Charles Michel © BELGA

Budget : Charles Michel n’hésite pas à travestir la vérité

Le gouvernement Michel a trop peu fait pour assainir les finances publiques. Et il ne faut pas s’attendre à beaucoup plus d’élan de la part du gouvernement, écrit notre confrère de Knack.

Il se peut que travestir la vérité fasse simplement partie de la fonction du Premier ministre. L’exemple le plus choquant de l’histoire récente de la Belgique date d’il y a dix ans. En 2007-2008, une équipe de la VRT a suivi le Premier ministre Guy Verhofstadt (Open VLD) pendant un an. Le résultat se trouve toujours sur YouTube. On y voit et entend Verhofstadt discuter avec son chef de cabinet, Wouter Gabriëls. Il s’agit du budget et il faut préparer un communiqué de presse. Verhofstadt lui dit : « Il faut le mot équilibre ». Gabriëls répond : « C’est absurde. » Le Premier ministre reste ferme, même si cet « équilibre » ne correspond pas à la réalité : « Même si je dois l’écrire moi-même », dit le Premier ministre. Et c’est ce qui s’est passé. Le téléspectateur voit le Premier ministre mentir à la population au sujet de quelque chose d’aussi essentiel que les chiffres du budget.

Ce que le Premier ministre Charles Michel (MR) a accompli ces derniers jours n’est pas mal non plus. La semaine dernière, le journal économique De Tijd écrivait que le budget belge pour 2019 avait reçu la mention « insuffisant » de la Commission européenne. L’Europe estime que notre pays n’épargne pas assez. Tant que notre budget n’est pas équilibré, la Belgique doit l’assainir de 0,6 point de pourcentage par an. Mais nous atteignons à peine 0,2 %. Pour 2018 et 2019, nous devons, en accord avec l’Europe, réduire le déficit de 1,2%, mais nous n’atteignons que 0,4%. Le journal rapportait également que le gouvernement Michel pouvait s’attendre à une lettre de critique de la Commission européenne. Pour la deuxième année consécutive, la Belgique serait classée dans la catégorie « pays du Club Med », surnom donné à l’Italie, la France, le Portugal et l’Espagne, quatre pays qui ne fournissent pas assez d’efforts pour mettre de l’ordre dans leur budget.

Le jour même, le Premier ministre a répondu à l’article à De Tijd devant les caméras de la VRT et de VTM. « Ce sont des fake news, totalement fake », a-t-il déclaré. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a confié au Premier ministre : « Dites à votre presse belge qu’il n’y a pas de problème avec la Belgique ». Le lendemain, la Belgique a trouvé dans sa boîte aux lettres une lettre de la Commission européenne concernant le budget. Le ton et le contenu sont particulièrement vifs parce que nous ne respectons pas les accords conclus sur le trajet de réduction de notre déficit, mais aussi parce que notre dette publique reste si élevée. Ce n’est pas une fake news, mais une vérité qui dérange, une vérité inconfortable pour le gouvernement Michel : il a fait trop peu pour assainir les finances publiques.

La semaine dernière, le Premier ministre Michel était peut-être un peu plus tendu que d’habitude. Son parti, le MR, a obtenu de mauvais résultats aux élections. À Bruxelles et en Wallonie, PS, Ecolo et PTB sont les grands gagnants. À cela s’ajoute que le MR a été expulsé d’un maximum de coalitions et qu’il a perdu beaucoup d’écharpes mayorales. L’idée qu’après les élections de mai 2019 le MR sera progressivement éliminé à tous les niveaux de gouvernement rend le Premier ministre Michel et le reste de la direction du MR particulièrement nerveux.

Si l’on se base sur les résultats des élections provinciales, le gouvernement Michel ne sera plus majoritaire après mai 2019. Et comme la Flandre vote davantage pour le centre-droit, alors que le sud du pays va de gauche à l’extrême gauche, il ne semble pas que l’on puisse compter sur la formation rapide d’un gouvernement fédéral. Cela peut être une bénédiction pour le budget, car tant que nous avons un gouvernement en affaires courantes, il doit fonctionner sous le régime des douzièmes provisoires : chaque mois, les ministres reçoivent un douzième du montant dépensé lors du dernier budget approuvé. Cela limite immédiatement les dépenses du gouvernement. L’inconvénient, cependant, c’est qu’un gouvernement en affaires courantes ne peut prendre des mesures ambitieuses qui conduiront à des finances publiques plus saines.

Le spécialiste du budget Herman Matthijs (Université de Gand et VUB) a fait une proposition remarquable sur les ondes de Kanaal Z. « Comme nous sommes dans une longue course vers les élections de mai l’année prochaine, le gouvernement Michel ne prendra plus de décisions majeures en matière de finances publiques », a déclaré Matthijs. Et « parce que ce gouvernement est déjà de toute façon à moitié en affaires courantes « , il a suggéré que le gouvernement Michel passe rapidement au système des douzièmes provisoires. Il l’a dit avec le plus grand sérieux, ce qui prouve la gravité de la situation.

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