Observer l'univers en regardant vers le haut et la Terre depuis le ciel : la stratégie de spécialisation du Centre spatial liégeois s'avère payante. © AEOLUS/ESA

À la conquête de l’espace: quand du « made in Liège » se retrouve dans de nombreuses missions spatiales

Le Vif

Si depuis l’espace on n’aperçoit pas le Perron, depuis la Terre, en revanche, difficile de ne pas s’émerveiller de l’empreinte que laisse Liège dans le ciel. Nombreuses sont les missions de l’ESA et de la Nasa avec, à leur bord, du made in Liège.

En 2017, l’astrophysicien Michael Gillon défrayait la chronique après l’identification d’exoplanètes dans un système baptisé humoristiquement Trappist-1. Des planètes aussi inaccessibles que prometteuses car, bien que situées à quarante années- lumière de la Terre, elles pourraient abriter de l’eau sous forme liquide. Derrière le sourire du chercheur, c’est toute une équipe à la manoeuvre, celle de l’unité Star et de son bras armé, le Centre spatial liégeois (CSL). Symbiose entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, les deux unités travaillent main dans la main pour le plus grand rayonnement de la recherche et le bonheur de l’ULiège.

 » Il y a à Liège une très longue tradition en astronomie, rappelle sans ambages Denis Grodent, directeur de l’unité de recherche Star (Space sciences, Technologies & Astrophysics Research). Tout est parti de l’Institut d’astrophysique et de l’Observatoire de Cointe, fondé en 1881 par l’université. Une impulsion ensuite alimentée par des pionniers de renom tels que le professeur Pol Swings, qui a tout fait pour que l’ULiège soit impliquée dans la recherche sur l’espace, notamment en contribuant à la mise en place du Conseil européen de recherches spatiales, devenu l’Agence spatiale européenne en 1975.  » Une trace que des générations de chercheurs se sont ensuite appliqués à faire fructifier, combinant en bonne intelligence savoirs et savoir-faire.

Le spatial a toujours fait rêver… Technologiquement, c’est le sommet et ça aide à s’entourer des meilleurs.

En plus d’une vingtaine de chercheurs permanents, l’unité de recherche s’appuie sur une centaine de chercheurs temporaires sur contrats extérieurs, répartis au sein de sept laboratoires en plus du CSL, chacun développant sa propre expertise. Tandis qu’en astrophysique, on observe l’univers en regardant vers le haut, les chercheurs en géophysique et en océanographie observent la Terre depuis le ciel, en regardant vers le bas. Une stratégie de spécialisation qui s’avère payante.

 » Au fil des années, on a construit des réseaux forts et très actifs. Vu notre taille, on a toutefois essayé de rester dans des domaines de niche. On ne peut pas concurrencer des géants tels qu’Airbus, mais par notre tradition de collaboration, on arrive à se retrouver dans des groupes de recherche de pointe.  » Un positionnement à l’international qui doit également beaucoup au travail réalisé avec le Centre spatial liégeois.  » Star fait partie de consortiums qui poussent au développement de nouveaux instruments qui sont en partie réalisés au CSL et qui viennent, en retour, alimenter la recherche fondamentale « , souligne Denis Grodent.  » C’est du win-win.  »

Une passion pour la recherche

Du côté du Centre spatial liégeois, spécialiste de la conception d’instruments d’observation spatiale, on se félicite également de l’équilibre trouvé. Comme le précise Serge Habraken, directeur scientifique et académique du CSL,  » nous sommes beaucoup de physiciens et d’ingénieurs, mais nous sommes également passionnés par la recherche. Le spatial a toujours fait rêver. Il y a un côté valorisant, aussi, car technologiquement, c’est le sommet et ça aide à s’entourer des meilleurs.  »

Pour Serge Habraken, le dialogue entre recherche et développement est une des raisons de la bonne santé du spatial à Liège.  » Pour être financée par BelSpo, le service public en charge de la politique scientifique fédérale, une mission spatiale scientifique de l’ASE ou de la Nasa doit s’appuyer sur un ou plusieurs scientifiques belges et faire appel à un centre de recherche ou industriel qui va produire les instruments. A l’université de Liège, nous sommes en mesure d’offrir ces deux éléments.  » En témoigne l’implication du CSL dans pratiquement toutes les grosses missions de l’agence spatiale européenne .

Le CSL assure aussi une mission de validation de satellites pour les grandes agences spatiales.
Le CSL assure aussi une mission de validation de satellites pour les grandes agences spatiales.© BELGAIMAGE

Des participations vitales pour le CSL, qui fonctionne pour l’essentiel sur la base de revenus engendrés par les contrats avec des institutions extérieures à l’université.  » Nous sommes impliqués dans de nombreux projets avec des constructeurs de satellites comme Airbus Defence and Space ou Thales, pour qui nous fabriquons régulièrement des parties d’instruments spatiaux  » , détaille Serge Habraken. Des ser- vices à haute valeur ajoutée auxquels il faut également associer un important volet de validations pour les grandes agences spatiales.  » Nous avons en ce moment de gros satellites du programme spatial européen Copernicus qui doivent être alignés, qualifiés et testés avant d’être mis en orbite. Nous sommes payés pour les tester sous vide à des températures extrêmes et vérifier que, par exemple, la qualité des images prises est conforme. Ces tests durent parfois six mois ou plus, avec une responsabilité énorme, puisqu’on travaille sur des satellites qui peuvent coûter un demi- milliard d’euros.  »

Infiniment loin et extrêmement proches

Malgré la distance qui les sépare de leurs objets de recherche et sans doute aussi en raison du coût des équipements nécessaires, on sent chez les chercheurs du spatial une forte volonté de contribuer à la vie de la communauté. D’où la multiplication des acronymes humoristiques référencés, autant de clins d’oeil à leur terre d’accroche.

Pour Denis Grodent, il y a un malaise du chercheur qui est conscient des moyens utilisés pour la recherche et qui s’évertue à compenser.  » Notre responsabilité est d’utiliser ces moyens à bon escient et de ne pas les gaspiller, mais on apprécie le retour du grand public. On a envie de partager ce que l’on fait. Expliquer que c’est utile, même si ça ne sert pas directement. Ce retour est important, c’est l’assurance que ce que nous faisons a un sens.  »

Sans oublier que de nombreux chercheurs sont avant tout des Liégeois, de tête, mais aussi de coeur.  » On est nombreux à aimer à descendre en ville le soir pour boire un verre ou aller au restaurant. C’est toujours un bonheur. Ça fait partie de la vie liégeoise, qui est une grande fête. Ailleurs, il n’y a pas toujours d’art de vivre. Le Liégeois est quelqu’un qui aime la vie « , confie en concluant Serge Habraken.

Par Kathleen Wuyard et Clément Jadot.

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