instauration de la boîte noire soit effectuée sans mesures complémentaires, les deux syndicats estiment qu’un secteur « qui se respecte et qui veut un avenir doit, d’une part, investir dans la professionnalisation du secteur et, d’autre part, viser un emploi à temps plein et durable ».

Les organisateurs de la manifestation auraient aimé mener une marche dans les rues de la capitale, mais cette demande leur a été refusée en raison des mesures de sécurité prises par le gouvernement à la suite des récentes opérations anti-terroristes. Les entrepreneurs se sont dès lors rendus au siège de l’Open Vld, parti de la majorité gouvernementale, où une délégation a été accueillie, sous les huées, par la présidente de la formation, Gwendolyn Rutten, et le secrétaire d’Etat à la Lutte contre la fraude sociale, Bart Tommelein.

Dans la foule, certains entrepreneurs avaient décidé de manifester leur opposition à la caisse intelligente de manière visuelle. Ainsi, plusieurs pancartes figuraient la caisse noire comme le cercueil du secteur horeca. D’autres invoquaient la liberté de travailler en parallèle à la liberté d’expression.

Des représentants du secteur ont également rejoint les sièges des trois autres partis du gouvernement fédéral (N-VA, MR, CD&V) afin d’exposer leurs griefs.

Interrogé à l’issue des réunions avec les responsables des différents partis, Yvan Rouque qualifiait les contacts comme positifs. « Nous attendons maintenant un signal du gouvernement », indique-t-il, espérant l’intervention d’une close suspensive afin de pouvoir se mettre autour de la table avec les autorités. « Nous ne jouons pas, ce secteur doit pouvoir donner un travail et un avenir à des milliers de personnes », conclut-il.

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