Christine Laurent

A notre bon coeur, ou comment surmonter la crise

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Les politiques s’écharpent pour le moment, campagne électorale oblige, sur les manières de surmonter la crise économique. Des solutions émergent en tous sens. Mais une chose est sûre, il faudra agir avec discernement.

Par Christine LAURENT

Tous au pain sec! Les Belges, les Européens, personne n’est épargné. Trop de dépenses, trop de dettes, trop de surconsommation, la facture est salée et les poches sont vides. Pour le prochain gouvernement, pas de doute possible: il faudra bien remettre d’équerre les budgets et recadrer dépenses et recettes. Un boulot d’acrobate, de voltigeur, tant les marges sont étroites et les tensions sociales potentiellement explosives.

Sans glisser pour autant leur tête dans le sable, nos responsables politiques se font discrets. C’est qu’il y a des sujets qui fâchent, des propositions qui irritent. Suicidaire, tout de même, à la veille d’une élection, de n’avoir à offrir que du sang, de la sueur et des larmes. Tout bénéfice pour l’adversaire qui, lui, avance masqué. Alors on joue sur les mots, on lâche en vrac des pistes de réflexion, des solutions qui partent dans tous les sens. Un pas en avant, deux en arrière, difficile de se retrouver dans ce fatras.

Or c’est une certitude, après le 13 juin, on ne rasera pas gratis. Il faudra bien couper un euro en quatre. Ce sera dur! Pas moins de 22 milliards d’euros à économiser pour 2015, un chiffre inquiétant. Avec, en prime, une croissance exsangue. Pas de cadeaux, dix ans de rigueur!, annonce déjà l’Open VLD qui veut en finir avec « la culture des promesses ». Dont acte.

Mais où frapper juste et bien? Taxer les banques, les transactions financières? La Belgique n’a pas les coudées franches, l’Europe a son mot à dire. Détricoter le système des préretraites, remettre les 50 ans et plus au travail? Encore faut-il créer des emplois. Lutter contre la fraude fiscale et sociale? Bien sûr, mais sans laisser par ailleurs filer les déficits. Donner davantage aux plus défavorisés? D’accord, mais en s’appuyant sur les plus privilégiés et pas exclusivement sur les classes moyennes déjà étranglées. Opérer des coupes claires dans la fonction publique? Peut-être, mais sans affecter la qualité des services rendus à la population. S’attaquer aux abus du système des intérêts notionnels? Sans aucun doute, mais avec quel impact sur l’emploi? Exiger plus d’efforts du nucléaire, dans le collimateur de presque tous les partis? Des négociations qui s’avèrent difficiles, rugueuses, tendues. Augmenter la TVA? Et quid de l’effet sur l’indexation des salaires, donc sur les charges des entreprises? Car, s’il est un sujet qui fait bien l’unanimité, de la gauche à la droite, c’est la nécessité d’une diminution sensible du coût du travail. La quadrature du cercle.

Plus on attendra, plus les mesures à prendre seront douloureuses, prédisent sur tous les tons les spécialistes. Nouvelles recettes dénichées du côté du capital, de l’immobilier, allocations en tout genre resserrées, retraites réformées, tout tenir, tout honorer, tout satisfaire, une tâche titanesque. A mener non pas au gros calibre, mais avec discernement; le Bel20 et les petites et moyennes entreprises, par exemple, ce n’est pas le même combat. Et en osant dépasser certains tabous, véritables piliers jusqu’ici du compromis à la belge et de notre culture économico-sociale.

Contracter des dettes pour payer les intérêts de nos anciens emprunts, reporter nos charges sur les générations futures, inacceptable désormais. Trouver des objectifs budgétaires communs entre le Nord et le Sud, dépasser les clivages gauche/droite, c’est toute une société, une économie et un système qu’il faut revoir, repenser en profondeur. « Yes we can », certes, mais sans oublier le « yes we care ». Un gigantesque challenge. Pour s’orienter, enfin, comme le recommande avec pertinence l’économiste Geert Noels, vers « la durabilité après la cupidité ».

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