Mediapark, huit hectares réaménagés à Reyers à l'horizon 2030. © AG. F. LECLERCQ

Bruxelles : tous les quartiers ne sont pas hors de prix (cartes)

Certes, la capitale jongle avec les tarifs parmi les plus élevés du pays. Mais celui qui sait où chercher et est tant soit peu bricoleur pourra acquérir un bien à portée de son budget.

Sur le territoire particulièrement dense de la Région de Bruxelles-Capitale, la notion de  » quartier  » prend un sens différent, qui s’applique à plus petite échelle qu’ailleurs. Car, si l’immobilier est une matière locale, il l’est plus encore à Bruxelles, où l’attractivité, et donc la valeur de la brique, diffèrent d’une commune à l’autre, d’un bloc de rues à l’autre, d’une rue à l’autre ou même… d’un bout de rue à l’autre.

Certaines constantes demeurent néanmoins, telle la sacro-sainte délimitation nord/sud, de part et d’autre du canal. Une frontière qui, outre le fait de maintenir des prix diamétralement opposés, continue à bloquer les pérégrinations des candidats acquéreurs des communes septentrionales et méridionales de la capitale, chacun se cantonnant à sa moitié du territoire.

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Autre césure récurrente, celle qui suit la déclivité du terrain. Où les hauteurs d’une commune sont souvent plus prisées que ses parties les plus basses. Cela se vérifie notamment à Saint-Gilles, dont la Barrière marque la différence entre les quartiers attenants à Ixelles, qui bénéficient de  » l’effet Châtelain « , et ceux qui débouchent tant sur la gare du Midi que sur la petite ceinture. Idem à Forest, où l’Altitude 100 et les parcs Duden et de Forest sont plus prisés que leurs contrebas, voisins des voies de chemin de fer et des zones plus industrialisées.

Le moteur de la gentrification

Un autre paramètre entre à présent en ligne de compte, s’imposant parallèlement à la montée en puissance d’un public de candidats acquéreurs bien particulier et spécialement actif ces dernières années – 2016 n’y a en l’occurrence pas échappé : les jeunes. Qu’ils soient candidats locataires – et donc ciblés par des investisseurs désireux de s’attirer leurs faveurs afin de sécuriser des occupants pour leurs biens – ou candidats acquéreurs, ceux-ci sont devenus de véritables précurseurs de tendances. Des quartiers autrefois délaissés ont ainsi basculé dans la  » branchitude  » en quelques années car nombre de jeunes, en ménage ou célibataires, avec ou sans enfants, y ont jeté leur dévolu. Et, ce faisant, incité les pouvoirs publics à y entreprendre des travaux d’aménagement et de rénovation urbaine. L’exemple le plus spectaculaire est le quartier de la place Flagey, dont la valeur est montée en flèche en à peine dix ans. Ce phénomène porte un nom : la gentrification.

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Bien sûr, celle-ci est moins ancrée dans les fondements du marché immobilier de la capitale que les séparations nord/sud ou haut/bas, mais elle n’en est pas moins prégnante pour autant. Et est amenée à gagner en importance à la suite des récentes dispositions fiscales prises par la Région de Bruxelles-Capitale. Depuis le 1er janvier dernier, en effet, l’ex-bonus logement fédéral régionalisé en 2015 a été supprimé au profit d’une exonération des droits d’enregistrement sur une première tranche de 175 000 euros du prix de vente du bien. Un sérieux plus pour les primo-accédants, dont les jeunes profiteront en masse, estiment les notaires.  » A la différence du bonus logement, dont le calcul était plus compliqué et donc le coup de pouce moins visible, l’abattement immédiat encourage les jeunes à acheter à Bruxelles, assure Me Olivier Dubuisson, dont l’étude est située à Ixelles. Ils sont nombreux à faire le grand saut, entraînés par la perspective de payer seulement 3 000, 4 000 ou 5 000 euros de droits d’enregistrement. Voire pas du tout si le bien convoité vaut moins de 175 000 euros.  » D’autant, ajoute le notaire, que leur situation financière contraint la plupart des jeunes à emprunter le maximum des quotités autorisées par les banques.  » L’abattement est, pour eux, un réel incitant.  »

Evere, commune pivot

Dans un premier temps, en se penchant sur les statistiques des notaires, qui ont ratissé la Région bruxelloise commune par commune pour dégager les évolutions de prix des maisons et des appartements, la scission nord/sud saute aux yeux. Les entités les moins onéreuses de la capitale sont clairement implantées par-delà le canal, à l’exception de Saint-Josse-ten-Noode, électron libre coincé entre Bruxelles-ville et Schaerbeek. Dans ces communes plus abordables, une maison s’échange à peu de chose près sous la barre des 300 000 euros (prix médian). Soit, pour ne citer qu’elles, 315 000 euros à Saint-Josse, 292 500 euros à Jette, 273 500 euros à Anderlecht et 260 000 euros à Molenbeek-Saint-Jean. Le plafond est fixé à 160 000 euros pour un appartement. C’est à Anderlecht que ce type de bien est le moins cher : 137 500 euros. Des prix qui restent stables, à tout le moins qui augmentent ou baissent légèrement. Jusque-là, pas de surprise.

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Il est par contre intéressant de constater que la commune qui fait office de pivot entre les tarifs du nord et du sud de Bruxelles est… Evere, où il faut débourser 332 000 euros pour une maison et 169 000 euros pour un appartement. Quelque peu oubliée, recluse au nord-est de la capitale, entre Schaerbeek, Woluwe-Saint-Lambert, les voies de chemin de fer et les zonings de la périphérie, celle-ci ne manque pourtant pas d’atouts. De par la présence, sur son territoire, de l’Otan, de nombreux bureaux, de complexes commerciaux et industriels, etc. Mais aussi de par la proximité immédiate des sièges de la RTBF et de la VRT, implantés sur Schaerbeek. Si, pour l’instant, la plus-value ne saute pas aux yeux, ce sera bientôt le cas : le site de Reyers est appelé à être transformé en un ambitieux Mediapark de 8 hectares faisant la part belle à la mixité des fonctions, dont… 2 000 à 3 000 logements créés à l’horizon 2030, tout de même (lire aussi  » Bruxelles en 2030 « ). Autre force de la commune, et pas des moindres, la qualité de son bâti, qui est globalement plus récent qu’ailleurs. Nombre d’immeubles à appartements y ont été érigés dans les années 1990-2000, de même que plusieurs lotissements de maisons 2 et 3-façades.

Deux communes à haut potentiel

Outre Evere, Schaerbeek et Forest trustent, elles aussi, les places intermédiaires dans le tableau des prix. Une maison y vaut respectivement 372 500 et 394 500 euros. Un appartement, 190 000 et 198 000 euros. Soit deux communes présentant des visages aussi contrastés que les nombreux quartiers dont elles sont composées. Et qui pâtissent, par ailleurs, d’une mauvaise desserte en métro comme de la proximité moins heureuse des voies de chemin de fer – celles de la gare du Nord pour Schaerbeek, de la gare du Midi pour Forest. En cela, elles souscrivent à la distinction entre les parties hautes et les parties basses de leur territoire, qui connaissent des destins – et des valeurs immobilières – radicalement différents.

Deux communes, aussi, où le phénomène de gentrification est en marche depuis quelques années. Ainsi, à Schaerbeek, des environs de l’avenue Huart-Hamoir, des rues aux noms de fleurs (rues des Jacinthes, Pensées, Mimosas, Capucines…) gravitant autour du boulevard Lambermont ou encore de celles entourant la place Collignon et la maison communale. Autant de quartiers qui sont d’ores et déjà fort recherchés par des jeunes couples prêts à se lancer dans de grands travaux de rénovation pour bénéficier de prix plus doux. Le tout avec, en point d’orgue, la place des Chasseurs ardennais, où, durant la belle saison, sont organisés tous les vendredis un marché et des apéros pour familles et jeunes cadres dynamiques en mode afterwork. Ce qui n’est pas sans rappeler ceux des places du Châtelain et Flagey, à Ixelles.

Rue de Delta, à Forest, ciblée comme quelques autres par plusieurs projets résidentiels.
Rue de Delta, à Forest, ciblée comme quelques autres par plusieurs projets résidentiels.© KUMPEN.BE

A Forest, la zone en contrebas du parc éponyme est prometteuse, quoique le changement ne soit pas encore tout à fait perceptible. Et ce, même si plusieurs projets résidentiels ciblent la rue du Delta, le boulevard de la Deuxième armée britannique ou la rue Marguerite Bervoets ; ou si de légères hausses de prix sont recensées dans la partie supérieure de l’avenue Wielemans Ceupens et dans les rues attenantes (Edison, Berthelot, de Fierlant…).

Le cas particulier de Saint-Gilles

Saint-Gilles – au sein de laquelle il faut compter 430 000 euros pour une maison et 213 250 euros pour un appartement – clôt le quatuor des communes tampons, mais bénéficie d’une longueur d’avance sur les trois autres. Cela fait déjà quelques années, en effet, qu’elle cristallise les rêves immobiliers de nombreux candidats acquéreurs, jeunes en tête.  » Cela a commencé quand ceux qui n’arrivaient plus à acheter sur Ixelles ont déplacé leurs prétentions vers Saint-Gilles, se souvient Me Gaétan Bleeckx, dont l’étude y est située. Après tout, le bâti est assez similaire, la commune est dynamique et cette nouvelle population s’y est installée sans prêter attention aux préjugés dont Saint-Gilles était l’objet il y a quinze ans. Le changement est lent, mais la lame de fond est bien présente.  » Depuis lors, les quartiers précédant la Barrière, voisins d’Ixelles, sont devenus… trendy.  » J’ai vu débarquer dans mon étude une nouvelle clientèle, jeune, branchée, un peu « bobo » « , témoigne le notaire. Mixte, aussi, de cultures, de budgets, de goûts et de façons de vivre.  » Ils apprécient le côté authentique de la commune, à l’inverse de beaucoup de gens qui maintiennent un avis négatif.  » De nouveaux Saint-Gillois qui aiment se retrouver sur les terrasses du Parvis les beaux jours venus, ainsi que sur la place Maurice Van Meenen pour son marché et ses apéros du lundi…

Dernière évolution intéressante à mentionner, celle de Bruxelles-ville.  » Les tarifs de ses maisons et de ses appartements avaient fortement chuté entre 2014 et 2015, les voilà à nouveau dans le vert en 2016 « , souligne Olivier Dubuisson. Le prix de ses maisons a progressé de 47,6 % ( ! ) l’année passée, effaçant le précédent recul de 34,4 %. Les appartements compensent, eux aussi, une baisse de 10,3 % par une hausse de 13,13 %.  » On revient à des prix plus habituels pour le coeur de la capitale après une année 2015 où les échanges immobiliers concernaient des biens d’un standing plus standard « , avance le notaire ixellois. A moins que ce ne soit l’effet des incertitudes liées au piétonnier…

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