Luc Delfosse

Bart et les pyromanes

Luc Delfosse Auteur, journaliste

La mauvaise foi touche si l’on ose dire aux beaux arts auprès de deux catégories d’êtres humains exacerbés : les couples à la dérive et les politiciens.

La mauvaise foi politique n’a rien à envier à la mauvaise foi des amants désunis : elle est cruelle, perfide, assénée avec une force directement proportionnelle à la pauvreté des arguments déroulés par les deux camps. Elle se nourrit de fantasmes, d’argument tordus, fait systématiquement appel à des faits tronqués, réinventés, déviés, revisités pour servir, croit-on sa cause et assommer d’une façon ou d’une autre l’adversaire et le laisser, in fine, a quia. Ce qui est évidement un leurre : la mauvaise foi excite la colère de l’adversaire, c’est la guerre du poil à gratter et l’entièrement de première classe de la vérité historique. Le mouvement perpétuel de la démagogie.

Prenez Bart De Wever. Comme la plupart de ses congénères arrivés à un tel niveau de pouvoir – la plupart, notez-le bien…- , il est si l’on ose dire une ceinture noire de ce genre de sport verbal où excellent forcément les populistes partis à la pêche des dégoûtés de la politique. De retour de voyage, alors qu’éclataient ici les « affaires » Jambon et Francken, le président de la NVA a fait cette déclaration ahurissante :

« Qu’une grande partie du Mouvement flamand, dont je suis un descendant, s’est retrouvée du mauvais côté appartient aux pages noires (de l’Histoire) Mais puis-je s’il vous plaît me concentrer sur les problèmes de ce siècle ou est-ce que je dois continuer à m’occuper des problèmes de la première moitié du siècle passé? »

Disant cela comme cela, l’homme d’Anvers se pose un peu là en leader grave et responsable, balayant d’un revers de la main les critiques et les condamnations qui ont visé ses représentants au gouvernement fédéral, auteurs de saillies racistes, xénophobes à répétition, sympathisants patentés, par ailleurs, d’associations vert de gris dont il fréquente sans complexe les salons. Cette attitude est aussi habile que perverse. Car à la fin ! qui, en fait de « descendants » colle « aux pages noires de l’Histoire » comme le sparadrap au pouce du capitaine Haddock ? Qui compte en ses rangs les héritiers décomplexés de la collaboration ramenée au rang « d’erreur tactique »? Qui banalise et normalise à tour de bras depuis des années les mots les plus infâmants, conspuant les « junkies » wallons ou les « bougnoules » de toute espèce dont on se demande, avec un cynisme éhonté, quelle est « la valeur ajoutée » ? Qui a phagocyté sans l’ombre d’une hésitation le Vlaams Blok/Belang ? Qui refuse systématiquement de renier ses héritages glauques, s’excusant du bout des lèvres avant de tenter de disqualifier en ricanant ceux qui s’en offusquent ?

Bart De Wever se rêve en Homme d’Etat. Mais on sait bien de quel u0022Etatu0022 il rêve

Bart De Wever, une fois encore, prend la posture du pyromane qui accuse d’un air excédé les témoins d’avoir allumé l’incendie. Ou, pour user d’une autre image, il est ce leader nationaliste qui au prix d’apparentes concessions communautaires, a réussi à enterrer au coeur même de l’Etat ses mines dont il entend contrôler de l’extérieur la mise à feu au jour et à l’heure qu’il aura choisis. En conspuant les francophones qui dénoncent la dangerosité affolante de ces « bombes à retardement », en se posant en héros du bon sens, uniquement soucieux des problèmes de son temps, on voit bien que Bart De Wever se rêve en Homme d’Etat. Mais on sait bien de quel « Etat » il rêve.

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