Thierry Denoël

Bonus : l’incroyable résistance des banquiers

Thierry Denoël Journaliste au Vif

La forte hausse des bonus bancaires en 2013 confirme que le bras de fer entre banques et Etats tourne toujours à l’avantage des premiers.

Ils n’ont toujours rien compris ! Voilà ce qu’on est tenté de penser à la vue des chiffres dévoilés par le site eFinancialCareers qui a sondé plus de 2 700 professionnels de la finance dans le monde. Résultat de l’étude : entre 2012 et 2013, les bonus des banquiers ont augmenté globalement de 29 %. Ce sont les banquiers britanniques et américains qui décrochent la palme, avec des hausses respectives de 49 % et 47 %. Faisant fi des pressions politiques depuis cinq ans, les banques se montrent donc toujours rétives à renoncer aux bonus. « L’augmentation des bonus permet de s’assurer que nous avons les professionnels les plus performants au sein de notre firme », a encore martelé récemment Anthony Jenkins, le patron de la Barclays, la banque britannique qui n’a pas hésité à contourner les nouvelles règles européennes.

Même si l’étude n’est guère exhaustive, car elle ne cible que quelques pays phares, elle semble néanmoins démontrer une tendance lourde au sein de la planète financière. Or la limitation des bonus voulue par les politiques vise, avant tout, à freiner les activités spéculatives des banquiers qui ont alimenté la crise de 2008. Cette nouvelle hausse des bonus est d’autant plus interpellante qu’on sait que les grandes banques, les too big to fail (trop grosses pour faire faillite), sont implicitement subsidiées. C’est ce que vient encore de démontrer le député européen vert, le Belge Philippe Lamberts, qui appelle les Etats à abolir ce privilège.

En effet, les plus grands établissements too big to fail, dont la chute déstabiliserait le système tout entier et qui sont donc assurées de bénéficier d’une aide publique en cas de crise, bénéficient d’un avantage sur les marchés : fortes de cette garantie, elles peuvent se financer à des taux moins élevés que leurs concurrentes plus petites. Il s’agit d’un subside implicite qui, au final, encourage les banques à être toujours plus grosses en développant notamment leurs activités spéculatives… Cet avantage caché est évalué entre 209 et 320 milliards par an depuis 2008, pour les grandes banques européennes. Aux Etats-Unis, l’agence Bloomberg a estimé, l’an dernier, que les cinq plus grandes banques du pays (JP Morgan, Ban of America, Citigroup, Wells Fargo, Goldman Sachs) profitaient, chaque année, d’un subside implicite d’environ 64 milliards de dollars.

En Belgique, la réforme bancaire, péniblement accouchée par le gouvernement Di Rupo en décembre dernier, prévoit d’interdire tout bonus aux dirigeants des banques aidées par l’Etat et de limiter ceux des autres banques à 50 % du salaire fixe. Une décision ambitieuse, alors que le Parlement européen, lui, a voté en avril dernier le plafonnement des bonus à 100 % de la rémunération fixe. Ces réformes sont toutefois tardives (leur entrée en vigueur est prévue pour cette année, soit six ans après le début de la crise), démontrant ainsi la forte résistance du lobby bancaire. Les chiffres du site eFinancialCareers révèlent d’ailleurs que la pratique des bonus reste, encore aujourd’hui, difficile à endiguer et que les banquiers sont prêts à tout pour contourner les nouvelles règles.

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