Les kots transformés en colocations dans les grosses bâtisses namuroises ? Une piste à suivre... © Coralie Cardon

A Namur, après le « tout au kot », le « tout à la coloc » ?

Le nouveau décret « bail » wallon, en vigueur depuis le 1er septembre, favorise la colocation. Et fait de l’oeil aux propriétaires namurois de kots étudiants, susceptibles de changer l’affectation de leurs biens en conséquence.

Les étudiants sont de plus en plus friands de confort et de services. Toutes les études de marché le disent. Les résidences suréquipées offrant studios et chambres dernier cri poussent comme des champignons à Bruxelles, Gand, Louvain-la-Neuve, Liège… Or, le marché namurois du logement étudiant reste encore majoritairement le fait de grandes maisons de maître transformées en kots. Certes, le groupe Eckelmans Immobilier y a bien fait construire une résidence de 150 studios voici deux ans, mais elle est à ce jour unique en son genre dans la capitale wallonne. Et ce, malgré les efforts des autorités namuroises pour lutter contre les divisions abusives d’unités unifamiliales et favoriser les complexes pensés et construits pour le public étudiant.

La régionalisation de la compétence fédérale en matière de baux de logement pourrait toutefois changer la donne. Neuf mois après Bruxelles, la Wallonie a donné naissance à une importante refonte de la réglementation relative au bail d’habitation, qui fait l’objet du décret  » bail  » adopté au parlement wallon mi-mars dernier et entré en vigueur en date du 1er septembre. Soit juste à temps pour la rentrée académique. Car, au rang des changements majeurs découlant du le nouveau texte figure la création d’un bail spécifique pour les étudiants et, surtout, d’un autre pour les colocataires.

L’alternative pour les propriétaires de ces grosses bâtisses namuroises divisées en kots – et en particulier pour ceux qui flirtent encore avec la légalité – serait-elle d’en faire des colocations ? Il s’agit en tout cas d’une piste que ne rejette pas tout à fait l’échevine en charge du logement et de l’urbanisme au sein de la capitale wallonne, Stéphanie Scailquin.  » Ces baux de colocation comme les baux étudiants vont très probablement sortir de la clandestinité des pratiques locatives parfois douteuses « , assure l’élue. Mais, avertit-elle,  » malgré les bonnes intentions, je reste vigilante à ce nouveau type de logement. Il est hors de question de revenir à la situation antérieure de la division de logement. Maintenant que nous avons pu réguler la situation, que ce soit avec les comités de quartier comme avec les propriétaires de logements divisés, le  » tout au kot  » n’est plus possible et il ne faudrait pas basculer dans le  » tout à la colocation « . Le service inspection du DAU (NDLR : Département de l’aménagement urbain) est attentif aux divisions déguisées en colocation.  »

D’autant plus que, si l’on se penche sur le texte du décret  » bail  » wallon, le bail de colocation est autrement plus attractif aux yeux d’un propriétaire que le bail étudiant. En effet, quoiqu’elle soit plus nuancée que son homologue bruxelloise, la version wallonne est rédigée au bénéfice des étudiants, qui voient leurs droits renforcés au détriment de ceux de leurs bailleurs. Ainsi, s’il leur est désormais possible de mettre fin à leur bail à tout moment à condition de respecter un préavis de deux mois et le paiement d’une indemnité équivalente à trois mois de loyer, celle-ci est susceptible de sauter en cas de motifs valables : l’abandon des études, par exemple. De quoi, on l’imagine, mettre un propriétaire dans l’embarras si pareille situation se présente alors que l’année académique est déjà bien entamée. Comment retrouver un étudiant locataire dans ces conditions ? Le risque d’une augmentation du taux de vacance locative est réel.

La loi du marché

S’il est trop tôt pour mesurer l’impact du bail étudiant et du bail de colocation à Namur comme ailleurs, les professionnels de l’immobilier se veulent rassurants. D’après Paul de Sauvage, patron de la société de promotion namuroise Actibel, il y a lieu de faire confiance au marché.  » Ce ne sont pas les propriétaires qui ont la main mais les clients finaux, les locataires, explique-t-il. Les nouveaux baux ne font qu’organiser une situation qui s’est mise en place d’elle-même voici quelques années. Il y a un effet de mode. La colocation n’est rien d’autre qu’une nouvelle tendance qui répond à un mode de vie actuel et qui, de ce fait, rencontre une forte demande.  » Comme les divisions d’unifamiliales en kots par le passé et comme la construction de résidences étudiantes aujourd’hui. Pour le promoteur, cela ne sert à rien de s’inquiéter du  » tout à la coloc « .  » A terme, l’offre en matière de colocations sera trop importante et on retournera à une autre forme d’habitat. Comme toujours, le marché fera le reste « , apaise-t-il.

Par ailleurs, la colocation n’est pas l’apanage des étudiants ou des jeunes travailleurs au sortir de leurs études. Pour l’échevine namuroise Stéphanie Scailquin, il s’agit  » d’une des réponses à la crise du logement « , dont les bénéficiaires sont également les personnes isolées et les aînés. Soit un concept qu’elle associe au  » logement kangourou avec une mixité intergénérationnelle « .  » En colocation, pas de division des logements en petites cellules, pas de cloisonnement, pas de murs supplémentaires ni de cloisonnement social « , souligne celle qui a aussi la tutelle de la cohésion sociale et de l’égalité des chances. Son seul regret concerne le contrôle de salubrité,  » qui n’est pas applicable pour les colocations et pourtant obligatoire dans la législation sur le logement collectif « . Un souci partagé par Paul de Sauvage, selon qui  » il faudrait se focaliser sur la qualité technique et sécuritaire du bâti namurois  » plus que sur son affectation.

Les avantages du bail de colocation

Le bail de colocation nouvellement créé par le décret  » bail  » wallon présente des avantages tant pour les colocataires que pour le bailleur. En effet, il instaure entre autres une solidarité entre les colocataires, qui signent un pacte de colocation actant notamment la répartition du loyer, les modalités d’arrivée, de départ et de remplacement d’un des leurs, mais aussi les conditions de constitution et de libération de la garantie locative. De quoi se prémunir contre les colocataires mauvais payeurs ou déserteurs. Autre filet de sécurité pour les deux parties, le fait qu’elles concluent un bail unique, signé par l’ensemble des colocataires et non plus par l’un d’entre eux, tenu comme responsable des autres.

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