Bart De Wever © BELGA

Bart De Wever serait-il prêt à s’allier au Vlaams Belang pour rester bourgmestre d’Anvers ?

Walter Pauli
Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

Pour l’instant, ce n’est qu’une rumeur, mais on spécule déjà sur le sujet: si, en 2018, Bart De Wever risque de perdre son écharpe de bourgmestre en gardant la coalition actuelle, serait-il prêt à former une majorité avec le Vlaams Belang à Anvers ?

La Troisième Loi de Newton est on ne peut plus claire: « L’action est toujours égale à la réaction ; c’est-à-dire que les actions de deux corps l’un sur l’autre sont toujours égales et de sens contraires. » La politique anversoise ne semble pas échapper à cette loi de la physique. L’opposition de gauche veut reconquérir le pouvoir, et donc la droite se raidit. L’action conduit à la réaction.

D’abord l’action. Les partis de gauche sp.a et Groen souhaitent chasser Bart De Wever le plus vite possible. L’ambition est grande, mais pratiquement impossible à réaliser. Le sp.a possède 12 sièges au conseil communal anversois (55 membres), Groen en a 4. Cela fait 16 sièges, et 20 si on compte le PVDA. Pour atteindre la majorité exigée de 28 conseillers sur 55, les trois partis devraient faire un sérieux bond en avant aux prochaines élections.

Si les partis de gauche n’arrivent pas à chasser De Wever par leurs propres moyens, ils doivent demander de l’aide à d’autres, à savoir les partis du centre CD&V (5 sièges) et Open VLD (2 sièges), pour autant que ces derniers soient prêts à échanger une coalition de centre droit contre un front très large qui va du centre droit à la gauche radicale. Or, aujourd’hui, même une mégacoalition Open VLD, CD&V, SP.A, Groen et PVDA ne compterait que 27 sièges sur 55 : soit toujours un siège trop peu pour la majorité. En outre, ce genre d’alliance diabolique serait un dragon politique. La résistance contre Bart De Wever à Anvers n’est pas importante au point que libéraux bourgeois et anciens communistes se tombent dans les bras.

S’il ne tenait qu’à Bart De Wever, celui-ci poursuivrait la coalition actuelle (N-VA, CD&V et Open VLD), même s’il y a un problème : sa majorité ne tient qu’à trois sièges. En octobre 2015, une enquête réalisée par Het Laatste Nieuws et la VRT (le seul sondage de qualité depuis les élections) révélait que Bart De Wever perdait (de justesse) sa majorité. La N-VA perdrait trois sièges, le CD&V deux et l’Open VLD en gagnerait un. Les autres sièges iraient à Groen (plus cinq sièges).

Depuis, les perspectives de la majorité ne se sont pas améliorées. En octobre 2015, il n’était pas encore question du come-back du Vlaams Belang, mais si vous sondez les intentions de vote anversoises aujourd’hui, il y a de fortes chances que le Vlaams Belang remonte aussi fort que dans les sondages nationaux. Généralement, une victoire pour le Vlaams Belang entraîne plus de pertes pour la N-VA. Si le CD&V et l’Open VLD ne réussissent pas à rapporter suffisamment de sièges à la N-VA pour former une nouvelle majorité, où Bart De Wever doit-il aller les chercher ?

S’il ne peut vraiment pas faire autrement: à gauche. Tant que De Wever reste allergique aux socialistes, Groen constitue le premier choix. L’année passée, Wouter Van Besien a dépanné la coalition de la ville à Deurne, lorsque le district était devenu ingouvernable. L’argument vert était : « Les cartes politiques à Deurne sont telles qu’une coalition progressive est mathématiquement impossible. » Du coup, Groen a décidé de renforcer l’administration de « droite » de Deurne, car Van Besien qualifie l’option de laisser pourrir la situation de « cynisme politique, ce qui est très peu pour moi ». Il est possible que Van Besien puisse répéter ce raisonnement en 2018, en remplaçant « Deurne » par « Anvers ». Dans un scénario où l’opposition de gauche et le collège sortant n’obtiennent pas de majorité, Van Besien pourrait se sentir moralement obligé de faire ce que Kristof Calvo fait depuis quatre ans à Malines : gouverner avec la N-VA. Sauf qu’à Malines, c’est le libéral progressif Bart Somers qui est bourgmestre et à Anvers le nationaliste conservateur Bart De Wever.

Dès que ce scénario sera sur la table, la réaction du Mouvement flamand (et une partie des sympathisants de la N-VA) fusera : si on envisage une alliance « contre nature » avec Groen, pourquoi la N-VA ne pourrait-elle pas s’allier à ces autres nationalistes du Vlaams Belang ?

Parce que cela irait à l’encontre de tout ce que Bart De Wever a prétendu ces dernières années. Le président de la N-VA considère qu’il relève de sa mission personnelle de libérer le nationalisme flamand du stigmate antidémocratique du Vlaams Belang.

Or, les temps changent et les esprits évoluent. Ces dernières semaines, sans s’être concertés auparavant, plusieurs ténors de la N-VA se sont distanciés verbalement du cordon sanitaire. Au cours d’un débat houleux avec Filip Dewinter, Theo Francken a répété qu’il était contre le cordon sanitaire, tout en ajoutant qu’il voulait réaliser le programme de la N-VA. Et c’est possible uniquement en formant un gouvernement avec des partis « qui ne veulent pas avoir affaire à Filip Dewinter ».

Immédiatement, la question s’est posée: la N-VA fraierait-elle avec le Vlaams Belang, si ensemble, ils obtiennent suffisamment de voix ? Lors d’une soirée-débat, on a demandé à Peter De Roover (NV-A): « Mettons que demain la N-VA obtienne 40% et le Vlaams Belang 11. La N-VA prendra-t-elle le Vlaams Belang avec elle pour exiger l’indépendance ? » « Oui » a répondu De Roover, « Nous le ferions même avec le PS. Tous ceux qui veulent aider à réaliser notre programme en respectant les règles démocratiques sont les bienvenus. »

Si le Vlaams Belang fait cette dernière promesse, ce scénario impensable pourrait-il se réaliser? Il est évident que les autres partis pousseront de hauts cris, mais au district de Borgerhout, la gauche démocratique s’est également embarquée avec les « ex-stalinistes » du PVDA. Ces membres locaux du PVDA ne gouvernent-ils pas convenablement ? Pourquoi les membres du Vlaams Belang ne pourraient-ils pas en faire autant ?

Peut-être parce que le président du PVDA s’appelle Peter Mertens et le membre le plus important du Vlaams Belang Filip Dewinter. C’est un monde de différence. Mertens est un personnage de l’anti-establishment. Dewinter défie la démocratie. Il rejette également la société multiculturelle et attaque l’islam. Il semble impensable de voir un jour un Bart De Wever et un Filip Dewinter souriants présenter un accord administratif -ce qui mettrait d’ailleurs une bombe sous le gouvernement Michel. Le Vlaams Belang n’accédera jamais au pouvoir à Anvers avec Filip Dewinter. Mais sans Dewinter, la possibilité existe. Particulièrement si le nouveau président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, cadre l’élimination de Dewinter dans une opération de plus grande envergure, qui tout comme le Front National en France, essaierait de faire évoluer le parti vers une droite radicale plus acceptable.

Bart De Wever sait très bien quels démons il convoquerait en travaillant avec le Vlaams Belang, même sous une forme plus clémente. Mais tous ses sympathisants n’excluent pas cette pensée. En 2012, la conquête d’Anvers était un prélude à la prise de pouvoir en Belgique et en Flandre en 2014. Une défaite en 2018 serait une motivation supplémentaire pour les autres partis pour chasser la N-VA dans l’opposition en 2019, y compris à la campagne.

C’est là aussi la seule chose vraiment sûre : pour Bart De Wever et toute la N-VA, la perte de l’écharpe anversoise n’est pas envisageable.

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