Michel Delwiche

ArcelorMittal : le gouvernement a compté sur la lassitude des travailleurs

Michel Delwiche Journaliste

Face à un groupe comme ArcelorMittal (plus de 250.000 salariés dans le monde), les politiques ne pèsent guère. C’est l’industriel qui impose sa loi.

En février 2008, Nicolas Sarkozy, président de la république française, annonçait, fier à bras, qu’il viendrait bientôt sur le site de l’aciérie de Gandrange, en Moselle (Région Lorraine, à nos frontières). « Je viendrai moi-même vous annoncer la solution qu’on aura trouvée » pour éviter le licenciement de 600 travailleurs (sur 1.100). Un an plus tard, en mars 2009, l’aciérie était fermée. En mars 2012, le candidat Sarkozy annonçait que le haut-fourneau de Florange, également en Moselle, allait être relancé. Le démenti est venu rapidement, et le haut-fourneau a été mis à l’arrêt au printemps 2013. Malgré les interventions du président François Hollande, et les menaces de nationalisation brandies par son ministre du Redressement productif (!) Arnaud Montebourg. Les deux présidents ont eu droit chacun à une « stèle de la trahison », déposée par les syndicats.

Temporiser

Le ministre wallon de l’Economie, Jean-Claude Marcourt (PS), s’est bien gardé de faire semblables promesses, sachant qu’il ne pourrait pas les tenir. Le gouvernement wallon a alors, comme à son habitude, fait appel à des consultants internationaux, a constitué une task force, et a annoncé que tout serait fait pour trouver un repreneur pour la sidérurgie liégeoise, tout en sachant que Lakshmi Mittal ne serait jamais disposé à vendre. Le gouvernement wallon a temporisé, a très peu communiqué, n’a pas formellement rejeté la possibilité d’un portage public alors que, financièrement, il n’en avait pas les moyens, a compté sur la lassitude des travailleurs ballottés d’incertitude en résignation tandis que les négociations sociales sur le plan proposé en janvier 2013 s’enlisaient.

De repreneur, il n’y en a pas, si ce n’est, peut-être, pour la cokerie et ses 250 emplois. Le groupe américain Oxbow Mining a en effet montré de l’intérêt, mais ne mesure peut-être pas le poids qu’imposera le respect des normes environnementales pour cet outil usé et polluant.

Rien n’a avancé sur le plan des négociations, affirme aujourd’hui la direction d’ArcelorMittal, qui menace de couper les ponts si les discussions ne reprennent pas d’ici lundi: ce serait alors le retour au plan initial, et rien de plus. La vente de la cokerie, le maintien en état de marche de certains outils, les investissements dans la modernisation (revêtement de tôles sous vide), présentés comme des concessions par la direction, ne seraient plus garantis.

Impuissance

Le bassin sidérurgique liégeois aura, en moins d’un an, perdu plus de 1.300 emplois (en plus des 800 postes concernés par le chaud), mais en conservera 800, à condition que les syndicats acceptent d’entrer dans « un dialogue constructif », avait annoncé ArcelorMittal en janvier dernier, évoquant la crise et la chute des commandes d’acier. L’ultimatum aujourd’hui posé par la direction intervient après l’annonce, début août, de résultats décevants du groupe, dans le rouge au deuxième trimestre, et d’une révision à la baisse des prévisions pour l’ensemble de l’année. Pas de quoi redonner de l’espoir.

Demain, les syndicats doivent rencontrer le gouvernement wallon. Qui ne pourra que dire la vérité et avouer son impuissance.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire