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La prévention, surtout une question d’engagement individuel

Des techniques de psychologie sociale permettent de donner aux messages de prévention un plus grand impact sur les comportements, notamment en faisant participer les individus. Et ce aussi bien pour le « mieux manger » que pour le dépistage de certaines maladies.

Les campagnes d’information sont-elles efficaces pour changer nos habitudes? « Pas automatiquement », répond Fabien Girandola, professeur de psychologie sociale à Aix-Marseille Université. Selon lui, il existe des techniques de persuasion plus utiles que les images-chocs et les messages culpabilisateurs. Entretien.

La psychologie sociale est une discipline peu connue du grand public. De quoi s’agit-il?

Elle consiste à réfléchir notamment sur le lien entre opinion et comportement. Il y a un souvent un décalage entre l’intention qu’on a de faire quelque chose, et nos actes. Tout le monde en a déjà fait l’expérience: ce n’est pas parce qu’on prend de bonnes résolutions qu’on va les appliquer. On peut vouloir arrêter de fumer, sans pour autant le faire.

En quoi consiste votre travail sur le terrain?

Des associations viennent nous voir pour mettre en place des campagnes de sensibilisation efficaces, notamment sur les thèmes sensibles que sont les dépistages du cancer et du virus du sida. Il faut non seulement changer les croyances – ce que fait très bien la plupart des campagnes d’information – mais aussi agir sur les actes. Les psychologues sociaux ont des techniques pour amener les gens à réaliser avoir un comportement éco-citoyen par exemple.

Selon vous, les campagnes de sensibilisation n’ont pas d’impact sur les comportements ?

Elles changent rarement les comportements. Une grande étude a montré que les campagnes en matière de protection contre le VIH changent certes les opinions, mais pas forcément les comportements. Des enquêteurs ont établi que les effets produits par 350 campagnes ne sont pas significatifs. Les gens ont une opinion plus favorable envers le préservatif, savent qu’ils peuvent se protéger. Mais dès qu’il faut passer à l’acte, c’est une autre histoire.

Mais si de nombreuses campagnes continuent à voir le jour, c’est qu’elles doivent avoir un impact?

Certaines campagnes ont des effets. Mais le problème, c’est que l’on ne sait jamais s’ils sont dus à la campagne en elle-même ou à un autre facteur. Par exemple, les messages sur la prévention routière sont souvent accompagnés d’images-chocs. On ne sait pas si la baisse de la mortalité sur la route est due à la campagne, ou à la présence renforcée de gendarmes au bord de la route. De plus, les rapports d’évaluation ne prennent la plupart du temps en compte que les indices qui tournent autour de la mémorisation des arguments. Or, le processus persuasif est très complexe: on peut changer les connaissances, mais cela ne se transforme pas automatiquement en comportement.

Pourquoi?

Si on fait trop peur ou pas assez, les individus vont rejeter le message. Il faut trouver le juste milieu : menacer, mais aussi rassurer. Dans le cas de la lutte contre le tabagisme, les images-chocs seules ont moins d’effet qu’accompagnées d’un message du type « vous êtes capable d’arrêter de fumer ». En matière d’environnement, c’est la même chose. Les campagnes sur la maîtrise de l’énergie, si elles sont uniquement basées sur la persuasion, n’impactent pas le comportement des individus. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il ne faut pas jeter de papier par terre, mais en pratique, très peu gardent leurs papiers dans la poche.

Quelles sont vos techniques de persuasion?

Lorsqu’on engage les gens, le message que l’on délivre ensuite a plus d’impact. Ainsi, le simple fait de chercher des slogans en groupe créé une dynamique. C’est le principe de la communication engageante. Par exemple, en 2006, pour amener les baigneurs à ne plus salir leur plage, on leur a distribué un questionnaire, puis on leur a donné une carte d’engagement. Les résultats sont là: la quantité de déchets diminue. Autre exemple: pour amener les jeunes à consommer davantage de fruits et légumes, on a fait signer à quelques étudiants une charte d’engagement. Les premiers résultats de l’étude sont encourageants: la fréquence de leur consommation de fruits et légumes augmente. Un site web est aussi en cours de construction, car Internet offre des opportunités en matière d’engagement. Il faudrait des méthodes participatives pour rendre actifs les gens, et éviter le bourrage de crâne.

LeVif.be avec Belga

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