Good Move devrait rendre la ville plus fluide et plus verte (ici, la place Fernand Cocq, à Ixelles). © HATIM KAGHAT

Bruxelles : demain, une ville sans voiture

Caroline Dunski Journaliste

L’attelage rouge-vert-amarante qui pilote le gouvernement bruxellois a fait de la mobilité sa priorité. Objectif : réduire l’emprise de la voiture individuelle sur l’espace public et offrir des solutions crédibles, sécurisées et adaptées aux besoins de chacun. Comment se déplacera-t-on dès lors dans la capitale ?

Good Move : le nom du Plan régional de mobilité (PRM) élaboré au cours d’un processus participatif lancé en octobre 2016, sous la législature précédente. Le préprojet a été soumis à une enquête publique clôturée le 17 octobre dernier et plus de 8 500 avis de citoyens ont été pris en compte pour finaliser le plan. Il devrait être adopté après les vacances de carnaval par le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale.

L’ordonnance du 26 juillet 2013 donne à Good Move un caractère réglementaire que n’avaient pas les plans de circulation Iris 1 (1989) et Iris 2 (2010). Etabli pour dix ans, il constitue la colonne vertébrale de l’action gouvernementale en matière de mobilité et s’inscrit dans une vision globale concernant l’ensemble des déplacements sur le territoire de la Région. Les cinquante actions transversales qui composent le PRM doivent créer une ville non seulement plus fluide, mais aussi plus verte et conviviale.

La voiture, en dernier recours

Le principe phare qui guide Good Move porte l’acronyme Stop. Il hiérarchise les modes de transport en accordant la priorité aux déplacements actifs, bons pour la santé, à pied ou à vélo, puis aux transports en commun et enfin, en dernier recours, à la voiture individuelle, en privilégiant les véhicules partagés et électriques. Cette hiérarchie doit se traduire dans l’aménagement du territoire pour rationaliser le trafic de transit et définir des réseaux spécialisés en fonction de leurs utilisateurs. Le gouvernement bruxellois poursuit ainsi les investissements dans le développement de nouvelles lignes Stib (lire aussi page 86) et vise le développement d’un réseau cyclable digne de ce nom.

Dès janvier 2021, la limitation de la vitesse à 30 km/h sera généralisée à l’ensemble du réseau, sauf exception pour les voiries importantes. Cette mesure réglementaire devra s’accompagner d’aménagements et de contrôle des infractions. Depuis mars 2019, la gestion des contraventions de roulage est centralisée au niveau régional. Huit agents y sont actuellement affectés et leur nombre devrait doubler.

 » On traite aujourd’hui 200 000 PV et on devrait pouvoir en traiter 350 000 « , note Elke Van den Brandt (Groen), ministre bruxelloise de la Mobilité.  » L’objectif n’est pas d’augmenter le nombre de PV, évidemment, mais que les limitations de vitesse soient respectées.  »

Une taxe kilométrique pour inciter les navetteurs à faire du covoiturage?
Une taxe kilométrique pour inciter les navetteurs à faire du covoiturage?© belgaimage

Flux internes vs navetteurs

Réduire le nombre de voitures de 20 % suffirait à rendre le trafic tout à fait fluide, selon la ministre, qui souligne que près de la moitié des ménages bruxellois n’en possèdent pas. En 2018, les flux entrants et sortants représentaient 67 % et, un jour moyen ouvrable, 60,7 % de ces flux provenaient des Brabant flamand et wallon.  » Une grande partie des navetteurs viennent à Bruxelles en voiture. Nous avons besoin que l’Etat fédéral investisse dans les transports publics, plaide Elke Van den Brandt. Nous ne pouvons pas mettre des trains sur le réseau wallon et construire des parkings proches des gares de Flandre. Nous aimerions aussi que la fiscalité fédérale n’encourage pas autant la voiture personnelle et rende le covoiturage attractif. Actuellement, les voitures ont un taux de remplissage de 1,05. Si nous pouvions compter sur une partie des navetteurs automobilistes pour faire du covoiturage ou prendre les transports publics, les embouteillages disparaîtraient.  »

La ministre maintient son souhait d’instaurer une taxation kilométrique intelligente qui tienne compte des déplacements réels et du moment où ils sont effectués. L’idéal serait que Bruxelles-Capitale puisse trouver un accord avec les autres Régions. Sinon, Bruxelles pourrait prendre les choses en main et se doter d’un péage urbain utilisant la technologie déjà en place des caméras de contrôle de la zone basse émission (LEZ). L’étude sur la taxe kilométrique commandée par la Flandre montre que celui-ci pourrait encourager 40 % des navetteurs automobilistes à faire du covoiturage. La question sera peut-être réglée lors du conclave budgétaire bruxellois du printemps.

Encourager le transfert modal

En 2018, les déplacements internes (33 %) étaient majoritairement effectués à pied (37 %), à vélo (4 %) et en transports en commun (25 %). La prime Bruxell’Air a été lancée en octobre 2006 pour encourager les ménages bruxellois à renoncer à leur voiture en faisant radier leur plaque d’immatriculation. En compensation, les familles obtenaient un abonnement de la Stib et une prime pour l’achat d’un vélo ou un abonnement au système de voiture partagée Cambio.

Au 31 décembre 2019, 14 512 primes ont été octroyées.  » Cela représente 89 % des dossiers introduits, précise Françoise Ledune, porte-parole de la Stib ; 2008 a été une année record, avec 1 847 primes octroyées, 2016 est la plus mauvaise année, avec 520 primes. En 2019, 1 278 dossiers ont été introduits dont 1 225 acceptés. Après une période de stagnation, on sent un net regain d’intérêt, mais toutes les personnes qui décident de renoncer à leur voiture ne sollicitent pas forcément la prime.  »

Haro sur le stationnement en voirie

Good Move souligne que le stationnement est un outil très puissant pour orienter les comportements en matière de mobilité. Bruxelles compte 940 000 emplacements de parking, dont 250 000 en voiries – le double de Paris ! Selon une enquête menée auprès des ménages en 2010, chaque voiture serait immobilisée 97,6 % de son temps. Le PRM prévoit d’en supprimer 65 000 et d’encourager la mutualisation du stationnement hors voirie. Le Plan régional de politique du stationnement (PRPS), mis en place en 2014, vise une politique cohérente qui harmonise les règles entre les 19 communes bruxelloises. Il tient également compte des besoins de stationnement spécifiques des cyclistes, des motards, des taxis, des poids lourds, des camionnettes et des autocars.

La mobilité devient un service

Le pilote de l’outil MaaS (Mobility as a Service) sera lancé en avril prochain avec 2 000 testeurs. Il s’agit d’une application qui inclura tous les opérateurs publics et privés agréés pour informer l’usager, en temps réel, sur l’ensemble des offres et services de mobilité, stationnement et trains inclus, dont il dispose pour aller d’un point A à un point B. Cela permettra sans doute de décloisonner les modes de transport et proposer aux utilisateurs les solutions les plus efficaces. S’il y a 34 gares ferroviaires sur le territoire bruxellois, le train ne représente que 1 % des trajets intrabruxellois, alors même que ceux-ci sont parfois imbattables, en voiture, à vélo ou avec la Stib, en matière de durée. Par exemple : pour aller de Jette à Schumann, le train prend seulement douze minutes. L’application devrait intégrer la vente de services et de titres de transport, ainsi que les tarifs. A terme, le projet envisagerait aussi que les employeurs puissent y intégrer un  » budget mobilité  » qui pourrait remplacer les voitures de société.

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