Nicolas De Decker

« Alibaba et les courantes valeurs »

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

On dit aujourd’hui que la parole politique ne vaut plus rien, que ceux qui la portent ne portent aucune autre valeur que leur carrière, qu’ils ne sont que des prometteurs de beaux jours et que ceux qui les croient sont bêtes. Mais on dit aussi aujourd’hui, quand on n’est pas d’accord avec ce qui se dit là, qu’il y a encore des gens qui croient encore en quelque chose et qui s’engagent pour ça, que les valeurs, vous savez, ça compte et que ça doit passer avant les petits calculs.

On s’est dit d’ailleurs, quand on a lu cette interview dans Wilfried dans laquelle il proclamait son unitarisme, que Georges-Louis Bouchez était en train de faire ce qu’il disait, et que c’était encore un virage brutal dans une carrière déjà de grande valeur. Celle d’une toupie portée par des rotations si rapides qu’on ne les remarquait même plus, voyez cette interview inaperçue à Moustique dans laquelle il disait  » ne pas avoir de caractère identitaire. Je suis un Européen convaincu et je crois en l’individu « , sortie le même jour que celle de Wilfried, dans laquelle il disait le contraire, soit qu’il ne se disait pas belgicain pour des raisons d’efficacité mais  » par attachement sentimental. Je tiens très fort à La Brabançonne, au drapeau… « .

On s’est dit alors que la Flandre et les autres étaient injustes avec lui, parce que son belgicanisme aussi bien que son européanisme tout autant que son individualisme, s’ils n’étaient certes pas possibles simultanément, étaient parfaitement légitimes pris à part, et parce que la Flandre et les autres démolissaient ce belgicanisme en le prenant à part.

Mais on s’est dit qu’il faisait ce qu’il disait et que les rotations de la toupie dessinaient une ligne claire lorsque, pour se défendre contre la Flandre et les autres, Georges-Louis Bouchez répétait que ce belgicanisme pris à part n’était  » pas la position du MR, ni ma position politique, c’est un idéal « , et qu’entendre un président de parti censé se battre pour les faire avancer enfin assumer ne pas travailler pour des idéaux, et donc ne plus cacher préférer les petits calculs aux grandes valeurs, eh ben ça faisait du bien même si c’était un peu triste.

Et là on s’est dit qu’heureusement qu’il y avait encore un parti qui avait fait du renoncement au renoncement sa marque de fabrique, que c’était le parti le plus chouette et celui des générations futures car il faut penser à nos enfants car on n’a qu’une planète, et on a branché la radio pour écouter le grand Oral RTBF- Le Soir, et justement c’était Philippe Henry, vice- président Ecolo du gouvernement wallon, et il parlait de l’implantation d’Alibaba à Bierset.  » Qu’Alibaba s’installe à Liège ou à la frontière allemande, chez nos voisins, ou dans un autre pays très proche, ça ne va pas changer grand-chose en termes d’émissions et en termes d’impact réel sur la distribution des fournitures « , il a dit, le ministre du parti qui ne renonçait jamais à ses valeurs.

On s’est dit qu’à ce niveau de respect de ses valeurs, il ne fallait plus non plus fermer de centrale nucléaire ni arrêter de vendre des armes, parce que les voisins du pays que celui qui n’aime pas ceux qui aiment leur pays aime sentimentalement allaient, eux, continuer à produire de l’énergie nucléaire et à vendre des armes.

Et alors on s’est dit que ce n’était pas la couleur qui faisait la toupie, mais la rotation.

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