Après l’innommable, ne pas chercher de causalité

Face à des barbares qui tiennent plus à la mort que nous à la vie, l’erreur de l’homme occidental, de l’Européen cartésien, serait de chercher à tout prix une explication rationnelle au deuil qui frappe notre pays.

Venger des frères bombardés en Syrie ? Pour autant que cette idée ait traversé le cerveau étroit des bombes humaines made in Belgium, on ne voit pas quel soulagement une famille syrienne échouée à Lesbos pourrait trouver devant le spectacle de corps d’enfants belges déchiquetés dans le métro Maelbeek.

La colonisation ? L’Afrique du Nord a été tour à tour colonisée par les Arabes, les Ottomans, les Français et les Italiens. On a beau chercher : c’est à mille lieues des préoccupations de nos djihadistes, nés en France ou en Belgique parfois de la troisième génération.

Nous ne sommes pas non plus responsables de l’éclatement de la Syrie ni de celle de l’Irak (les Européens étaient opposés à la 2e Guerre d’Irak menée par G. Bush Junior) ; l’intervention en Libye se justifiait a priori face à un tyran qui promettait des « rivières de sang » au peuple de Benghazi. Les Printemps arabes et le chaos qui s’en est suivi a surpris les chancelleries européennes et il est difficile d’y déceler une faute si ce n’est a contrario notre mode de vie qui a servi d’aimant à certains Arabes épris de liberté.

La précarité, la discrimination ? Sans être riches, nos terroristes locaux ne sont pas des super-pauvres. Leur scolarité est parfois chaotique, mais pas forcément. Bénéficier d’un logement social relève en Belgique d’une certaine banalité et ne prédispose pas au crime de masse, que je sache. En outre, si les 600.000 chômeurs belges avaient de telles envies de meurtre, nous serions devant une guerre totale.

La haine de l’Occident ? La volonté de détruire la société européenne occidentale permissive et libre ? Oui sans doute. Mais elle est profondément injuste et déplacée. En dépit des discriminations incontestables, le système social et éducatif belge donne à chacun de réelles chances d’épanouissement personnel et professionnel. Chez nous comme en France, enseignement, universités, santé, sport et loisirs sont particulièrement accessibles.

La Palestine ? L’Etat islamique semble s’en soucier comme d’une guigne et ses sbires locaux également. L’EI, qui est d’ailleurs combattu par le Hezbollah libanais chiite, n’a pas manqué d’ailleurs de railler la « mollesse » du Hamas.

Ces tueurs veulent nous tuer aveuglément, quelles que soient nos croyances ou nos valeurs

Le fanatisme religieux ? Nous avons en Belgique une propension à attribuer aux religions tous les maux de la terre, mais en l’occurrence, chez les Merah, El Bakraoui, Laachraoui et autre Abdeslam, c’est plutôt la mécréance (le manque de connaissance réelle de l’orthodoxie coranique) qui les caractérise. Il ne faut cependant pas sous-estimer l’espoir fou d’emmener au Paradis des proches égarés après s’être fait sauter. Les associations qui luttent contre la radicalisation sont formelles : cette forme de résurrection mortifère joue un rôle. Par ailleurs, la prise de certaines substances désinhibantes n’est pas à négliger.

C’est donc plutôt du côté du nihilisme que se trouve la clé : celui des révolutionnaires russes des années 1860-80 ou peut-être celui des Espagnols criant « Viva la muerte ! », un cri de ralliement du camp franquiste pendant la guerre d’Espagne.

De quelle que manière dont on retourne le problème, l’erreur magistrale serait de nous sentir coupables de quoi que ce soit. De grâce, ne succombons pas au syndrome de Stockholm, consistant pour une personne séquestrée à trouver toutes les excuses à son geôlier.

Ces tueurs veulent nous tuer aveuglément, quelles que soient nos croyances ou nos valeurs. Point à la ligne.

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