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Affaire Uderzo: une famille en bande décimée

Le Vif

« Abus de faiblesse », « violence psychologique »: les plaintes volent entre Albert Uderzo et sa fille depuis la fin de leur collaboration. Retour chronologique sur l’affaire qui a brisé la famille du père d’Astérix.

La rupture originelle La tragique zizanie qui rythme la vie de la famille Uderzo débute officiellement en 2007, même si elle couvait depuis quelques années. Albert, dessinateur d’Astérix et son scénariste depuis la disparition en 1977 de René Goscinny, licencie son gendre.

En raison de notes de frais injustifiées, Albert Uderzo met un terme aux liens professionnels avec Bernard de Choisy, collaborateur extérieur, mais véritable patron des éditions Albert-René, qui éditent les aventures du célèbre Gaulois et s’occupe de l’exploitation de son image (films, parc d’attractions, etc). Six mois plus tard, il licencie pour faute grave sa fille unique Sylvie. Elle porte plainte devant les prud’hommes.

La vente à Hachette

Hachette Livre, plus gros éditeur français, absorbe les éditions Albert-René fin 2008 en acquérant les 20% détenus par la fille de René Goscinny, Anne, et les 40% d’Albert Uderzo.
La fille de ce dernier refuse alors de vendre les 40% dont elle a la propriété, alors qu’elle est en pleine bataille judiciaire. Elle obtient d’ailleurs 270 000 euros d’indemnités en février 2009 des éditions Albert-René, tandis que la société de Bernard de Choisy obtient le paiement de 200 000 euros de factures impayées: première manche en faveur de la fille.

La plainte pour abus de faiblesse

Alors qu’elle les qualifiait « d’envahisseurs romains », Sylvie Uderzo cède toutes ses parts aux éditions Hachette en 2011, pour 13 millions d’euros. La « hachette » de guerre est-elle enterrée entre la fille et le père, dont les propriétés sont distantes de quelques rues à Neuilly? Loin de là. Bernard de Choisy et son épouse mettent en cause l’entourage du dessinateur, du plombier au notaire, en passant par l’avocat, les accusant de profiter de son argent et de son âge (Uderzo a 87 ans à présent). Sylvie Uderzo dépose plainte contre X pour « abus de faiblesse ».

Une enquête qui conclut à l’absence d’abus

Les policiers de la brigade financière ne trouvent aucun élément accréditant les accusations de Sylvie Uderzo. Et de conclure dans leur rapport, révélé en décembre 2012 par L’Express: « Aucun élément n’a révélé des faits d’abus de faiblesse dont auraient été ou seraient encore victimes Albert et Ada Uderzo, qui, par contre, souffrent énormément de l’éloignement de leur fille et de leurs petits-enfants ». Petits-enfants dont Albert souhaite faire des héritiers au même titre que leur mère, en évitant que Bernard de Choisy, qu’il décrit comme un « gourou », possède le moindre regard sur les droits d’Astérix.

Plainte pour « violences psychologiques »

Si les conclusions de l’enquête sont favorables à Albert Uderzo, sa fille ne renoncerait pas à continuer les poursuites. « On s’achemine vers un non-lieu, mais on pense qu’elle va faire appel (…) nous n’allons plus nous laisser faire », a assuré son avocat, Me Pierre Cornut-Gentille, ce lundi. Dont acte: Albert et sa femme Ada portent plainte pour « violence psychologique » contre leur fille et leur gendre.

« Ces actes ont pour unique objet de porter atteinte à notre intégrité psychologique, de hâter notre affaiblissement pour mettre la main sur notre patrimoine qu’ils convoitent », précisent-ils en communiqué. « Ma cliente souhaite uniquement que la lumière soit faite sur la manipulation dont sont victimes ses parents », a réagi l’avocat de la future héritière d’une fortune estimée à plus de 100 millions d’euros.

« Détruit », Uderzo dénonce la « violence psychologique » de sa fille

Dans le bureau de son hôtel particulier de Neuilly -un vrai musée où la couverture des Lauriers de César côtoie des planches originales encadrées et des photographies de son complice René Goscinny- Albert Uderzo, 86 ans, s’est confié, sur un ton posé mais ferme, à propos de cet imbroglio familial. Son épouse, Ada, était à ses côtés, visiblement très affectée. LeVif.be était là.

« Nous ne sommes plus décidés à nous laisser faire, a commencé le dessinateur. J’ai été généreux avec ma fille, en l’engageant dans la société éditant Astérix et en lui offrant la moitié de mes actions, qu’elle a revendues voilà deux ans, pour 13 millions d’euros. A sa demande, j’avais également engagé son époux, Bernard de Choisy. Mais mon gendre exerce une emprise très forte sur ma fille. Avec mon épouse, nous l’appelons le ‘gourou’. Il voulait diriger la société et j’ai finalement été contraint de les licencier tous les deux. C’est épouvantable, pour un père, de congédier sa propre fille! Ma femme et moi étions détruits. En retour, poussée par son époux, notre fille nous a poursuivis en justice! Mon épouse et moi avons été entendus pendant des heures par la Brigade de Répression de la Délinquance Economique. Ce n’est pas très agréable… Les investigations ont duré des années, sans le moindre résultat. Nos deux petits-enfants nous ont tourné le dos, nous ne les avons vus que trois fois ces cinq dernières années, dont une fois, durant une heure, le 22 novembre. Ada et moi avons fêté nos soixante ans de mariage tout seuls, il y a quelques semaines. Nous en sommes à nous demander si tout ce harcèlement judiciaire n’est pas destiné à accélérer notre fin… Pour quelle raison? Est-ce pour accéder aux centaines de planches originales d’Astérix, qui valent une fortune, comme l’a montré une expertise récente effectuée lorsque j’ai offert une centaine d’entre elles à la Bibliothèque nationale de France? Je ne sais pas. Je crois que sur ma pierre tombale, je vais graver ceci : Bon et con à la fois. »

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