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Le commandant du Concordia a-t-il été victime de son instinct de survie?

Le commandant a abandonné le navire alors que des milliers de personnes étaient encore bloquées sur l’épave. Aurait-il pu lutter contre son instinct de survie?

Courage, fuyons. Au cours du naufrage du Concordia, le commandant Francesco Schettino a fait le choix de se protéger plutôt que de sauver les passagers. Et ce au mépris même de la loi qui l’obligeait à rester à bord. Un acte, certes, dénué de toute bravoure, mais qui est l’exemple type de l’instinct de survie. Jean-Claude Seznec, psychiatre et auteur de J’arrête de lutter avec mon corps, explique que « l’angoisse de mort du commandant a nécessité une réponse immédiate, qui l’a fait réagir sans considérer les conséquences à long terme ». Il a réagi de manière automatique, « en arbitrant avec ses propres critères ». L’argument « les femmes et les enfants d’abord » n’a pas beaucoup pesé.

Le principe de l’instinct de survie est simple : « il y a le feu, je fuis ». Visiblement, cela fonctionne aussi pour l’eau. Antoine Pelissolo, professeur de psychiatrie à Paris VI, affirme que la décision instinctive se fait en deux temps: « d’abord, le premier réflexe se dirige vers soi-même. C’est seulement dans un deuxième temps que l’individu pense aux autres. » L’impulsion de survie n’est donc pas totalement égoïste. « Il y a beaucoup d’espèces qui mettent leur instinct au service du groupe, précise-t-il. Certains oiseaux préviennent par leur cri le reste de leur groupe, au risque de se mettre eux-mêmes en danger ».

Un réflexe qu’il est possible de modifier… légèrement Mais l’homme aussi peut faire preuve d’altruisme et dépasser le premier stade de réflexion, même dans l’urgence. Manrico Giampietroni, l’héroïque commissaire de bord du Concordia, a préféré faire passer la vie des autres avant la sienne. Il a sauvé des dizaines de personnes, au risque de mourir dans la catastrophe. Jean-Claude Seznec explique que « c’est le caractère de chacun qui définit les réactions ». Nous sommes tous différents, donc nos impulsions le sont également.

Autre facteur qui peut modifier nos comportements: l’apprentissage. « Même si les réflexes de survie sont le plus souvent innés, il est possible de les modifier légèrement » assurent de concert les deux spécialistes. C’est pourquoi la formation et l’entraînement sont essentiels. Le psychiatre explique que « les pilotes d’avion ont très régulièrement des stages qui les confrontent à toutes sortes de catastrophes. Cela leur permet d’acquérir des réflexes, qui leur reviendront en mémoire le jour où ils seront dans une situation dangereuse. » Mais tout cela reste purement théorique.

À l’heure où beaucoup s’insurgent donc du comportement du commandant, Jean-Claude Seznec fait le point. « On peut ne pas être d’accord avec la décision qu’il a prise. Mais on ne peut pas vraiment le juger, car nous ne sommes pas à sa place ». Pour le faire, il faudrait que nous ayons tous au moins une fois été confrontés à une situation similaire. Combien d’entre nous auraient alors jugé, tout comme le commandant,qu’il faisait décidément bien « noir dans l’épave »?

Léonore Guillaume

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