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Avec la répartition des postes entre partis, l’ancienne culture politique persiste

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

L’enquête du Soir sur le partage de gâteaux culturel entre PS, MR et Ecolo témoigne de la difficulté à changer d’ère. Le renouveau politique reste l’éternel absent des gestions gouvernementales, par-delà les promesses.

Le renouveau politique est sur toutes les lèvres, d’un point de vue cosmétique. On se prépare à changer de nom de parti, on mène des réflexions (bienvenues) surle fond des politiques à mener et on tente de trouver des formules pour mieux gérer l’urgence en cas de crise. Mais sur la façon de faire de la politique, cette professionnalisation des fonctions venue au fil du temps, rien ne change. Idem pour la « culture politique » au sens large ou la façon de faire fonctionner la démocratie.

L’enquête publiée ce jeudi matin par le quotidien Le Soir au sujet des partages de gâteaux dans la culture en témoigne, une fois encore. Un accord politique tripartite aurait redistribué, les présidences et vice-présidences d’associations culturelles majeures, entre les trois partis de la majorité de la Fédération Wallonie-Bruxelles, sur la base de courriers ministériels et d’une notule de gouvernement toujours confidentielle à ce jour.

Le 4 mars 2021, donc, les trois partis de la coalition qui dirigent la Fédération Wallonie-Bruxelles (PS, MR et Ecolo) ont discrètement « négocié et désigné d’autorité » les présidents (ou vice-présidents) qui les représentent dans le conseils d’administration.

Dans un certain nombre d’organismes, c’est une pratique courante et légale. Mais dans une bonne vingtaine d’autres, ce n’était pas le cas: il était de coutume que le gouvernement désigne des administrateurs, avant que le conseil ne se penche en toute autonomie sur son organisation interne. Il est question d’associatins aussi diverses que Charleroi Danse ou Flagey (présidence PS), le Théâtre les Tanneurs ou le Théâtre de Liège (présidence Ecolo) ou encore le Botanique ou le Musée des arts contemporains du Grand Hornu (présidence MR).

En soi, il s’agit d’un rééquilibrage des forces qui peut être souhaitable, après une ultra-domination socialiste. Mais quelque chose dans la façon de procéder dérange fortement: la culture du silence et du secret, tout d’abord, et le fait de mettre des équipes devant le fait accompli d’une tutelle purement politique. « De toute évidence, le gouvernement Jeholet est bien embarrassé par son audace et n’a pas su communiquer sur ce Yalta culturel », écrit justement Le Soir.

La prise en considération de la compétence, ensuite, même s’il n’apparaît pas, de prime abord, qu’il y ait de scandaleuse erreur de casting. Avant toute chose, l’excellence et l’expertise devraient être les critères primordiaux dans ce genre de partage – et communiqués comme tels. Ici, en outre, le sentiment prévaut qu’il s’agit aussi et surtout d’une répartition des forces politiques dans des régions clés, le Hainaut, Liège et Bruxelles.

Dans plusieurs établissements, un début de fronde voit le jour. D’autant que la façon dont les décisions ont été communiquées laissent, dans certains cas plus que d’autres, franchement à désirer. Dans les rangs des trois partis de la majorité, les réactions se font pour le moment discrètes et embarrassées.

« Doit-on filer des millions à des organes culturels et ne pas avoir de représentants pour contrôler cet argent?, s’indigne toutefois le ténor d’un des partis. Absurde… »

Ces pratiques à proscrire

Les nouvelles majorités arc-en-ciel en Belgique francophone et Vivaldi au fédéral ont fait de la « nouvelle culture politique » un de leurs chevaux de bataille. Au fédéral, par exemple, le gouvernement « entend renforcer la confiance des citoyens dans la politique et ‘idée qu’elle est une force positive,en faisant du renouveau politique et démocratique une priorité ». Il s’agit surtout de développer de nouvelles formes de participation citoyenne qui ont souvent l’air de « gadgets »: une assemblée consultative par ci, une consultation aléatoire pour la réforme de l’Etat par là.

Dans les faits, ce partage de gâteaux témoigne encore de la capacité qu’ont les partis à occuper les vrais postes qui comptent. Régulièrement, des informations relatives à des conflits d’intérêt ou à des nominations partisanes voient encore le jour. Lorsque le terme d’une législature arrive, le replacement des responsables de cabiets ministériels est monnaie courante. Ce sont autant de pratiques discrétionnaires qui créent un gouffre avec le citoyen. Et que les partis feraient bien aussi de réformer. Dans la pratique.

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