
À quoi ressemblaient les affiches lors des élections communales d’avant 1914 ?
Elle est devenue l’inséparable compagne du candidat et du parti en campagne. Le maître atout pour vendre ses charmes à l’électeur. Capable d’user de tous les registres pour emporter la partie : l’injonction, la menace, la supplique, la dénonciation, l’invective, l’argumentation chiffrée, le jeu de mots, le témoignage, la caricature.
Guidée par la seule obsession d’attirer l’homme de la rue dans ses filets : en le galvanisant, l’attendrissant, l’implorant, l’émouvant, l’épouvantant, l’indignant, l’amusant. L’affiche, arme de persuasion massive de toute partie de chasse aux voix, reprendra du service en vue des communales d’octobre. Dans l’art de séduire et de convaincre, il y a eu une vie bien avant les réseaux sociaux. Dans les villes et villages d’avant 1914, l’aspirant au pouvoir local va au contact. A l’abordage. Avec les moyens du bord. Sans fleurets mouchetés.
Le sieur Lemielle-Mazure, candidat aux communales de Namur en 1836, n’a pas que des amis en politique. Il peut heureusement compter sur de précieux soutiens pour dénoncer intrigues et machinations visant à le priver d’un siège en salissant sa conduite. Pour sûr, l’électeur namurois ne se laissera pas abuser…
« Intrigues souterraines d’un ennemi acharné », « malice de cet ennemi », « machination dans l’ombre ». La théorie du complot va bon train à Namur aux communales de 1854.
Loyauté, franchise, dévouement, assiduité au service de l’intérêt de la cité : le b.a-ba de tout bon candidat. En 1851 comme aujourd’hui.
Deux brasseurs en appellent à la vigilance de l’électeur. Ce n’est pas le moment de relâcher l’effort si l’on veut gagner définitivement la partie électorale à Namur en 1869.
Les « bleus » ont gagné et comptent bien ne pas cacher leur joie. N’en déplaise au bourgmestre de Namur, par la porte et par les fenêtres, les flonflons de la fête libérale retentiront dans la cité.
Elections d’antan sous haute tension. Aux débuts de la Belgique, le parti des orangistes, inconsolables de la perte du régime hollandais, tient encore des grandes villes et le déloger du pouvoir communal passe par des campagnes musclées. Quant aux anticléricaux, socialistes et libéraux, ils mènent la vie dure à la soutane. Le curé qui aime arroser ses ouailles pour mieux les endormir déguste à son tour : on crucifie sa mainmise sur les âmes, sa manie de convertir la chaire de vérité en tribune politique à l’heure de la messe.
Etre déclaré apte à voter est une question de fortune ou de capacité attestée par la détention d’un diplôme, moyennant réussite d’un examen électoral. On vote en petit comité, entre » bourgeois » : en 1880, 379 000 hommes sont admis aux communales. Les villes moyennes enregistrent entre 300 et 600 électeurs, les plus petites entre 50 et 200. Les techniques de persuasion sont à l’image d’un corps électoral où, bien souvent, tout le monde se connaît. Raison de plus pour jouer l’homme en campagne, à coups de pamphlets, d’affichettes, de lettres ouvertes ou de tracts.
Au xixe siècle, on part à l’élection en chanson et en wallon. A savourer sans modération, Li couie électorale. Cette » couille électorale » se gausse de la défaite d’un candidat au mayorat de Namur lors du scrutin communal du 13 juin 1837, l’un des premiers de la Belgique indépendante.
Chantage aux voix. Le sieur Douxchamps, candidat à sa succession aux communales de Namur en 1845, est prié de justifier des dépenses d’un goût douteux. Corruption, faux électeurs, domiciliations fictives : l’humeur électorale au xixe siècle est aux tripatouillages et à la suspicion généralisée. Avant l’apparition, en 1877, du bulletin de vote préimprimé et impersonnel ainsi que de l’isoloir pour assurer le secret du vote, les scrupules étouffent rarement les candidats en lice.
A trois reprises, lors des scrutins de 1895, 1903 et 1911, dans une trentaine de villes de plus de 20 000 habitants, patrons et ouvriers (ici à Schaerbeek) sont appelés à élire des conseillers communaux supplémentaires. Les socialistes voient rouge : le procédé ne vise qu’à contrer le poids électoral croissant de la classe ouvrière
Une élection au Borinage qui fait » djâzer « . Les paris sont pris sur les chances du candidat Désiré Maroille, premier bourgmestre socialiste de Frameries, en 1896.
Trois notables namurois candidats aux communales du 28 octobre 1845, caricaturés en une » danse du chat » dont la signification s’est perdue. Privilégier l’image au texte à des fins électorales reste encore rare au xixe siècle.
» Fake news » de campagne : au scrutin d’août 1872, l’autorité communale de Namur doit démentir toute rumeur de déploiement policier. Il n’est pas rare que des jets d’oeufs et de pommes cuites fassent office d’arguments lors de meetings électoraux. Que des victoires se fêtent sous la protection de baïonnettes.
Cette » calomnie électorale « , colportée par voie de tract, ne pouvait rester sans réplique : le verdict des urnes en août 1872 promet d’être contesté à Namur. Rien d’exceptionnel à cela. C’est par milliers que les procès électoraux engorgent les tribunaux au xixe siècle : 23 000 recours rien qu’en 1891 ! Dans une mercuriale de l’époque, le procureur général de Bruxelles s’épanche sur » ces deux habitants notables d’une petite localité du Hainaut qui, pendant plus de dix ans, se disputèrent le sceptre municipal dans cette commune de 675 âmes, femmes et enfants compris. Je ne sais comment ces vaillants athlètes s’y prirent, mais ils parvinrent à formuler en un an 62 recours « .
Cette » calomnie électorale « , colportée par voie de tract, ne pouvait rester sans réplique : le verdict des urnes en août 1872 promet d’être contesté à Namur. Rien d’exceptionnel à cela. C’est par milliers que les procès électoraux engorgent les tribunaux au xixe siècle : 23 000 recours rien qu’en 1891 ! Dans une mercuriale de l’époque, le procureur général de Bruxelles s’épanche sur » ces deux habitants notables d’une petite localité du Hainaut qui, pendant plus de dix ans, se disputèrent le sceptre municipal dans cette commune de 675 âmes, femmes et enfants compris. Je ne sais comment ces vaillants athlètes s’y prirent, mais ils parvinrent à formuler en un an 62 recours « .
La guerre scolaire enflamme le scrutin communal d’octobre 1911. Les cathos au pouvoir ont dans l’idée d’attribuer un » bon scolaire » à chaque père de famille. Cette façon de financer avantageusement l’école catholique inspire l’anticlérical Parti ouvrier belge : dans le dos des chefs de file libéraux et socialistes (Feron, Vandervelde, Janson, Hymans), le ministre catholique Schollaert présente l’outil du forfait au cardinal Mercier. Le primat de Belgique s’empresse de saupoudrer la pâtisserie de poison et de faire main basse sur un sac de vingt millions, pour le salut de sa chapelle.
Petite scène ordinaire de la guerre scolaire qui fait rage lors des élections communales de 1911.
Férocement vôtre. Le faire-part électoral pour verser des larmes de crocodile sur le sort réservé par les urnes à un adversaire malheureux. Ici, deux enterrements de première classe célébrés à Liège lors des communales de novembre 1895 : l’un du « nouveau Parti progressiste », l’autre de « Monsieur l’abbé laïque ». Bon débarras…
Férocement vôtre. Le faire-part électoral pour verser des larmes de crocodile sur le sort réservé par les urnes à un adversaire malheureux. Ici, deux enterrements de première classe célébrés à Liège lors des communales de novembre 1895 : l’un du « nouveau Parti progressiste », l’autre de « Monsieur l’abbé laïque ». Bon débarras…
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